Il était une fois un scorpion venimeux qui, voulant traverser une rivière en crue, a sollicité les services d'une grenouille. Le scorpion souhaitait faire la traversée accroupi sur le dos de la grenouille. Acquiesçant à cette demande, la naïve grenouille a tout de même posé une condition toute simple, mais vitale. Elle a demandé au scorpion de ne pas la piquer durant la traversée lui expliquant que s'il le faisait, ce sera la mort certaine pour elle et donc la noyade mortelle pour lui. Ne voulant en aucun cas risquer cet acte suicidaire, le scorpion a juré, la main sur le cœur, qu'il ne pourrait se permettre une telle folie. Et c'est ainsi qu'il s'est installé sur le dos de la grenouille donnant le coup d'envoi à cette équipée fluviale. En milieu de la traversée, le scorpion n'a pu résister à ses instincts de prédateur et a piqué mortellement sa monture. Avant de rendre l'âme, la pauvre grenouille a eu tout juste le temps de poser cette question: «pourquoi ?». Emporté par les eaux, le scorpion qui n'avait plus que quelques secondes à vivre a répondu : «pardon, mais c'est tout ce que je sais faire». Ceux qui lisent et donc suivent la presse algérienne se rendent compte aisément que certains titres de cette presse se mettent ostensiblement dans la situation du scorpion suicidaire. Tout ce qu'ils confectionnent à merveille, c'est cette pratique qui consiste à ériger le mensonge en information loin de toute considération pour leurs lecteurs, pour autant qu'ils en aient. Jugeons-en. Il y a quelques jours, un quotidien algérien annonçait en grande pompe qu'un comité de solidarité avec le polisario a été créé en Syrie. Passons sur le choix du cadre réservé à cette annonce dans la pagination du journal. Passons sur les caractères choisis pour le libellé de cette annonce. Passons sur les éventuels entretiens entre les responsables de ce journal sur la meilleure façon de mettre en relief ce «scoop». Passons sur tout pour nous contenter des faits établis et dire, qu'aussitôt le journal distribué, un démenti catégorique s'est envolé de Rabat. Et ce ne sont pas les autorités marocaines qui en étaient les auteurs. C'est bien l'ambassadeur de Syrie à Rabat qui a apposé sur le mensonge du journal algérien la vérité de la République syrienne. Certains ont cru que le dossier est clos et qu'il ne pouvait s'agir que d'un faux pas d'un journaliste en cours d'apprentissage des précautions d'usage à prendre dans la collecte et le traitement de l'information. Ceux- là ont dû déchanter quelques jours plus tard. Ces quelques jours étaient en effet largement suffisants pour qu'un autre journal -algérien bien entendu- concocte une autre «information». Il annonçait qu'un détachement des Forces Armées Royales se serait infiltré à Tindouf. C'est tout juste que ce journal ne nous a pas parlé de bruit de bottes à la frontière. Là aussi, l'état-major des FAR a opposé un démenti ferme. En ce moment précis, et dans ces circonstances particulières, un tel concert de mensonges professés à visage découvert prête à réflexion d'autant plus que bien des titres de la presse algérienne agissent en service politiquement commandé. D'habitude, les journaux algériens attaquent en une seule meute. Cette fois ci, il semble bien qu'ils aient opté plutôt pour la technique du relais. Si l'on ajoute à ces deux «scoop», un autre tout aussi ridicule, celui soufflé à un journal arabe selon lequel la Turquie s'apprêtait à reconnaître la «Rasd», ce que l'ambassadeur turc à Rabat a formellement démenti, on est bien en droit de dire qu'il y a manifestement volonté de dérapage et que cette obsession récurrente à vouloir faire du mensonge une méthode quasi-ordinaire de la communication n'a guère d'autres explications. Cette impulsion sans recul en direction des menteries les plus extravagantes poussent certains journaux algériens à tirer à boulets rouges sur tout ce qui bouge (au Maroc bien entendu), à outrer jusqu'au délire, à brasser des leurres et à dresser des piloris, souvent avec des plumes plongées dans le vitriol, véhiculant un discours où l'outrance jouxte l'outrecuidance. Nous sommes réellement dans les égouts de la presse. Or, celle-ci a un devoir de vérité à respecter, une évidente obligation de décence à observer, un rôle mobilisateur à jouer et une tonalité morale à fructifier. La construction du Maghreb et le rapprochement entre ses peuples ne peuvent s'accommoder de telles approches bellicistes, de tels comportements destructeurs. Or, dans ce débat-là, la presse algérienne se positionne en négatif. Jusqu'à quand ? Quant à cette chanson qui veut que des militaires marocains se promènent à Tindouf, a elle seule la réputation du soldat marocain est suffisante pour l'enterrer d'un revers de main. Le soldat marocain ne porte ses armes avec à leur pointe tout un ensemble de valeurs, que pour servir les idéaux de la paix, de la solidarité et de la compréhension entre les peuples. Dans cette mission, noble et de longue haleine, il n'a guère le temps pour écouter les tambours de la guerre. Le Maghreb est un si grand enjeu, qu'on ne peut faire avec de si basses manœuvres. • Par Abdelkrim El-Mouss Journaliste