On connaît tout, ou presque, sur notre pays, alors il faut vraiment arrêter de stigmatiser inutilement ce métier qui n'évoluera ni plus vite ni moins vite que ce que nous sommes en train de construire ensemble. La Journée nationale de l'information – puisqu'il en faut une – s'est déroulée dans la morosité et dans l'indifférence. Une raison : la profession n'a pas le moral. Au-delà des congratulations de circonstance, des palmarès contingents et des auto félicitations convenues le malaise est palpable. Mais pour sortir des sentiers battus de l'auto-flagellation pleurnicharde, il faut dire pour une fois que la faute de ce trouble généralisé n'incombe pas, uniquement et exclusivement, aux gens qui font la presse et l'information dans ce pays. Il faut le constater. En gros, on est journaliste chez nous comme on est architecte, médecin, avocat, dentiste… Ce n'est jamais rose pour personne et la perfection n'est pas de ce monde. Ces professions, pourtant à Ordres, parmi d'autres, n'ont, globalement, aujourd'hui, pas réussi ce qu'on exige, ici et maintenant, avec beaucoup de véhémence, de la presse. Pourtant ces dernières années, cette profession a consenti beaucoup d'efforts dans le sens de la professionnalisation et de l'accompagnement de l'ouverture démocratique du pays. Il faut le dire. Il est vrai que dans la dégradation sensible et générale de l'image de la presse, souvent injuste, les gens du métier ont leur part de responsabilité. Mais ils répugnent, par exemple, moins à l'autocritique que les avocats, les médecins ou les architectes. Et de toute façon, et par définition, le débat sur la presse est toujours plus grand public et plus large, donc plus démocratique, que les remous au sein de telle ou telle corporation qui a vraiment mal à sa déontologie. Alors, il ne faut pas en rajouter. Les griefs, souvent lapidaires, portés à l'encontre de la presse sont nombreux et parfois fallacieux. Citons-en quatre sans détours : opacité, corruption, irresponsabilité et amateurisme. Une vraie ligne éditoriale opposée avec une propreté étincelante et rare à ceux et celles qui ont justement pour métier, vocation et profession de dénoncer ces travers. On connaît tout, ou presque, sur notre pays, alors il faut vraiment arrêter de stigmatiser inutilement ce métier qui n'évoluera ni plus vite ni moins vite que ce que nous sommes en train de construire ensemble. Si, dans une société, l'opacité, la corruption, l'irresponsabilité et l'amateurisme sont érigés dans pratiquement tous les secteurs en valeurs de réussite et de performance pourquoi voulez-vous que la presse, par un miracle divin, soit une cité immaculée. Elle doit être, et cela ne nous exonère d'aucune de nos responsabilités, exactement aussi malade que le reste de la société dont elle est le produit à peine sublimé. Sinon ça serait, au moins, douteux…Alors, par charité, ne faites pas rêver le chaland. Nous sommes très heureux de vivre dans un pays où les erreurs médicales n'existent pas, où les bâtiments ne tombent jamais, où les électeurs grands ou petits ne s'achètent pas, où aucun fonctionnaire ne tend la main à une enveloppe grosse ou petite, où les avocats ne soudoient pas les juges, où les marchés publics sont aussi transparents que l'eau de roche, où la douane n'a jamais été truandée, où le fisc n'a jamais été fraudé, où les bilans n'ont jamais été bidonnés et où, et où, et où…Il n'y a que ces salauds de journaleux qui freinent la mise à niveau de la nation. Foutaises… Dire, dénoncer, enquêter, révéler, analyser quand, parfois, en face, les tenants de la vraie opacité, de l'authentique corruption, de la pure irresponsabilité et du parfait amateurisme se font fort de punir le premier titre qui a une posture un tant soit peu irrévérencieuse ou transgressive dans quelque domaine que ce soit, même à dose homéopathique, est un vrai chemin de croix. Le citoyen le plus exigeant en tant que lecteur, nourri aux standards internationaux et formé dans les universités les plus prestigieuses, se transforme rapidement en corrupteur quand ses intérêts sont en jeu. Par ailleurs, quand la communication supplante l'information, on ne rentre pas dans le règne des dieux, mais dans celui des attachés de presse. Dans les décennies précédentes, les sujets véritablement tabous étaient politiques. La presse marocaine s'y est attaquée depuis très longtemps avec courage et persévérance. Les résultats sont globalement là et aucun des pourfendeurs de ce métier ne peut le nier. Mais force est de constater que les nouveaux tabous sont économiques et financiers. Mais, malheureusement, aujourd'hui, la presse marocaine n'a véritablement pour les briser ni les moyens, ni l'organisation, ni l'ascendant, ni l'autonomie, ni la crédibilité requise. Ce sont là, pour cette profession, que la compassion dédaigne, les vrais défis des décennies à venir.