Première médaillée d'or aux J.O et actuellement membre de plusieurs instances internationales d'athlétisme, Nawal Al Moutawakil a très tôt compris que les droits de la femme s'arrachent et ne se donnent pas. Entretien avec une femme de tous les défis. ALM : Vous êtes membre, entre autres instances, du Comité international olympique, de la fédération international d'Athlétisme et directeur de la fondation BMCE, Mme. votre nom, Cacherait-il celui de Superwoman ? (Rires…). Non, si vous voulez, les tâches dont je m'acquitte sont parfaitement normales dans la mesure où tout mon parcours m'y prédestinait. Il s'agit de devoirs que me suis fixés et dont la mission n'est autre que celle de transmettre et de faire fructifier ma modeste expérience. J'ai dû abandonner la pratique sportive dans la finalité d'agir sur le terrain et de mettre ce dont j'étais capable à contribution au service du sport au Maroc. J'avais compris que pour faire entendre la voix des femmes dans notre pays, il fallait se lever de bonne heure. Je milite pour défendre une cause, celle de l'épanouissement de la gente féminine. Cela me donne assez de forces pour assumer toutes ces responsabilités. Il n'y a pas de formule secrète. Je crois en ce que je fais. Et j'organise mon temps en fonction de mes priorités. On constate que rares sont les femmes qui ont pu, à votre image, réussir dans le sport au Maroc. Pourquoi à votre avis? Pour vous répondre, il me semble très important de revenir à l'histoire. De par le monde, les femmes étaient bannies du milieu du sport jusqu'à 1928. Leur rôle avant cette date se limitait au statut de spectatrices. Et il aura fallu attendre les années 60 pour que la femme puisse participer, sur un même pied d'égalité, aux différentes compétitions internationales. Pour notre pays, ce tournant historique n'a eu lieu qu'en 1984 quand j'ai remporté la médaille d'or olympique à Los Angeles. C'est dire le grand retard qu'on accuse dans ce domaine. Il me paraît donc normal d'en être là. Un retard qu'on rattrape à pas de géant. Les athlètes Nezha Bidouane, Zehra Ouaziz…ont fait, et font toujours, de l'excellent travail dans ce sens. Certes, le chemin reste long et parsemé de difficultés, mais la voie est d'ores et déjà tracée. Pour moi, aucune victoire n'est définitive et aucune défaite n'est fatale. Seul compte le courage. Et c'est déjà chose acquise. Quelle appréciation faites-vous de la femme marocaine d'aujourd'hui ? Est-ce qu'elle se responsabilise dans la vie professionnelle, politique, économique et sociale pour occuper la place qu'elle mérite ? La Femme marocaine est présente sur toutes les scènes, cela est indéniable. Elle est même devenue, comme c'est le cas en sport, un catalyseur et une locomotive de développement dans bien de domaines. Mais la majorité d'entre elles reste condamnée à leurs rôles de femmes au foyer. Certaines le sont de leur propre gré et n'ont nullement « l'ambition » de changer cette donne. Il faut désormais que la femme sorte de sa coquille. Le développement ne pourrait être atteint que si, main dans la main, les hommes et les femmes de ce pays se battent et œuvrent pour y parvenir. Nous sommes dans une nouvelle logique. Celle du travail et de la responsabilité. Tout le monde doit s'y mettre. Quelle a été l'influence de Mme votre mère dans le chemin que vous avez parcouru jusque-là ? Elle est tout simplement l'exemple que, ma vie durant, je me suis efforcée de suivre. Mère de 5 enfants et fonctionnaire dans une banque de la place pendant 25 ans, elle était une femme moderne dans tous les sens du terme, sans jamais laisser de côté l'éducation de ses enfants. Je ne pouvais faire qu'autant. Pour ma part, je fais de mon mieux pour réconcilier à la fois ma vie professionnelle et ma famille. Je me prive de bien « plaisirs », à mon sens futiles, pour y arriver. La logique sportive dont je suis issue m'a appris l'importance du chronométrage et du timing. Celle de la RIGUEUR et du sens de priorités aussi. Là est toute ma vie.