Entre la volonté de ratisser le plus large possible dans la classe politique pour former le gouvernement et les tensions internes au sein des partis, la configuration du nouveau Cabinet demeure incertaine. L'élection du président de la Chambre des représentants, cette semaine, donnera une première indication sur le fruit de ces conciliabules. Après le choc de la nomination, le réalisme des négociations. Dès sa désignation au poste de Premier ministre, Driss Jettou a entamé le travail des consultations classiques en vue de la formation du nouveau gouvernement. Dans un premier round, M. Jettou a eu une prise de contact avec les chefs des principaux partis qui comptent dans le paysage politique : Abderrahmane Youssoufi, Abbas El Fassi, Ahmed Osman, Mohand Laenser, Mahjoubi Aherdan, Saâd Eddine Al Othmani, Thami Khiyari et Ismaïl Alaoui. Objectif : expliquer à ses interlocuteurs les grandes lignes de son programme de gouvernement brossées par S.M le Roi dans son discours devant le Parlement vendredi11 octobre. Le nouveau Premier ministre a même reçu les leaders de l'opposition, l'UC Mohamed Abied et le PND Abdellah Kadiri. Ces derniers, tout contents d'avoir été consultés comme des grands, se prennent à rêver de revenir comme force d'appoint au temple gouvernemental dont ils furent chassés par l'alternance en 1998. Ce rêve est suspendu à la décision de participer ou non de l'USFP et du RNI qui ont lié solennellement leur destin par le communiqué du 6 octobre où ils ont proclamé leur volonté de continuer l'action commune entamée au sein du gouvernement d'alternance. Lors de la réunion des députés et conseillers RNI autour d'un dîner à Rabat à la veille de l'ouverture de la nouvelle législature en présence d'Ahmed Osman, les débats furent houleux et douloureux. Nombre d'élus ont tiré à boulets rouges sur l'alliance de leur parti avec l'USFP. La colère des contestataires s'est abattue comme la foudre sur le président Osman et le ministre sortant Mohamed Aoujar : “ Regardez où vous nous avez menés avec vos mariages irréfléchis. Nous sommes dans l'impasse“, telle fut en substance la teneur des récriminations. Personne au sein du RNI n'avait contesté sur le moment cette alliance, elle fut même applaudie car tout le monde était certain qu'elle inaugurait un retour en force du RNI au sein du prochain exécutif avant que la nomination de Driss Jettou ne chamboule tous les calculs. Impassible, Ahmed Osman s'est efforcé de ne pas perdre son sang froid. En fait, le spectacle l'amuse plus qu'il ne l'agace. Il sait mieux que quiconque que l'amertume des siens cache mal leur envie brûlante d'entrer au gouvernement. Prurit de la ministrabilité quand tu nous tiens…Pas moins de 30 candidats sont en effet dans la course. Écartelé entre son engagement vis-à-vis de l'USFP et la pression des ambitions de son entourage, M. Osman serait-il tenté d'envoyer son camp sur les bancs de l'opposition ? “Au stade où il en est, l'ex-Premier ministre, qui a l'avenir derrière soi, est prêt à renoncer à tout sauf à l'alliance qu'il a scellée avec Abderrahmane Youssoufi“, confie un connaisseur des humeurs du leader du RNI. Une question de principe. Et puis, il ne faut pas insulter l'avenir. Qu'en est-il chez l'USFP ? Ici, le courant des non-participationnistes, menés par Mohamed El Yazghi, semble dominant pour le moment. Pour décider de la position à prendre, le parti va convoquer prochainement ses instances, le comité central et la commission administrative. Aux membres de ces instances de se prononcer sur la question. Les débats promettent d'être très chauds et le décision à prendre douloureuse. Une chose est sûre: Driss Jettou tient à l'USFP comme partenaire principal dans son prochain cabinet. Du côté de l'Istiqlal, l'affaire est entendue. Oui à la participation même si le parti d'Abbas El Fassi a annoncé qu'il attend la réunion de son conseil national pour régler la question. Le PJD est aussi d'accord pour rejoindre la future coalition gouvernementale, de même que le MP, le MNP, le PND et l'UC. Pour le moment, ce sont les partis qui ont donné leur ok à Driss Jettou. Restent l'USFP et le RNI. “Comme rien n'est définitif en politique, le jeu des alliances peut changer“, indique un député socialiste.On verra un peu plus clair dans tout cela avec l'élection du nouveau président du Parlement, prévue au début de cette semaine. Comme Abbas El Fassi sait qu'il n'a aucune chance d'être ministre, encore moins celui des Affaires étrangères qu'il convoite, il compte se rabattre sur le perchoir. Quant à Mohand Laenser, il voudrait bien faire son entrée au gouvernement. Le portefeuille qui l'intéresse ? L'Agriculture.