«Au 3 mai, 110.660 ressources numériques ont été mises en ligne durant la période de confinement». Le chiffre est précisé, vendredi, par Pr Ilham Berrada, enseignante-chercheuse à l'Ensias (Ecole nationale supérieure d'informatique et d'analyse des systèmes) et ex-vice-présidente de l'Université Mohammed V de Rabat, lors de la 3ème conférence digitale «Covid-19 : l'Enseignement virtuel avance ses pions» initiée par la Fondation Attijariwafa bank. L'intervenante, qui s'appuie sur les statistiques du ministère délégué en charge de l'enseignement supérieur, en ressort d'autres. Des contenus pour 946.000 étudiants Comme le détaille Pr Berrada, ces ressources numériques ont été mises en ligne au profit de plus de «946.000 étudiants de divers niveaux de diplomation et champs disciplinaires recevant leur éducation dans 151 établissements universitaires qui relèvent des 12 universités publiques». Ce sont également plus de 14.400 enseignants-chercheurs qui sont impliqués dans l'enseignement virtuel. Quant au format des contenus, l'oratrice indique qu'ils sont soit en audio et vidéos sur YouTube, soit en visioconférence à hauteur de 12,5%. Aussi, les plates-formes en live comme Zoom sont exploitées à hauteur de 15%. De même, les cours scénarisés déjà existants s'estiment à un taux de 3,5%. La majorité des documents mis à disposition à raison de 69% sont sous forme de PowerPoint ou PDF. Vers un modèle pérennisé Au-delà de ces données, la professeure s'exprime sur l'expérience de l'enseignement virtuel par les universités avec le Covid-19 «pour en faire un modèle pérennisé». Elle évoque à ce propos la nouvelle loi-cadre n°57-19 consacrée par le ministère de tutelle qui souhaite «institutionnaliser l'enseignement à distance». Et ce n'est pas tout. Pour évaluer les réalisations faites pour l'heure, certaines universités ont, selon Mme Berrada, déployé, auprès des étudiants et enseignants, des questionnaires qui sont «en dépouillement». «Au niveau de notre Université Mohammed V, nous nous sommes intéressés à savoir si les enseignants ont déjà bénéficié d'un accompagnement sur l'enseignement à distance», enchaîne-t-elle en rappelant que cet intérêt s'est manifesté avant et pendant le confinement. «Nous sommes bien conscients que ce que nous avons conduit jusqu'à présent n'est pas parfait mais nous sommes à l'écoute et nous sommes en train de compiler toutes les remarques. L'idée est de capitaliser sur les bonnes pratiques pour corriger les dysfonctionnements», avance-t-elle. L'enseignante annonce également le travail sur un livre blanc relatif à l'inclusion du numérique en touchant les populations à besoins spécifiques. Quid du primaire ? Cette rencontre en ligne a également eu le mérite de pointer du doigt les difficultés auxquelles font face les enseignants et élèves du primaire. «Les enseignants n'ont pas été consultés sur l'enseignement à distance. Ils se sentent marginalisés. D'autant plus qu'ils n'en maîtrisent pas toutes les techniques. De même il n'y a pas de réseau dans le monde rural. Il est vrai aussi que WhatsApp est une expérience mais les élèves qui n'ont pas les moyens de communication se sentent marginalisés à leur tour», témoigne Belkacem El Gdali, professeur de littérature arabe au lycée Al Ouahda à Tiznit. Et c'était à Ilham Laaziz, directrice du programme GENIE au sein du ministère de l'éducation nationale, de reconnaître : «Les difficultés d'accès sont une réalité». L'intervenante, qui indique que ce programme a permis de réagir à la crise sanitaire actuelle, précise que la plate-forme TelmidTice, outre la télévision scolaire, a été à cet effet transformée pour supporter «6.000 cours». «Le ministère a fait ce qu'il avait à faire et plusieurs partenaires institutionnels et privés se mobilisent pour doter les enfants qui ont besoin d'équipements. Il va falloir travailler sur cela à l'avenir. Nous étions également en train de travailler sur le suivi des acquis des élèves par le numérique. Nous avons également lancé un sondage adressé aux parents, enfants et enseignants. Des milliers ont déjà répondu», avance-t-elle. Mme Laaziz, qui rappelle l'existence de 8 millions d'élèves, estime que l'enseignement à distance, fort utile, est une «nécessité». «Devant cette situation exceptionnelle, nous avons certainement dans le milieu rural des difficultés par rapport à l'accessibilité aux réseaux», enchaîne-t-elle à propos des circonstances actuelles ayant trait au coronavirus. Quant à l'enseignement en présentiel avec du numérique, il requiert, pour elle, «des compétences déjà déployées à travers des formations en ligne tous les soirs». Expérience d'une fondation Egalement de la partie, Hamza Debbarh, fondateur de la 3W Academy et administrateur de l'Institution Tahar Sebti à Casablanca, partage l'expérience de celle-ci. «A l'Institution Tahar Sebti, la transformation s'est faite avec la force de la relation entre enfants, parents, direction et enseignants. C'est une école dans laquelle on se fait confiance et où chaque enfant a le droit de développer et d'exprimer son potentiel dans la joie», exalte-t-il. Quant au passage au digital, il s'y est, comme il l'explicite, fait automatiquement à travers des cotisations permettant d'acheter des téléphones pour que les enfants puissent suivre le programme. A propos de la situation actuelle, il indique : «La transition n'est pas technique. Elle est plutôt managériale». Le tout en caressant l'espoir de la création d'une agence de l'innovation en éducation.