Entretien avec Abdelkrim Benoutiq, ministre délégué chargé des MRE et des affaires de la migration ALM : Pourquoi avez-vous choisi l'offre culturelle comme levier de préservation de l'identité ? Abdelkrim Benoutiq : La dimension culturelle occupe une place importante dans notre stratégie envers les MRE. Le but étant de renforcer les liens de la communauté marocaine à l'étranger avec son pays d'origine le Maroc. Cette stratégie vise essentiellement la préservation de leur identité marocaine et la protection de leurs droits et acquis. C'est dans cette optique que nous avons élaboré une nouvelle politique culturelle permettant d'avoir une offre culturelle variée, qui tient compte de leurs attentes et des spécificités de leurs pays de résidence. Cette stratégie se décline en plusieurs programmes, mis en œuvre aussi bien dans les pays d'accueil qu'au Maroc. Au niveau des pays d'accueil, nous avons lancé un programme ambitieux pour la création de centres culturels marocains dans les pays de résidence qui accueillent une forte communauté marocaine. Ces centres ont pour principal objectif de contribuer au rayonnement de la culture marocaine dans les pays de résidence et promouvoir l'offre culturelle destinée à nos ressortissants établis à l'étranger. Parallèlement, d'autres initiatives ont été lancées par le ministère afin de promouvoir la culture marocaine et le vivre-ensemble. Il s'agit de la Maison des cultures maroco-flamande «Darna», lancée en partenariat avec le gouvernement flamand, et du programme culturel de partenariat entrepris avec la Fondation des Trois Cultures de la Méditerranée à Séville. Aussi, nous soutenons les actions des associations des MRE porteuses de projets culturels et éducatifs dont principalement l'enseignement de la langue arabe et la culture marocaine aux enfants des MRE. Au Maroc, plusieurs actions se déroulent annuellement au profit de membres de la communauté marocaine résidant à l'étranger. Des séjours culturels sont organisés régulièrement en partenariat avec des associations MRE et en parfaite coordination avec les ambassades et consulats du Royaume. Le programme des universités culturelles est l'un des programmes phares du ministère vu qu'il vise les jeunes MRE, âgés de 18 à 25 ans. Les enfants MRE sont également pris en compte dans les programmes culturels. Pas moins de 200 enfants MRE participent annuellement à des colonies de vacances organisées par des institutionnels pendant la période estivale. De par votre proximité avec les MRE et plus spécialement les jeunes, quels sont les programmes que vous leur avez dédiés ? En raison de l'importance des jeunes MRE dans le tissu social de notre communauté à l'étranger, nous avons développé, durant les deux dernières années, le programme des universités culturelles en concluant de nouveaux cadres de partenariat avec des universités marocaines et conseils régionaux. Ceci permet aujourd'hui à plus de 500 jeunes MRE de bénéficier annuellement de ce programme. Ces jeunes, pendant des périodes de 3 jours à une semaine, ont la possibilité de participer à des conférences et débats sur des sujets d'actualité qui sont encadrés par des professeurs et chercheurs marocains expérimentés. A travers ce programme, ces jeunes MRE ont la possibilité également d'effectuer des visites de terrain leur permettant de découvrir de près les atouts socio-économiques de leur pays d'origine, le Maroc. C'est ainsi qu'a eu lieu la 11ème édition de l'université d'été à Tétouan durant le mois de juillet. Plus d'une centaine de jeunes MRE, en provenance de 14 pays d'accueil, ont pu bénéficier d'un programme riche et diversifié, dont les sujets majeurs ont concerné «le modèle marocain de tolérance et de dialogue interreligieux», «l'intégrité territoriale du Maroc» et «les grands chantiers de développement au Maroc». Vous avez lancé le mois dernier un vaste programme de tournées théâtrales. Quel en est le but ? Aujourd'hui et face à tout ce qui se passe dans le monde, nous sommes tout à fait convaincus que la culture est en partie la réponse à plusieurs maux qui sont «maladroitement» associés à l'immigration. Quand on sait que près de cinq millions de Marocains résident à l'étranger, faire connaître la culture marocaine, aussi bien auprès des MRE que des sociétés de leurs pays d'accueil, devient un impératif. La culture avec son large spectre présente plusieurs possibilités qui ont vocation de faciliter le dialogue et favoriser le rapprochement et la cohésion sociale. L'art théâtral, vecteur culturel par excellence, ne peut qu'encourager la concrétisation de cette vocation. C'est ainsi à juste titre que le ministère a récemment lancé un ambitieux programme. Des tournées théâtrales seront effectuées par 70 troupes nationales dans plusieurs pays d'accueil. Plus de 300 spectacles en arabe et amazigh seront joués d'ici fin 2020 dans une vingtaine de pays. C'est un travail de longue haleine que nous avons entrepris depuis le début de cette année pour préparer ce programme. Un appel à projets a été lancé par le ministère pour identifier et sélectionner les pièces de théâtre qui seront jouées à l'étranger au profit des MRE. Le processus de sélection a été mené par une commission interministérielle. L'événement marquant le lancement officiel de ce programme a été présidé par le chef de gouvernement le 25 juillet 2019 au Centre de conférences Mohammed VI à Skhirat. Le Maroc dispose d'un formidable réservoir de compétences à travers le monde. Qu'est-ce qui a été réalisé à ce jour pour mobiliser ces talents et que prévoyez-vous comme actions à l'avenir dans ce sens ? Selon les derniers chiffres de l'OCDE, les Marocains résidant à l'étranger comptent plus de 400.000 personnes qui ont un niveau Bac +5 et plus de 8.000 médecins. Ce vivier de compétences nous a poussés à mettre en place une stratégie visant la mobilisation de ces talents à travers le réseautage et la mise en relation entre ces compétences et les différents partenaires au Maroc sur des projets concrets. Dans ce sens nous avons lancé en juillet 2017 la 13ème Région dédiée aux Entrepreneurs Marocains du Monde (MeM by CGEM) en partenariat avec la CGEM. Cette région virtuelle est un espace d'échange entre ces entrepreneurs et leurs homologues au Maroc et qui vise aussi à les encourager à s'implanter au Maroc. Aussi, nous avons réalisé en 2017 une étude sur la contribution des compétences marocaines résidant à l'étranger dans les chantiers de développement au Maroc et qui a dégagé plusieurs champs de compétences déficitaires ou non couverts par les profils disponibles sur le marché marocain de l'emploi et de l'expertise, notamment l'industrie, les énergies renouvelables, l'enseignement supérieur, l'aéronautique, la recherche scientifique et l'agriculture. Ces résultats nous ont permis d'orienter notre démarche en organisant des rencontres géographiques rassemblant des experts marocains d'Allemagne (Tanger, octobre 2017), des Emirats Arabes Unis (Rabat, mars 2018), des Etats-Unis (Marrakech, avril 2018), ainsi que le Forum maroco-belge (Rabat, mars 2019), et thématiques (femmes chefs d'entreprises à Marrakech en mars 2018, les experts marocains de France en nouvelles technologies à Rabat en juillet 2018 et les experts marocains du Canada en aéronautique à Rabat en novembre 2018). Ces derniers ont organisé, sous l'égide de notre ministère et en partenariat avec l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, la 1ère édition de l'Université d'été en Génie aérospatial. Cette action réussie a permis de former des élèves ingénieurs et des étudiants dans les métiers de l'aéronautique et de créer des pistes de collaboration entre institutions marocaines et canadiennes. 11 formateurs MRE ont été mobilisés et 22 formations ont ainsi été proposées dans plusieurs disciplines telles que les sciences du vol, les charges et dynamiques, la conception de structures, la propulsion, les câblages, la certification et la gestion de projets. Concernant les actions futures, nous allons organiser courant 2020 en partenariat avec l'Académie du Royaume du Maroc et l'Université Internationale de Rabat un Forum de mobilisation d'experts internationalement reconnus dans les domaines scientifiques. Aussi, nous allons poursuivre notre action de mobilisation à travers des forums géographiques (avec les compétences marocaines résidant aux Pays-Bas, en Espagne et en Italie) et thématiques (santé, astronomie et agroalimentaire).