Les mutations sociales qu'a connues le Maroc et la prise de conscience quant à l'importance d'une réelle implication des femmes dans la gestion de la chose publique ont eu pour conséquence, une amélioration de la présence féminine au sein des institutions représentatives, notamment législatives, longtemps fermées à l'élément féminin. Il a fallu attendre trente ans, entre 1963 et 1993, pour voir deux femmes, sur une trentaine de candidates, concrétiser l'idéal de siéger au Parlement, à la faveur du consensus réalisé en 2002 entre les partis politiques qui, après vifs débats, avaient fini par établir une liste nationale réservée aux femmes, dans le cadre du «quota», ou ce qu'on appelait alors la «discrimination positive». Avec le temps, la même formule a permis à 30 femmes de se faire élire aux charges de parlementaires, alors que cinq autres y ont accédé par voie de listes locales. Ce fut un acquis qui avait inspiré de nombreux analystes nationaux et étrangers. Tout en s'en félicitant, le mouvement féminin critiquait le quota des 10% des sièges attribués aux femmes, estimant qu'un tel taux est à la fois en deçà de ses propres ambitions et de la promesse des partis politiques de le porter à 20%. De l'avis de certains analystes politiques, l'entrée de trente femmes au Parlement ne reflétait pas une réelle représentation féminine et, même si le taux réel de leur représentation était formellement de 11%, il ne va guère au-delà des 2% lorsqu'on en juge à la lumière des résultats des listes locales. Le principe du «quota» reste, malgré tout, une pratique conforme aux valeurs démocratiques, aux yeux des actrices de la scène politique et de la société civile, pour lesquelles seule importe l'adhésion de plus en plus massive des femmes à l'action politique et associative et à la lutte pour la reconnaissance des compétences féminines et la suppression de toutes les formes de marginalisation et de discrimination contre la femme. La conjoncture actuelle, marquée par les préparatifs aux législatives du 7 septembre prochain, incite à soulever la question de la valeur ajoutée de l'action féminine au Parlement et à soumettre cette expérience à l'épreuve du jugement, même si nombre d'analystes pensent qu'il est encore tôt d'en faire le bilan. Il convient donc de prendre le temps qu'il faudra pour voir mûrir cette expérience et évaluer son impact et ses répercussions sur le paysage politique et social, comme il convient aussi de ne pas sous estimer cette expérience, qui a en même temps favorisé un mouvement de solidarité entre les femmes parlementaires, transcendant en cela leurs divergences d'ordre politique. Cette solidarité s'est manifestée par la création en 2005 d'un Forum pour les femmes marocaines parlementaires, une instance qui s'est fixée pour objectif de poursuivre l'effort de consolidation de l'implication de la femme dans la prise de décision, la responsabilité publique et l'action législative et au sein des organisations nationales et internationales, pour défendre «la cause» de la femme et préserver ses acquis. Il faut dire que cette solidarité n'est pas née d'hier, de nombreuses militantes au sein des partis et des associations s'étant distinguées par la prise d'initiatives jugées intéressantes, notamment la mise en place d'une Commission nationale féminine de coordination en amont des échéances de 2002, qui avait joué le rôle de force de proposition en faveur d'une représentation substantielle des femmes au Parlement et aux conseils locaux et de creuset pour la conception d'actions communes au profit des femmes. L'approche des législatives est une occasion, on ne peut plus, propice pour effectuer un décryptage des listes nationales pour les précédentes échéances, au cours desquelles la femme occupait une place en deçà de ses espérances parmi les candidats hommes. Ainsi, sur les 5.873 candidatures, il n'y avait que 266 femmes, et sur les 1.772 mandataires de listes, les femmes n'étaient qu'au petit nombre de 26 pour les listes locales. De ces chiffres, il ressort que les candidatures féminines ne dépassaient guère les 5 pc. De plus, seules cinq femmes avaient réussi à franchir le seuil du parlement en provenance des listes locales à l'issue des élections de 2002 : deux du Parti Istiqlal (PI), deux du parti de développement et de justice (PJD) et la cinquième de l'Union constitutionnelle (UC). Certains observateurs estiment que les partis politiques assument la responsabilité de la représentation réduite des femmes au sein de leurs propres instances. Il va sans dire qu'il existe d'autres facteurs qui jouent en faveur de cette limitation, notamment la désaffection politique des femmes, l'analphabétisme et les préjugés déniant la compétence aux femmes, parfois par le genre lui-même. • Nadia Abram (MAP)