En voilà une belle surprise pour l'ouverture du deuxième Forum mondial des droits de l'Homme (FMDH). Jeudi 27 novembre à Marrakech, une lettre royale a annoncé la ratification par le Royaume, en début de semaine, du protocole facultatif de la convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette même lettre vient annoncer de nouvelles mesures, non moins importantes, en rapport avec la situation de la femme et celle de l'enfance au Maroc. De quoi s'agit-il au juste ? Si pour la peine de mort, le Maroc demeure abolitionniste de fait sans pour autant ratifier le protocole facultatif relatif à cela, sur d'autres sujets tels que celui de la torture et celui lié à la situation de l'enfant et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, le Royaume vient d'emprunter une voie historique. En effet, l'envoi du Maroc des outils nécessaires pour la validation de sa ratification du protocole facultatif de la convention internationale de lutte contre la torture témoigne grandement de la volonté du pays d'interagir de manière plus effective avec les différents mécanismes onusiens. Le Maroc entend ainsi dans les mois à venir, créer un mécanisme national de prévention. Il sera de ce fait le 45ème pays au monde à disposer de ce genre d'instrument. Contrairement à une signature de convention, la ratification d'un protocole s'accompagne de mécanismes contraignants pour le pays signataire. Concrètement, la ratification de ce protocole met le pays devant ses responsabilités car, comme l'explique le président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Driss El Yazami, «cela veut dire qu'à tout moment, et sans prévenir, des rapporteurs pourraient visiter les institutions de privation de liberté». Ce mécanisme, une fois instauré, donnera également aux ONG et défenseurs de droits de l'Homme une légitimité pour s'opposer contre cette pratique désormais interdite par référentiel national et international. Outre ce protocole relatif à la torture, le Maroc a ratifié la convention relative aux droits de l'enfant et les deux protocoles facultatifs à cette convention. Le premier concerne l'implication des enfants dans les conflits armés et la vente des enfants tandis que le second concerne la prostitution des enfants et la pornographie les mettant en scène. «Dans ce prolongement, nous comptons ratifier le troisième protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant, protocole qui établit une procédure de présentation de communications», indique-t-on dans ce même message royal. Cependant, des points comme celui sur le travail domestique et qui sera en mesure de protéger les droits de ces travailleurs au même titre que ceux des petites bonnes, rôde toujours dans les couloirs du Parlement et tarde à prendre forme. La question du genre s'est également invitée aux multiples débats initiés par ce forum clôturé dimanche 30 novembre. En effet, très prochainement, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations à l'égard de la femme sera installée. Selon les derniers chiffres communiqués, elles sont six millions de Marocaines âgées entre 18 et 64 ans (soit 62,8%) à avoir subi un acte de violence. «Et là encore, ce ne sont que les cas déclarés, la vérité est beaucoup plus alarmante», précise Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes. Dans le même sens, le Parlement marocain est en train de se pencher sur l'élaboration d'une loi sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes. En principe, cette loi devrait être adoptée avant fin 2014. Sous sa forme actuelle, ce projet de loi s'attarde sur plusieurs actes de violence tels le harcèlement, le mariage forcé, l'atteinte à l'intégrité du corps de la femme ou encore la dilapidation. Le continent africain passera-t-il un jour de disciple à maître ? Driss El Yazami considère que la lettre royale prononcée lors de l'ouverture du FMDH est «une feuille de route importante pour le processus démocratique du pays». Il appelle dans ce sens une plus grande mobilisation : «Il est temps pour l'entreprise de rejoindre les acteurs traditionnels du monde des droits de l'Homme (gouvernement, Parlement, société civile, ndlr)», insiste-t-il. En effet, le système national des droits de l'Homme est appelé à se développer afin d'accompagner cette ouverture du Royaume sur les mécanismes onusiens de protection de ces droits. Le Royaume devrait donc passer d'un pays consommateur à un pays producteur de normes dans le domaine des droits de l'Homme. Ici, il ne s'agit pas uniquement du Maroc. SM le Roi a longuement mis à l'évidence la légitimité du continent africain dans la contribution de l'enrichissement de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. «Il est un fait historique que les instruments internationaux en matière de droits de l'Homme ont été conçus en l'absence de l'Afrique sur la scène internationale. A défaut d'avoir contribué à son élaboration, l'Afrique doit pouvoir enrichir le droit international des droits de l'Homme avec sa culture propre, son histoire et son génie, afin de mieux se l'approprier». lit-on dans le message de SM le Roi Mohammed VI aux participants au FMDH. Il faut le dire, bien que l'Afrique soit aujourd'hui le continent sur lequel le monde parie, les crises politiques et sociales s'y enchaînent et l'inscrire dans ce processus de reconstruction de la vision des droits de l'Homme semble être un travail de longue haleine. Il mettra toutefois et sans doute fin aux analyses conceptuelles et aux rapports parfois erronés sur quelques pays d'Afrique.