"Le processus de modernisation de la Justice pour un meilleur développement économique", était le thème d'une table ronde organisée mardi par la Chambre de commerce britannique au Maroc. Invité d'honneur, Mohamed Bouzoubâa, le ministre de la justice est venu faire le point. Rétablir la confiance dans l'institution judiciaire et accroître l'efficacité de la justice. Telles étaient les idées-clés que M. Bouzoubaâ voulait transmettre à l'audience présente lors de cette rencontre, à laquelle ont pris part un ensemble d'opérateurs économiques et d'hommes d'affaires. D'entrée, une petite difficulté a surgi, le ministre s'exprimant en arabe à un auditoire essentiellement francophone. Mis à part ce détail d'ordre «technique», l'intervention du ministre a brillé par la consistance de son contenu. État des lieux d'abord : 3000 juges pour 3.400.000 affaires enregistrées en 2003. Ce qui représente une moyenne de 1000 affaires par juge et par an. Les tribunaux de commerce ont enregistré l‘introduction de pas moins de 100.000 affaires. Et Casablanca engrange à elle seule 62% des litiges commerciaux du pays. L'importance des tâches assignées à la justice, particulièrement en matière économique justifie le vaste programme des réformes engagées par le département de M. Bouzoubaâ. Ces réformes ont pour but de simplifier les procédures et l'accès à la justice, réduire son coût, et lui permettre ainsi de participer au développement économique. Précision de taille : ces actions ne constituent pas un programme temporaire ni une solution ponctuelle, mais plutôt une véritable avancée qualitative du système judiciaire marocain. Dans ce cadre, plusieurs chantiers ont été ouverts, notamment à travers l'introduction de la médiation dans le système juridique et judiciaire marocain, l'informatisation des différents services du ministère et des tribunaux et la programmation de nouveaux modules de formation au niveau de l'Institut supérieur de la magistrature. Concrètement, ces réformes s'articulent autour d'un ensemble de composantes : il s'agit de la moralisation de la justice marocaine, la formation, la modernisation, la communication et une nouvelle approche de la coopération internationale en matière de justice. S'agissant de la moralisation, le ministre privilégie la notion de juge indépendant plus que celle de justice indépendante. Créer un environnement propice à l'exercice sain de la justice s'impose. Cela passe d'abord par l'augmentation des salaires des juges. Ainsi, le salaire d'un juge débutant passe de 6000 à 9000 dh. Sur le plan social, M. Bouzoubaâ a rappelé les actions engagées par son département concernant les volets de la santé et du logement au profit du personnel de la justice. Parallèlement, un système d'audit est mis en place pour situer et sanctionner les dérapages éventuels du corps judiciaire. Autre grand chantier : la formation. La mise en application de nouveaux textes juridiques ainsi que les conventions et autres accords de libre-échange nécessitent la formation de ce que M. Bouzoubaâ qualifie de «juge de la mondialisation». Dans ce cadre, le ministre a cité un programme de la Banque mondiale pour l'introduction de nouveaux modules relatifs au droit des affaires : droit de tourisme, droit communautaire, droit de la propriété intellectuelle… Ces chantiers portent aussi sur la formation continue, la spécialisation des magistrats, la formation en bureautique. La coopération internationale n'est pas en reste. Elle s'oriente principalement avec la Banque mondiale et l'UE. M. Bouzoubaâ parle aussi d'ouverture sur les ONG internationales. Il a cité dans ce cadre une action initiée par le Royaume-Unie qui vise à financer une étude sur les modes alternatives à la procédure judiciaire pour le règlement des litiges commerciaux, comme l'arbitrage et la médiation. Sur le registre de la communication, le projet d'administration électronique (e-justice), dont la grande partie est actuellement opérationnelle, se présente comme le plus gros «morceau» du dispositif mis en place. Financé par le Fond MEDA, ce module vise la mise en place d'un système intégré de gestion au niveau de l'administration centrale et des entités régionales, à l'instauration d'une culture de communication interne et à l'ouverture sur les autres partenaires via des échanges électroniques. Un chantier large, bien entamé mais qui gagnerait à être ressenti également au niveau de la pratique concrète de la justice.