Le pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam constitue pour les croyants la consécration de leur foi. Mais pour de nombreux faux voyagistes, courtiers et intermédiaires en tout genre, c'est une occasion pour gruger les candidats au Haj. Des scandales couverts par des agences de voyages louches bénéficiant de complicités à divers niveaux, au Maroc comme en Arabie saoudite. Il ne se passe pas une année sans que des candidats au pèlerinage ne soient grugés par des agents de voyages peu scrupuleux. Cette saison encore, des futurs “Hajaj“ n'ont pas pu se rendre dans les lieux saints de l'Islam alors qu'ils ont acheté leur package chez des agences de voyages, à Casablanca, Agadir, Safi et Berkane. Scandale. Les intéressés apprendront, à leur grande colère, qu'ils ont été victimes d'une escroquerie. Les deux premières agences ont dépassé le quota qui leur est dévolu, tandis que les deux dernières n'ont pas du tout été agréées pour l'opération pèlerinage 2003. 30.000 personnes autorisées cette année à se rendre à la Mecque. Tel est le quota fixé par les autorités saoudiennes pour le Royaume du Maroc. Les 2/3 (20.000) sont gérées exclusivement par le ministère des Habous et des Affaires islamiques alors que le reliquat (10.000) est réparti sur les agences de voyages du pays (au nombre de 164), sur la base d'un cahier des charges précis qui engage les bénéficiaires. C'est la commission royale chargée de l'organisation du pèlerinage, composée des représentants du ministère du tourisme, des Affaires islamiques et de l'Office des Changes qui supervise ce travail de partage et détermine, en fonction d'un certain nombre de critères et de conditions, les agences qui sont habilitées à “commercialiser“ la formule Haj. Cette opération est encadrée et réglementée, du début jusqu'à la fin, pour justement protéger les droits des pèlerins en les mettant à l'abri d'une éventuelle arnaque. Alors comment se fait-il que des candidats ont malgré tout été abusés ? Existe-t-il des failles dans ce dispositif officiel ? Du côté du ministère du Tourisme, on souligne que la commission royale n'est pas en cause dans cette malheureuse affaire. À y regarder de plus près, un maillon important de la chaîne fait défaut : la communication. Certes, les agences de voyages sont tenues d'afficher dans la vitrine un label indiquant qu'elles sont autorisées. Autrement dit, le futur pèlerin est censé ne pas entrer dans n'importe quelle agence pour réserver son voyage à la Mecque. Or, combien de candidats au pèlerinage sont au courant de cette “innovation“ sachant que la plupart ne savent pas lire ni écrire ? Justement, les agents de voyages malintentionnées profitent de cette situation pour tromper le premier chaland venu. Afin d'éviter ce genre d'arnaque au pèlerinage, il serait plus judicieux de communiquer à l'avance les noms des agences retenues en les affichant à l'entrée des arrondissements ou des préfectures. De telle sorte que chaque citoyen intéressé par le Haj puisse consulter cette liste avant de s'adresser indifféremment à telle ou telle agence. Cela dit, 164 agences de voyages pour le pèlerinage, c'est beaucoup. Il est possible de réduire ce nombre en imaginant un autre système de répartition des quotas. Certains professionnels du tourisme proposent le remplacement de la commission royale par une procédure d'appel d'offres soit à l'échelle nationale ou régionale. Un tel procédé a notamment pour avantage de contribuer à la professionnalisation des moyens d'accès à ce tourisme religieux avec une meilleure prise en charge des fidèles et de permettre, éventuellement à cette fin, aux agences candidates de regrouper leurs efforts en vue de l'obtention du marché. Ahmed Taoufik, ministre des Habous et des Affaires islamiques, est conscient du problème. Dans une interview accordée au quotidien Assahra Al Maghribia“, le ministre a annoncé un changement à ce sujet : permettre à l'avenir au pèlerin de choisir, en vertu d'un contrat avec les organisateurs, entre les “services d'organisation officielle et ceux offerts par les agences de voyages“. En attendant une révision des modalités du pèlerinage, les autorités concernées doivent sévir contre les agents de voyages véreux en leur retirant définitivement, pour l'exemple, la licence du tourisme. Il faut reconnaître aussi que les pratiques peu orthodoxes ont prospéré en raison de l'absence de sanctions.