Une exposition sur les arts sacrés des Chrétiens d'Orient se poursuit jusqu'au 17 août à l'Institut du monde arabe à Paris (IMA). Intitulée « Icônes arabes, art chrétien du Levant », cette importante manifestation se veut un témoignage sur les évolutions de la vie et de la foi des Chrétiens d'Orient. Les communautés du Levant sont particulièrement représentées dans l'exposition de l'IMA. Elles sont très nombreuses et elles ne relèvent pas toutes des mêmes églises. Les Chrétiens melkites par exemple, connus sous le nom légal de grecs catholiques, sont de rite orthodoxe mais acceptent l'autorité du Vatican. L'église maronite est une église nationale de langue syriaque dont le centre se situe au Mont Liban. Les Nestoriens appartenaient à l'Eglise des Perses qui partit à la conquête spirituelle de l'Asie jusqu'en Chine. L'Eglise Monophysite, dite encore jacobite est présente en Syrie et également en Mésopotamie. Parallèlement cohabitent également des Eglises grecques orthodoxes et arméniennes. Les œuvres de toutes ces communautés sont réunies à l'occasion de cette exposition qui se focalise tout particulièrement sur les deux âges d'or qu'elle a connus sous l'empire abbasside puis sous l'empire Ottoman. Près de 80 œuvres ont été retenues. Elles couvrent un éventail très large qui va des objets liturgiques aux icônes ou aux manuscrits. Les icônes occupent une place très importante. Rejetées par l'islam, ces représentations ont une double vocation qui est certes «d'incarner le visible de l'invisible» mais qui se confond avant tout avec une vocation didactique. Jean le Damascène disait à ce sujet : «ce que la Bible est aux gens instruits, l'icône l'est pour les analphabètes, et ce que la parole est à l'ouïe, l'icône l'est à l'image». Très nombreuses sont les icônes présentées à l'exposition. À partir du déploiement de l'empire musulman, on perçoit d'ailleurs de plus en plus une fusion des styles empruntés à l'art islamique avec frises et arabesques. Mais le plus frappant est un manuscrit qui date du 13éme siècle connu sous le nom de « Roman de Barlaam et Joasaph ». Connu aussi sous le nom de manuscrit de Balamand, car il était conservé dans ce monastère, il narre l'histoire christianisée de Boudha. Il était utilisé à des fins prosélytique dans l'espoir de favoriser la conversion des peuples asiatiques. Adaptée, la légende de Boudha, reflète très bien la multitude des influences qui traversaient la région. Neuf enluminures où dominent le rouge cinabre, le bleu pur, le violet clair et l'or illustrent ce manuscrit. Elles reflètent les différents styles – arabe, syriaque et byzantin – et tendances de la peinture au Moyen âge et au Moyen-Orient. L'influence byzantine est certes primordiale, mais de nombreux éléments stylistiques sont propres à l'art arabe. Les personnages sont représentés en turban à la manière des manuscrits de la Syrie ayyubide, tels les Maqamat de Hariri. La représentation des plantes, des fruits et des arbres suggère que l'enlumineur a également été inspiré par les manuscrits de Kalila wa Dimna. Et la légende de Barlaan et Josaph constitue elle-même une relecture de la vie de Boudha. L'art arabo-chrétien d'Orient témoigne ainsi du métissage culturel que connaissait la région sur les plans culturels et religieux, et l'exposition donne aussi ce faisant une remarquable vision de cette complexité. • De Paris, Hicham Ouazzani