Les adolescents sont le reflet d'une synthèse culturelle, mais ils sont aussi l'expression vivante des failles et des multiples crises du monde contemporain et de nos sociétés en mutations. Il est des concepts universels, reconnus par tous. Les adolescents sont le reflet d'une synthèse culturelle, mais ils sont aussi l'expression vivante des failles et des multiples crises du monde contemporain et de nos sociétés en mutations. Il est des concepts universels, reconnus par tous. Il y a même, sans doute, une notion d'universalité de ce que l'on appelle "une culture juvénile". Et il y a des difficultés spécifiques de l'adolescence, entendue comme phase du développement de la personnalité. Les souffrances sont les mêmes dans le monde entier : toxicomanie, tabac, drogue, fugues, violence, vols, absentéisme, dépression, délinquance, échecs divers et échecs scolaires, inhibitions, chômage, malaise identitaire, abus sexuel... Les contextes sont différents. Au Maroc, l'environnement social, culturel et économique, a ses règles internes issues de son histoire et son présent est géré par un grand nombre de facteurs qui impriment de leurs marques la pensée et le comportement. Autour de nous, des enseignants, des parents, des médecins, des Organisations non gouvernementales, (ONG), s'interrogent sur les écarts de pensée entre les adolescents et les acteurs de la société, les difficultés de communication entre les générations et l'avenir des jeunes. Les interrogations, qui étaient, il y a dix années à peine, hésitantes, timides, vagues, deviennent à présent plus pressantes, plus construites et ... plus inquiètes. Le paysage socioculturel et politique marocain, a changé en quelques années. Les multiples changements agissent aussi par une prise de conscience du soi psychologique. L'environnement est capital à cette phase de la vie pour contenir, étayer, parer aux débordements ou, à l'inverse, exciter les failles et les béances.Les décalages sont évidents entre les attentes et les capacités de contenance des structures et des institutions d'une manière générale et de l'institution scolaire plus particulièrement. Les décalages des idées et les grands écarts de pensée intergénérationnels font que les adolescents d'aujourd'hui qui sont, qu'on le veuille ou non, installés dans un nouveau rapport au monde sont souvent livrés à eux-mêmes. Les questions sur les liens entre le processus de développement de l'adolescent, avec ses dangers et ses potentialités, et son interaction avec notre contexte n'ont pas encore bénéficié de l'intérêt qu'elles méritent dans un pays jeune comme le Maroc. Nous ne possédons pas pour notre pays de données chiffrées sur les conduites à risque, les suicides, les dépendances toxicomaniaques, la délinquance juvénile, ... mais nous pouvons retenir comme indicateurs du malaise et de la détérioration du tissu socio-économique trois phénomènes extrêmes : - les enfants de la rue, des adolescents de 15 à 18 ans, vivent dans la violence qu'ils mettent eux-mêmes en acte; - les clandestins qui empruntent le détroit pour partir; - et l'extension alarmante des toxicomanies chez les jeunes, dans les collèges, les lycées, dans la rue, partout. Il devient primordial aujourd'hui de penser le "phénomène adolescence" au Maroc, comme phénomène de la société moderne. Cette "classe adolescente" vue sous le prisme social avec ses spécificités psychopathologiques et ses nouvelles exigences éducatives, pose aujourd'hui le problème de son encadrement et de son étayage. Les parents sont seuls Ils sont confrontés à des problèmes d'éducation majeurs. Ils sont souvent dépassés par ce qui se passe dans la rue, ne serait-ce que par rapport à ses nombreuses salles de jeux. Dans certains quartiers, la rue est même vécue, à juste titre d'ailleurs, comme un espace dangereux. Or c'est l'un des espaces où l'adolescent exerce sa liberté! Les collèges et les lycées sont des espaces de plus en plus difficiles à contrôler par rapport à certaines pratiques : drogues, cigarettes, mauvaises expériences sexuelles, violences diverses… Les adolescents sont aussi seuls et parfois face aux dérives intra-familiales fréquentes et multiples alors que la déchéance du droit parental existe dans la loi. Sans aller jusqu'à se substituer totalement à la famille, comme c'est le cas dans certains pays, l'Etat doit s'engager car nos adolescents sont, dans biens des situations, confrontés aux multiples crises d'une société qui souffre de la fragilité de certaines de ses institutions, d'une confusion de repères et d'un manque de structures. Il est urgent d'exercer une politique articulée et intégrée entre différents ministères peut-être (l'Intérieur, la Jeunesse et Sport, la Justice, l'Education nationale et la Santé) pour l'encadrement et la prise en charge de l'adolescent. en alliance avec les parents et les enseignants,imaginer un réseau cohérent qui ait une capacité de contenance de l'appareil psychique de l'adolescent et qui permette d'apaiser la violence de ses affects, atténuer ses contradictions, organiser son espace interne, l'aider à se construire et l'empêcher de se détruire la multiplicité et la diversité professionnelle, des interlocuteurs des adolescents et des médiateurs sociaux pour tenter de parer à l'incapacité grandissante à gérer et contenir ce qui n'est compris ni élaboré dans les espaces publics. Plus concrètement il faut faire une évaluation des besoins au niveau de la population. Il faut prévoir des structures spécifiques de conseils, d'orientation et de prévention en gardant à l'esprit que les structures ce ne sont pas des murs, bien qu'elles soient importantes aussi, mais le plus important aujourd'hui, c'est le potentiel humain. Des médiateurs sociaux, sensibilisés aux techniques d'écoute des jeunes en difficulté, doivent axer leur travail sur le lien avec les familles, l'institution scolaire et les autres structures d'accueil. Notons toutefois que les campagnes d'information très coûteuses sont à notre avis d'une utilité très réduite dans ce cas précis, car il s'agit d'abord de modifier des comportements et des attitudes éducatives qui sont basés sur des représentations très complexes, l'expérience ayant montré que nous ne pouvons pas changer les comportements par des slogans uniquement. • Chafika Sekkat, psychiatre