La Cour des comptes en décortique les maux et propose des pistes de réformes Les charges du personnel de l'Etat sont plus élevées que la richesse nationale. C'est l'un des constats relevés par la Cour des comptes dans son récent rapport consacré au système d'évaluation de la fonction publique. Dans son document la Cour fait un état des lieux sans concession de ce système et un bilan des principales réformes initiées depuis la fin de la décennie 1990. La Cour a également dressé un diagnostic de l'état actuel de ce système en mettant en lumière les principaux aspects de la fonction publique. Dans son analyse la Cour propose des pistes de réformes et dévoile ses recommandations pour parer aux maux de l'administration publique. Le déploiement du personnel est à revoir Le taux d'administration au Maroc, exprimé en nombre de fonctionnaires pour 1.000 habitants, est établi à 17,2‰. La plus haute juridiction financière explique que l'effectif des fonctionnaires «n'est pas excessif» par rapport à la population totale et comparé à d'autres pays. Il s'avère en revanche que la répartition du personnel connaît des disparités entre les régions. Ainsi, ce taux est plus élevé par exemple dans la région de Rabat-Salé-Kénitra avec 27,8‰ et moins important dans la région de Marrakech-Safi (13,5‰). Par département, 4 départements ministériels concentrent 82,5% des fonctionnaires civils en 2016. Au sommet de ce classement, le département de l'éducation nationale concentre 49,4%, suivi de l'Intérieur (20,5%), la Santé (8,9%) et l'Enseignement supérieur (4,2%). Sur la même période, les crédits alloués à la masse salariale atteignent 120 milliards de dirhams dont 59% sont affectés à trois départements. Il s'agit de l'Education nationale (36,5%), l'Intérieur (15,2%) et la Santé (7,1%). Une fonction publique qui dépasse les moyens de l'économie du pays 3 fois le PIB par habitant, c'est ce que représente le salaire net moyen dans la fonction publique alors qu'il n'est que de 1,2 en France et 1 fois en Espagne par rapport à la richesse nationale. Selon la Cour des comptes, ce chiffre s'explique par la faiblesse du PIB du Maroc comparé à la France et l'Espagne, mais pas seulement. Il est également dû aux multiples revalorisations des salaires résultant du dialogue social. Autre constat, la masse salariale a augmenté de 59% entre 2008 et 2016 alors que le taux des effectifs des fonctionnaires civils n'a progressé que de 9%. Une situation que la Cour attribue à l'augmentation des niveaux de rémunération sous l'effet des promotions de grade et d'échelon. La juridiction ajoute que cette hausse est également due aux «différentes décisions de revalorisation salariale qui étaient souvent prises en réponse à des situations conjoncturelles exceptionnelles». Système de rémunération, temps de travail et reprofilage des effectifs Sur la base d'un taux de croissance de 3,6%, la masse salariale passera de 12% en 2018 à 11,5% en 2021. En termes nominaux celle-ci continuera de s'accroître. Ces perspectives dépendent entre autres de l'application des mesures de maîtrise de la masse salariale et d'un taux de croissance supérieur à 3,5%. Pour parvenir à maîtriser l'évolution de la masse salariale, la Cour appelle donc à une refonte du système de rémunération ainsi que du système d'évaluation et de promotion. Dans cette équation, l'optimisation du temps de travail semble constituer un autre élément de réponse pour la maîtrise de la masse salariale. Toutefois, les durées effectives de travail sont très variables d'une administration à une autre. Il est donc essentiel, selon la Cour des comptes, de mettre en œuvre les moyens pour s'assurer que la durée effective corresponde à la durée réglementaire. Elle propose par conséquent de mettre en place des moyens de contrôle de ce temps accompagnés de mesures telles que la généralisation de la gestion axée sur les résultats et l'évaluation des performances de chaque fonctionnaire sur la base des descriptions de postes. Un autre point saillant, celui des départs prévus des fonctionnaires à la retraite dans les années à venir qui laisse entrevoir une opportunité à saisir. A cet égard, la Cour recommande un reprofilage des effectifs dans le sens de la mise en adéquation avec les besoins de l'administration de demain. En revanche, elle met en garde contre deux défis auxquels il faudra faire face. Il s'agit du vieillissement de la population active et l'inadéquation du système de formation avec les besoins en compétences de l'administration. La juridiction propose donc des systèmes efficients de formation afin de parer à ces obstacles. Un service public loin de son potentiel Outre le bilan des initiatives des réformes insuffisant, la première juridiction financière du Maroc fait un diagnostic du système de la fonction publique. Celui-ci met en lumière la faible qualité du service public malgré les moyens disponibles. Il s'avère par exemple que 65% de l'administration dispose d'un haut niveau d'encadrement en 2016. De même les secteurs qui reçoivent le plus de critiques accaparent plus de 40% du budget de l'Etat, à savoir l'éducation, la santé et la justice. Ce dysfonctionnement est lié à la faible mobilisation des ressources humaines selon ledit rapport. La Cour estime dans ce sens qu'en l'absence d'une culture d'évaluation et de contrôle de service public, la qualité de celui-ci demeure loin d'être satisfaisante. De plus, l'impact des projets visant la simplification des procédures et la réduction du nombre de démarches administratives reste imperceptible.