«Art et diplomatie» est le titre d'une publication du ministère des Affaires étrangères et de la coopération. Ce livre regroupe l'iconographie relative aux anciens ambassadeurs marocains et les œuvres plastiques qui ornent les chancelleries du Maroc dans le monde. Le livre comprend deux parties. La première traite des représentations d'ambassadeurs marocains par des artistes occidentaux. La seconde répertorie les œuvres des peintres marocains accrochés dans les murs de certaines chancelleries et au siège du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération. En ce qui concerne la première partie, il en ressort que le goût pour l'orientalisme s'est d'abord répandu par l'intermédiaire des peintres européens qui se sont intéressés aux diplomates arabes en poste dans leur pays. Leurs costumes et parures séduisaient l'œil des artistes à l'affût de volumes et de couleurs inhabituels. Le lecteur sera très attentif à la manière dont certains artistes ont figuré les ambassadeurs marocains. Ainsi, cet étonnant cortège de chevaux caparaçonnés avec de riches étoffes, un présent sans doute, d'un ambassadeur en djellaba blanche, et qui se tient dans un carrosse aux côtés de son hôte autrichien. Il s'agit de Mohamed Ben Abdel Malek, ambassadeur du Royaume du Maroc auprès de la cour viennoise. L'œuvre, déposée au Kunsthistorishes museum de Vienne, date de 1783 et son auteur n'est pas mentionné. En revanche, l'auteur de celle où l'on voit l'ambassadeur du Maroc auprès de la reine d'Angleterre Elizabeth I n'est pas anonyme. Il s'agit du peintre Seymour Lucas et l'œuvre en question date de 1600. Elle représente Abdelwahed Ben Messaoud Ben Mohammed Anoune, ambassadeur du sultan Al Mansour Eddahbi. Le portrait est réaliste, et il est curieux en ceci que celui qui y est figuré semble avoir posé longtemps pour sa réalisation. Or, l'on sait que la représentation est très mal perçue en terre d'islam. Le fait que cet ambassadeur ait sciemment accepté d'être un modèle est une preuve de courage. Autre chose curieuse dans cette œuvre est une inscription en latin dont la traduction en français donne : «Envoyé du roi des barbares en Angleterre». Il est rare que l'on mentionne aussi ouvertement dans un tableau son sujet. Quant à la nomination «barbare», elle ne recouvre aucune connotation péjorative. À la fin du 16ème siècle, étaient considérés barbares tous ceux qui ne sont pas grecs ou latins. La partie consacrée dans «Art et diplomatie» aux peintres occidentaux qui se sont intéressés à nos ambassadeurs présente bien d'autres attraits. En revanche, celle qui est censée donner une image de la création plastique dans notre pays étonne par le peu de peintres qui y sont présents et l'absence de certains noms importants. Le peintre Mohamed Melehi, qui a été chargé de la conception et la réalisation du livre, explique que chaque ambassadeur fait de son mieux, et qu'il agit selon son goût et la nature des relations qu'il entretient avec les artistes. Les artistes marocains représentés dans les chancelleries à l'étranger et au siège du ministère du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération sont : Jilali Gharbaoui, Mohamed Melehi, Malika Ageuznay, Hamid Alaoui, Meriem Mezian, Larbi Belkadi, Farid Belkahia, Karim Bennani, Tibari Kantour, Abdelkbir Rabi', Rouahi, Hassan El Glaoui, Chaibia Talal, El Fatmi, Abdelkader Laaraj, Mekki Meghara, Miloud Labied, Rhimou Aroussi, Moulay Ali, Taïb Lahlou et Salima. La première chose qui frappe dans cette liste, c'est l'absence d'artistes qui comptent dans la jeune histoire de la peinture marocaine. Il suffit de citer Cherkaoui, Mohamed Kacimi, Fouad Bellamine ou Khalil El Gherib pour s'en rendre compte. Il existe également beaucoup d'arbitraire dans l'acquisition des œuvres dans les ambassades. La présence de certains artistes ne contribue pas à se faire une bonne idée de la création au Maroc. Autre chose surprenante, seulement cinq ambassades sont concernées par l'inventaire : Paris, Londres, Madrid, Washington, le Caire et la mission permanente du Maroc auprès de l'ONU à New York. « Nous avons adressé des lettres à toutes les chancelleries, mais force est de reconnaître qu'à l'exception de celles qui sont citées dans le livre, les autres n'ont rien », dit Melehi. En dépit de ces lacunes, ce livre mérite assurément l'attention et ses initiateurs ont eu une excellente idée de répertorier les œuvres accrochées dans certaines ambassades.