Certaines données épidémiologiques ont même montré une augmentation des risques de perforations chez les malades porteurs d'ulcères gastroduodénal. L'apparition de problèmes digestifs pendant le Ramadan soulève plusieurs interrogations. Quelles sont les raisons physiologiques de ces dysfonctionnements digestifs ? Et pourquoi les complications d'ulcères sont-elles fréquentes ? En ce qui concerne les sujets sains, une étude épidémiologique auprès de 1900 personnes de la population de Casablanca a montré une incidence importante de l'apparition de troubles digestifs pendant le mois de Ramadan. Dès la première semaine 7,3 % de la population présentait des troubles digestifs, ces troubles continuaient d'augmenter le long du mois. Les causes de ces troubles digestifs seraient probablement en relation avec les nouvelles conditions de vie adoptées par les pratiquants pendant le Ramadan et plus particulièrement les conditions de l'alimentation trop riche en glucides à assimilation rapide et de lipides et du sommeil qui est raccourci. Le moment de prise du «Shor» a également des effets quant à l'apparition des troubles digestifs pendant le Ramadan. Une enquête auprès de 950 personnes, dont la moitié prenait le dernier repas (Shor) avant minuit et l'autre moitié après 4 heures du matin, a montré que, les premiers jours du Ramadan les personnes qui prenaient le shor tard (après 4h) présentaient plus de troubles digestifs que les autres. Cependant, dès la 2ème semaine, les deux groupes avaient autant de troubles digestifs et à la fin du Ramadan, le nombre de troubles digestifs était inférieur chez les personnes qui prenaient le Shor tard (après 4h). Ceci suggère que les premiers jours du Ramadan, la prise du Shor a un effet agressif sur l'organisme qui n'était pas habitué à une prise alimentaire tard dans la nuit. Toutefois, très vite l'organisme s'adapte et le nombre des personnes qui présentent troubles digestifs diminue de manière très significative. Par ailleurs, la plupart des personnes qui ont présenté des troubles prenaient des repas très consistants (plats avec sauce, gâteaux au miel...) et riches en excitants au cours du Shor. Une étude clinique a été effectuée auprès de 250 patients ayant présenté des troubles digestifs pendant le Ramadan :: 125 patients ont été traités par un anti-acide, (Phosphalugel), les 125 autres ont été traités par un placébo (molécule inerte). Le traitement était administré à raison de deux sachets lors du dernier repas du soir (Shor), de préférence une heure après. Et ce pendant une durée de 14 jours consécutifs. Après une semaine de traitement, le pourcentage des sujets ne souffrant plus était de 72 % dans le groupe traité par le Phosphalugel et après 14 jours de traitement, ce pourcentage augmentait à 87 %. Il est important, d'après les chercheurs et les médecins de recommander de ne pas jeûner aux porteurs d'ulcère gastroduodénal évolutif ou en cours de cicatrisation. Des études épidémiologiques ont montré un pic de complications d'ulcère pendant le mois de Ramadan, allant de simples douleurs à des perforations obligeant à passer sur la table d'opération chez des patients ulcéreux duodénaux cicatrisés qui jeûnent. Afin de mettre en évidence et d'évaluer les compilations digestives chirurgicales urgentes observées au cours du mois du Ramadan ,une étude rétrospective sur 12 années (1985-1996) a été effectuée au service des urgences chirurgicales viscérales de l'hôpital d'Ibn Sina de Rabat. Les résultats de cette étude ont montré que la pathologie ulcéreuse représente une partie importante de l'activité du service (30,9 %), alors qu'elle vient en deuxième position au cours de toute l'année (17,3 %) par rapport à toutes les autres pathologies. Cette pathologie représente pendant ce mois 46 % des pathologies digestives les plus courantes. Parmi les complications observées pendant le mois du Ramadan, l'ulcère perforé représente dans ce service plus de 65 % des hospitalisations. La question qui se pose alors: quelle serait l'origine physiologique des inconforts digestifs observés pendant le mois du Ramadan ? Deux études ont été effectuées, une chez le sujet sain et l'autre chez l'ulcéreux duodénal. Une pH-métrie sur 24 heures a été réalisée, c'est-à-dire que grâce à une sonde nasale qui arrive à l'estomac et reliée à un ordinateur portable, le pH de l'estomac est enregistré sur 24 heures. Pour le sujet sain, 4 périodes ont été menées : deux en dehors du Ramadan (une période avant et une autre un mois après) et 2 pendant le Ramadan (10ème et 24ème jour de jeûne). Pour le sujet ulcéreux duodénal cicatrisé, deux périodes ont été étudiées : une période pendant le Ramadan et une période 6 semaines après le Ramadan. En ce qui concerne les sujets sains, l'hyperacidité gastrique au cours de la journée est un facteur agressif important pour l'estomac. Cette hyperacidité ne revient pas à la normale un mois après le Ramadan. En ce qui concerne les ulcéreux duodénaux cicatrisés, il a été constaté une existence d'une hyperacidité pendant la journée, aussi bien pendant qu'après le Ramadan. Existence d'une hyperacidité nocturne 6 semaines après le Ramadan. En conclusion, les complications d'ulcère pendant le Ramadan seraient dues à l'augmentation des facteurs agressifs pour la muqueuse gastro-duodénale durant le mois du jeûne. Cette agressivité est importante pendant la journée par manque d'apport alimentaire. La période nocturne pendant le Ramadan aussi bien pour le sujet sain que l'ulcéreux duodénal ne présente pas d'agressivité digestive, car les prises répétées d'aliments tamponnent l'acidité gastrique. Mais pour l'ulcéreux duodénal, la période nocturne en dehors du Ramadan présente une hyperacidité gastrique. Donc, pour les sujets sains, il faut préconiser une meilleure hygiène alimentaire. Pour les sujets traités, les traitements préventifs ou curatifs des troubles digestifs et des complications d'ulcère induites par le Ramadan devraient être préconisés afin de réduire les sécrétions gastriques acides importantes au cours des journées du Ramadan. Les traitements d'entretien des ulcéreux duodénaux cicatrisés devraient être préconisés au moins une semaine avant et pendant le Ramadan et plus de 6 semaines après le Ramadan. Ces traitements doivent être pris le soir en dehors du Ramadan et le plus tard possible dans la nuit pendant ce mois sacré. Source : dossier Ramadan et Santé préparé par le Pr Abdelouahab Tazi, octobre 2004