Un programme très ambitieux relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes a été initié entre le Maroc et l'Allemagne. Ce programme a pour objectif d'introduire dans tous les domaines d'activités au Maroc la notion de genre qui a changé les mentalités dans de nombreux pays en Occident. La femme est au cœur d'un projet de coopération maroco-allemande. Intitulé “Intégration de l'approche genre dans les politiques de développement économique et social“, ce projet a été lancé en juin 2003. Il vise à effacer, de façon radicale, les inégalités entre hommes et femmes, en introduisant dans de nombreux domaines l'approche du genre. Le maître d'ouvrage de cet ambitieux projet est le secrétariat d'Etat chargé de la Famille, de la Solidarité et de l'Action sociale (SEFSAS). Pour la partie allemande, c'est la GTZ (service de coopération technique allemande) qui est l'interlocuteur du SEFSAS. Même s'il demeure encore balbutiant au Maroc, le projet relatif à la notion de genre est révolutionnaire. Lors d'un colloque, qui semble déranger certains islamistes dits modérés, Yasmina Baddou, secrétaire d'Etat au SEFSAS, a déclaré que l'approche du genre va permettre “d'insérer la femme d'une façon agissante dans l'économie du pays“. Elle a ajouté que cette approche sera accompagnée d'études dans le but de mieux préparer ce qui s'apparente d'emblée à un changement des us et coutumes au Maroc. En quoi consiste le projet du genre ? Le genre arrime le Maroc à l'un des projets de société les plus innovants quant à la parité des deux sexes dans une société. Le terme sexe est d'ailleurs jugé trop archaïque, trop connoté, pour marquer une égalité entre hommes et femmes sans référence à la biologie. ‘Genre', un terme neutre, volontairement asexué, lui est préféré. Il renvoie aux rôles tout à fait égaux des hommes et des femmes dans une société. L'approche du genre considère que les compétences portant à s'acquitter de telle ou telle mission ne sont pas innées, mais ont été acquises. Elles n'appartiennent pas en exclusivité à un genre au détriment d'un autre. Les fonctions aussi bien que les statuts sont négociables. Rien ne détermine de façon immuable les femmes à faire certaines tâches et les hommes d'autres. “Il n'est pas écrit sur le front d'une femme qu'elle est disposée à des travaux ménagers. Tout est interchangeable, et rien ne détermine l'homme à occuper des positions dominantes“, explique une militante féministe. “Le projet du genre nécessite l'engagement aussi bien des femmes que des hommes soucieux de construire une société qui permet l'accès, de façon égale, aux ressources et avantages sociaux. Cette inégalité dans les chances a un coût économique qui se répercute négativement sur l'ensemble de la société “, explique pour sa part Jamila Seftaoui, conseillère technique principale au GTZ. Le projet du genre bute évidemment contre les préjugés relatifs à la culture et à la formation. Pour qu'il y ait une égalité dans l'accès aux emplois entre hommes et femmes, il faut corriger les disparités dans la formation au Maroc. Les femmes ne sont pas formées pour exercer des métiers dans certaines professions. Quant à la culture, le chemin peut sembler infranchissable pour enraciner dans les mentalités au Maroc que les hommes ne sont pas supérieurs aux femmes. Mais si l'on se réfère à l'Histoire récente des sociétés où la question des genres est très bien implantée aujourd'hui, l'on saura qu'en un demi-siècle, elles ont fait des pas de géant. Vers 1926, un portier a refusé à l'écrivain britannique Virginia Woolf d'entrer dans la bibliothèque nationale de Londres. Raison : elle était une femme. Quand on constate le chemin parcouru depuis dans l'égalité entre les femmes et les hommes en Grande-Bretagne, le programme de coopération maroco-allemande, lié au projet du genre, ne semble plus utopique. Il faut juste lui donner du temps.