La lutte contre le bioterrorisme aux Etats-Unis risque-telle d'avoir des retombées économiques sur les échanges Maroc-USA ? La réponse des opérateurs marocains fait ressortir que le risque pour le Maroc reste limité. Si le dispositif de lutte contre le bioterrorisme est une source d'inquiétude pour ceux qui œuvrent dans le secteur de l'agroalimentaire, Français et Canadiens en tête, le risque pour le Maroc reste beaucoup moindre. Afin prévenir le bioterrorisme, l'Administration américaine songe en effet à imposer des contrôles plus serrés sur les produits alimentaires périssables, en introduisant, entre autres, de nouvelles règles d'étiquetage. « Les règles déjà instaurées par l'AFD sont bien contraignantes. L'objectif d'une qualité générale avec zéro défaut impose une traçabilité du produit de la semence au produit fini », précise Adil Benzakour, secrétaire général du Groupe Unimer, acteur majeur des candidements au Maroc. Les principaux produits à l'exportation du Maroc vers les Etats-Unis ont totalisé 3 125,9 millions de DH en 2001. Les phosphates arrivent en tête avec 801,6 millions de DH, suivies des vêtements confectionnés avec 646,8 millions de DH et des articles de bonneterie (278,2 millions) . La quatrième et cinquième place reviennent aux conserves de légumes (231,0 millions) et aux poissons en conserve (210,6 millions). Tenant compte de la nouvelle donne poussant le Maroc à engager des négociations pour un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le caractère de politique internationale de ce projet n'échappe à personne. De tous ces rôles de l'agriculture, c'est celui de garant de la sécurité alimentaire que les Etats-Unis mettent le plus en avant pour justifier leur politique agricole. D'où la forte intervention de l'Etat américain dans ce secteur. Ainsi, protectionnisme et libre-échangisme marquent paradoxalement, en même temps l'approche américaine. « De ce fait, la politique américaine dans le domaine agricole a consisté en une stratégie à double visage : protectionniste sur son marché intérieur et offensive sur les marchés mondiaux », a relevé l'économiste Najib Mikou dans l'un de ses articles. Certains opérateurs, surtout français, voient dans contrôles plus serrés sur les produits alimentaires, afin de prévenir le bioterrorisme, comme annoncé par l'administration américaine, une continuité de leur politique protectionniste. La nouvelle politique agricole, qui vient d'être votée par la Chambre des représentants et entérinée par le Président George W. Bush, représente un tournant majeur. Elle prévoit une augmentation des dépenses agricoles de 75 % sur 10 ans, qui atteindront au terme de cette période 173,3 milliards de dollars au lieu de 100 milliards aujourd'hui. «Par le biais de quatre types d'aides, cette loi permet aux agriculteurs de percevoir des subventions accordées jusque-là en cas de catastrophe climatique ou de risque grave », ajoute Najib Mikou. Il s'agit des aides directes découplées qui seront versées à un grand nombre de productions (dont le soja pour la première fois). La période qui servira de référence au versement de ces aides a été réactualisée (1998-2001 au lieu de 1986-1988). S'y ajoutent les paiements contra cycliques qui permettront de payer aux producteurs la différence entre les prix des marchés mondiaux et un "target price" fixé par la législation. Aussi, des aides aux pratiques respectueuses de l'environnement sont un autre levier. Enfin, des loans rates (crédits accordés aux producteurs). « Par ailleurs, les prix de référence ont augmenté (sauf pour le soja), les fonds alloués au "Market Access Program" et destinés à encourager les pays étrangers à acheter des produits américains ont plus que doublé, et les fonds destinés à l'aide alimentaire sous forme de prêts ont augmenté », est-il précisé. Partant de cette donne, les négociateurs marocains de l'accord de libre-échange avec les USA ont intégré à bien saisir la politique de l'oncle Sam. Sinon, l'impact peut être terrible.