Bouâzza Kherrati, président de l'AMPOC estime qu'aucune loi ne peut protéger l'individu si les moyens de son application font défaut. Et pour mettre un terme aux pratiques frauduleuses, Kherrati, plaide pour la mise en place du système HACCP qui responsabilise tous les intervenants dans le circuit de production et de distribution. Al-Bayane : en tant qu'association de protection du consommateur, quel constat faites-vous de l'approvisionnement du marché en produits alimentaires, à la veille du mois de ramadan ? Bouâzza Kherrati : le constat est celui d'une ménagère ou celui d'un père de famille qui, en cette période des préparatifs au mois de Ramadan, se trouve confronté à la hausse des prix. D'abord, il y a eu une augmentation des huiles (1dh/ litre) et des pâtes (0,50 dh). Pour ces denrées, l'effet consommateur est nul, puisque cette augmentation a été décidée bien avant le rush caractéristique de rituel préparatoire ramadanesque. Par ailleurs, il faut reconnaitre que l'approvisionnement est une chose réelle car les marchés sont bien fournis en victuailles, et les légères hausses sont intimement liées à l'augmentation de la demande. -L'Etat a-t-il les moyens pour garantir l'approvisionnement des marchés en produits alimentaires de façon régulière et tout en gardant une certaine stabilité des prix ? A l'exception des prix des produits subventionnés, l'Etat ne peut exiger du commerçant que l'affichage des prix (loi 06-99) et par conséquent, le consommateur trouvera des prix différents pour le même produit d'un quartier à l'autre des différentes villes du Royaume. Quand à la disponibilité des produits, les marchés sont bien approvisionnés sauf pour le poisson. -A votre avis, quelles sont les dysfonctionnements que vous avez relevé quant à l'approvisionnement des marchés en produits alimentaires ? Ramadan ou pas Ramadan, les circuits de distribution sont obscures et la majorité des produits arrivent sur le marché parallèle (les ambulants) qui en découlent plus de 60% des besoins familiaux. De ce fait, le Ministère du commerce devrait déployer beaucoup d'efforts pour assurer la distribution, et ce dans un cadre transparent. Car l'existence d'intermédiaires et de dépôts illégaux de stockage nuisent au pouvoir d'achat du consommateur et privent l'Etat des rentrées d'impôts. Qui plus est, l'inexistence de plateformes régionales fait de Casablanca et Agadir des passages obligés des denrées alimentaires à grande consommation et cela nécessite un coût, celui du transport. Et par conséquent, se répercute sur les prix de vente. Par ailleurs, lorsqu'on parle d'approvisionnement, il ne faut pas oublier, aussi, que le consommateur marocain ne gère pas bien la consommation des produits achetés. -Qu'est-ce est qui devrait être fait pour que les opérations de contrôle effectuées par les autorités compétentes soient de plus en plus efficace ? Le contrôle est de deux types : sanitaire et financier. Le contrôle de salubrité des aliments d'origine agricole relève de l'ONSSA, qui par ses directions régionales (10) opère à l'échelle nationale par ses cadres composés de vétérinaires, d'ingénieurs et de techniciens. Bien sûr, ONSSA ne peut en aucun cas mettre un contrôleur derrière chaque marchand, ce qui est impossible, d'où la nécessite de mettre en place du système HACCP qui responsabilise tous les intervenants dans le circuit de production et de distribution. Le contrôle financier est effectué par le Ministère du commerce par le biais des services de contrôle des balances (qu'on voit très rarement) et le Ministère de l'Intérieur pour l'affichage des prix par le biais des divisions économiques et les rares Mouhtassibs -Estimez-vous que l'arsenal juridique actuel garantit une protection réelle du consommateur et pourquoi ? Non, aucune loi ne peut protéger l'individu si les moyens de son application font défaut. Ces derniers seuls, peuvent assurer une garantie réelle d'une protection. Les textes existant au Maroc constituent un bon arsenal juridique mais son inapplication due au manque des textes d'application et à la lourdeur des procédures au sein des tribunaux, font que le consommateur marocain est passible des pires catastrophes comme par le passé (affaire huiles frelatées, kachers et melons, etc.). Par ailleurs, la loi 31-08 ne fait aucune référence aux produits alimentaires et reste une loi des crédits à la consommation comme si les crédits sont une fatalité pour les Marocains. -Il est à constater que les associations de la protection des consommateurs ont une faible présence sur la scène nationale, notamment les médias, pouvez-vous nous expliquer le pourquoi d'une telle défection ? Le nombre des associations dépasse les 40 et celles qui travaillent sur le terrain, ne dépassent guère celui des doigts de la main. Notre association existe sur 15 villes du Maroc et fait toujours son chemin depuis sa création en 1998 par une présence continue sur les radios et aussi la presse écrite. Mais, l'accès à la télévision nous a été prohibé pour des raisons inconnues… Autre élément important à souligner, c'est que la loi 31-08 a mis les associations sous la tutelle du ministère du commerce par l'approbation du statut et la gestion du fond de soutien et on peut se poser la question pourquoi de telles mesures n'ont pas été prises pour les associations de l'environnement... La conclusion est claire : l'influence des lobbys sur l'Etat est devenue une réalité. Le ligotage des associations était indispensable et seules les associations « beni oui oui » sont soudoyées par le Ministère du commerce qui voient d'un mauvais œil ces entités qui défendent réellement le consommateur en les marginalisant des grandes manifestations et assises agricoles, CES, etc.)