Une grande partie des 30.000 soldats américains envoyés en renfort en Afghanistan ont commencé à converger vers Kandahar, bastion taliban longtemps négligé par les forces de coalition, où les insurgés islamistes, chassés du pouvoir fin 2001, ont regagné du terrain. L'objectif: aider les forces afghanes à rétablir l'autorité du gouvernement dans cette vaste province, dont la capitale de 800.000 habitants est infiltrée par les talibans et les gangs criminels. L'opération va être répartie sur trois zones: les districts entourant Kandahar et servant de base aux insurgés, en particulier Zhari, à l'ouest, et Arghandab, au nord; la périphérie immédiate de Kandahar, pour en contrôler l'accès, et l'intérieur de la capitale du sud, où les troupes étrangères vont redoubler d'efforts pour former une police afghane peu fiable et en sous-nombre. «Nous voulons améliorer à la fois la sécurité et le sentiment de sécurité à l'intérieur et autour de la ville», résume un officier américain. Pour autant, les troupes comptent éviter au possible l'usage de la force à l'intérieur de Kandahar, afin de ne pas pousser la population dans les bras des insurgés. «Ce ne sera pas Falloujah», a promis la chef de la diplomatie américaine Hillary Clinton, en référence à l'invasion en 2004 de cette ville rebelle irakienne que les Marines avaient pratiquement détruite. Mais cette «bataille de perception» s'annonce complexe, admettent militaires et experts. Alors que la saison des combats a repris avec les beaux jours, les talibans ont assassiné ces dernières semaines une douzaine de personnalités locales et lancé des attaques à la roquette sur la base militaire de Kandahar. Dimanche, deux civils et un policier ont été tués et onze civils blessés dans l'explosion d'une mine artisanale sur une route proche de Kandahar. L'Otan a affirmé vendredi avoir tué le commandant des insurgés de Kandahar, le mollah Zergay. Mais Stephen Biddle, expert au Centre sur les relations étrangères à Washington, dit s'attendre à ce que «les talibans poursuivent aussi longtemps que possible leur campagne d'intimidation». Et le volet militaire n'est que l'une des facettes de l'opération. A Kandahar, l'Otan doit également résoudre l'épineux problème de la corruption des pouvoirs locaux. Or au niveau politique, la stratégie de l'Otan n'est pas claire. Le chef du conseil provincial Ahmed Wali Karzaï, demi-frère du président afghan et fortement soupçonné de trafic de drogue et détournements, embarrasse la coalition, qui estime que le problème relève du gouvernement. Pourtant, «la politique à Kandahar nourrit l'insurrection, aliène la population et prive l'Otan de partenaires fiables», estime Carl Forsberg, expert à l'Institut pour l'étude de la guerre. Un succès dans cette province-clé est d'autant plus urgent que l'Otan n'a pas réussi à venir à bout de la menace talibane dans la province voisine du Helmand, où la coalition a lancé une vaste offensive en février. Pour le commandant des forces internationales en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, le temps presse: l'administration Obama compte faire le point fin 2010 sur la campagne afghane avant de pouvoir confirmer un début de retrait des troupes américaines en juillet 2011. Pour certains, les jeux seront bientôt faits. «A mon avis, le cours de la guerre va être scellé avant le Ramadan», au mois d'août, juge un officier américain.