Les exportateurs marocains de textile et habillement ont trouvé une autre manœuvre désespérée pour gêner la progression des franchisés, celle de leur imposer les règles sur l'étiquetage. Le secteur du textile au Maroc est, assurément, le dernier bastion des rentiers et autres entrepreneurs, adeptes du protectionnisme lucratif. Après un faux débat autour de la filière suivi d'initiative avortée d'instaurer des prix d'alertes, la dernière trouvaille de l'AMITH est de plaider en faveur de l'application des dispositions sur l'étiquetage des produits destinés au marché local. La manœuvre consiste, en fait, à gêner le travail des importateurs. Un nouveau front a donc été ouvert pour satisfaire les intérêts inavoués du pôle de distribution locale de l'Association marocaine des industriels du textile et de l'Habillement (AMITH). L'association compte imposer son diktat au ministère de tutelle, celui du Commerce et de l'Industrie. Sous la houlette du président du pôle de l'association, Mohamed Karim Tazi , certains intérêts minoritaires font le siège du ministère pour essayer de gêner l'évolution des réseaux de distribution organisée. Au lieu de se concentrer sur son action de satisfaction du client, surtout étranger, partant du fait que la composition de l'AMITH est surtout faite d'exportateurs, certains de ses membres s'amusent à dévoyer sa vocation initiale. Ainsi, Mohamed Karim Tazi, patron des sociétés Marwa et Montépull, déploie toute son énergie pour demander l'application d'un dispositif que le Maroc aura à défaire dans 5 années. En plus, les soldes organisées représentent, pour lui, à plus d'un titre, une affaire gênante. Le patron de Marwa, une chaîne de trois petits magasins employant moins de 10 personnes, s'active pour faire décaler les périodes retenues par les magasins organisés pour les soldes. À travers plusieurs communications, Mohamed Karim Tazi, préfère le côté plutôt bourgeois de l'habillement. Selon ce raisonnement, la période retenue par l'AMCR pour les soldes devrait être décalée. La réponse de l'AMCR est plus convaincante : « Nous devons nous aligner sur les standards internationaux en la matière. Pour recevoir les nouvelles collections, nous devons solder dans le même timing qu'à l'international et aussi pour être profitable au grand nombre », tient à préciser Emad Eldin Abdalla, vice-président de l'AMCR (cf. entretien). Pour parvenir à leurs fins, les barrons de l'AMITH cherchent par tous les moyens à barrer la route aux franchisés, bien structurés. Ainsi, ils poussent vers l'application des règles, déjà désuètes, de l'étiquetage. Conçues à l'origine pour étiqueter les produits alimentaires, ces nouvelles mesures ont été instaurées en 2002 par la publication du décret sur l'étiquetage des produits alimentaires. L'objectif de cette batterie de mesures est de protéger le consommateur. L'AMITH, par un travail de lobbing, aussi négatif qu'infructueux, plaide en faveur de la généralisation de ces règles aux enseignes franchisées. L'association est allée même, de manière unilatérale et non concertée jusqu'à fixer un délai de grâce (juin 2005) pour l'application effective de ces mesures. « Je ne vois pas en quoi la franchise pourrait-elle déranger les exportateurs ? Au moment où l'ouverture totale des frontières est programmée pour 2010, c'est assurément un combat d'arrière-garde que veulent mener nos détracteurs. Il ne faut pas que le commerce paye les problèmes de l'industrie », précise le vice-président de AMCR. Selon l'association, demander des étiquettes spéciales pour le marché marocain à de grandes marques internationales relève du non-sens. Du moment que ces dernières proviennent de standards internationalement reconnus avec une traçabilité réelle, rien au niveau du marché local ne justifie une telle revendication. Et puis, l'étiquetage, conformément aux normes internationales, est exigible des exportateurs et non l'inverse. D'ailleurs, les règles d'étiquetage d'une norme administrative sont susceptibles de constituer des obstacles techniques au commerce. L'accord de l'OMC sur les obstacles techniques au commerce (accord sur les OTC) interdit formellement ces règles. « La « norme » marocaine est, en fait un règlement technique au sens de l'accord sur les OTC », indique un consultant en droit commercial. Autre argument avancé par l'AMITH pour la mise en application des règles de l'étiquetage, « barrer la route à des importateurs véreux qui joueraient sur les prix d'origine et traqueraient la qualité ». La réponse des importateurs est assurément, plus défendable. Ils parlent tout de go de l'informel qui prend racine, sans que cela ne soit un secret pour personne, dans les usines de fabrication. Il faut savoir qu'en plus des droits de douanes versés, des marques comme Zara, Mongo, Celio ou autres passent commande à des sociétés marocaines, basées à Casablanca et Tanger, et par conséquent, ont un impact direct sur l'emploi. À titre d'exemple, 90% des jeans Zara vendus dans le monde sont fabriqués au Maroc et portent de ce fait l'étiquette Made In Morocco. C'est vraiment le monde à l'envers que de demander à une multinationale comme Zara, cotée en Bourse et dont la traçabilité n'est plus à vérifier, que de s'adapter au marché local. Même dans les pays arabes, aux Emirats ou en Arabie saoudite, ce critère n'est pas de mise. Cette agitation autour de l'étiquetage témoigne en vérité du malaise qui mine le textile marocain qui ne cesse de filer du mauvais coton.