Emettre et recevoir un chèque de garantie ou de caution est une pratique « illégale » au Maroc mais qui, malheureusement persiste encore de nos jours dans les transactions commerciales entre diverses parties. Certaines cliniques privées, habilitées à prendre en charge les patients Covid-19, ont été récemment dénoncées par les citoyens, pour l'usage courant de cette pratique. Avant même de prodiguer toute forme de soins aux patients et à défaut de disposer d'informations relatives à l'affiliation de leurs « clients » futurs à une assurance maladie, ces cliniques exigent des chèques de garantie en blanc ou en contrepartie de sommes faramineuses, au grand malheur des patients, particulièrement à l'heure où cupidité et course au profit, devraient laisser place aux valeurs humaines et au devoir de sauver des vies. « La demande de chèques de garantie par les cliniques privées est le résultat de l'absence d'un système électronique permettant d'avoir accès aux données dont disposent les compagnies d'assurance pour connaître si le patient est souscrit à une société ou non », avait indiqué le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, relevant qu'il s'agit d' »une lacune que certaines cliniques privées exploitent ». Le ministre de la Santé l'avait bien rappelé, »Il est interdit pour la clinique sur le plan juridique, en cas de tiers payant, de demander aux personnes assurées ou à leurs ayants droit une garantie en espèces, par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge, en vertu de l'article 75 de la loi 131.13 relative à l'exercice de la médecine ». « Juridiquement, le chèque est payable à vue. Il n'existe pas un autre usage du chèque que de pouvoir être encaissé immédiatement comme le définissent les articles 239 à 328 du code de commerce », a indiqué dans une déclaration à la MAP, Abdelaziz Arji, expert-comptable, auditeur et commissaire aux comptes. Le chèque est un instrument de paiement et non de crédit , a précisé M. Arji, soulignant que « la loi est intransigeante à l'encontre du bénéficiaire et de l'émetteur du chèque de garantie ». A cet égard, il a rappelé l'alinéa 6 de l'article 316 du Code de commerce qui indique qu'est « punie d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 2.000 à 10.000 DH, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque, toute personne, en connaissance de cause, qui accepte de recevoir ou d'endosser un chèque à la condition qu'il ne soit pas encaissé immédiatement et qu'il soit conservé à titre de garantie ». Concernant l'émetteur, l'article 544 stipule que: « Est puni des peines d'un à cinq ans de prison, et d'une amende de 500 à 5.000 DH, quiconque émet ou accepte un chèque à la condition qu'il ne soit pas encaissé immédiatement mais conservé à titre de garantie », a-t-il précisé. En plus du recours aux chèques de garantie, l'expert-comptable et fondateur du cabinet Eurodefi-Audit a également dénoncé certaines pratiques frauduleuses courantes, notamment lorsque « l'émetteur choisit de ne pas signer le chèque avec sa signature officielle afin que ce dernier soit rejeté sans qu'il encourt de sanctions, ou encore de remettre un chèque tout en sachant que la provision est insuffisante pour le couvrir ». D'autre part, pour échapper à la sanction pénale « certaines cliniques encaissent le chèque immédiatement, a-t-il fait observer, ajoutant que certains chèques sont libellés au profit de prête-noms afin de ne pas être déclarés au fisc ». « Toutefois, ces subterfuges ne sont qu'une fuite en avant, face au droit des citoyens de recevoir des soins dignes à des prix raisonnables, tout en permettant aux cliniques de couvrir leurs charges et dégager un bénéfice comme toute entreprise », a relevé M. Arji, également président de la Commission appui aux entreprises de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM). Par ailleurs, M. Arji suggère qu' »il convient d'éviter aux cliniques d'être en contact avec l'argent en exigeant que le paiement soit fait par le biais d'un tiers de confiance (tel que la Caisse de Dépôt et de Gestion) », ajoutant que cette alternative permettrait de « garantir les droits de la clinique, du patient, mais également de l'administration fiscale ». Dans l'attente de trouver une solution viable face aux pratiques illégales de certaines cliniques privées, le ministère de la Santé a mis notamment à la disposition des citoyens un portail de réclamations baptisé « Allo Chikayati ». L'objectif est de donner suite aux doléances des citoyens, et sanctionner en cas d'infraction les contrevenants via l'Ordre des médecins.