L'espérance de vie des Marocains ne cesse d'augmenter d'année en année. Et si l'on en croit les résultats d'une enquête nationale démographique relativement récente (2009-2010), celle-ci nous apprend que la société marocaine est en train de vivre des mutations démographiques et sociales massives. Alors que dans les années soixante, à sa naissance, le Marocain moyen espérait vivre 47 ans, son espérance de vie est, maintenant, portée à 74,8 ans, voire 76 ans. Cette espérance de vie que tout le monde apprécie va poser un certain nombre de problèmes parmi lesquels ceux liés à l'état de santé des personnes âgées. Qu'a-t-on préparé pour assurer une prise en charge adéquate à ces personnes âgées ? L'amélioration des conditions de vie, s'est suivie de l'augmentation de l'espérance de vie. Cela est notamment dû aux progrès de la médecine. En effet, la médecine a effectué ces dernières décennies des progrès énormes grâce au développement spectaculaire des nouvelles technologies. On est aujourd'hui capable de sauver des malades qui, hier, encore étaient condamnés, on pratique des interventions à cœur ouvert, on procède à des greffes d'organes. On arrive aussi à remplacer des organes vitaux par des appareils artificiels, de prévenir certaines maladies, on dispose d'un arsenal biochimique impressionnant. Au Maroc, la médecine réalise des progrès impressionnants que se soit dans le secteur public ou au niveau des cliniques privées. Nous disposons d'excellents praticiens, de chirurgiens brillants, de plateaux techniques hautement sophistiqués, notre industrie pharmaceutique est très performante et ne cesse d'innover. Ces progrès ont permis l'accroissement de l'espérance de vie et la qualité de celle-ci. Ils ont également permis une évolution dans le domaine médicale pour améliorer la santé des patients. Cela est un fait que personne ne peut ignorer. Mais la personne âgée a des besoins spécifiques, son état de santé requière une approche médicale adaptée et spécialisée. C'est ce que l'on désigne sous le nom de gériatrie qui est une branche de la médecine dédiée à la prise en charge des personnes âgées. Discipline médicale d'avenir, la gérontologie affiche deux ambitions : guérir des maladies dues au vieillissement et pallier les handicaps de l'âge. La prise en charge des personnes âgées pour des soins en gériatrie dépasse largement le concept classique de «guérison», elle s'intègre dans une logique de soin plus adaptative, s'adressant non seulement à la maladie mais au malade dans son intégralité… Il est évident que nous souhaitons tous rester jeune, dynamique et surtout en bonne santé , un souhait très partagé que la médecine moderne s'efforce de satisfaire surtout dans une société comme la notre ou le paraitre tient une place importante . Mais la nature est ce qu'elle. Sous le poids des ans, la machine physique de l'être humain décline tôt, entraînant dans son sillage les vicissitudes liées à l'âge. Le vieillissement humain s'accompagne d'une réduction des capacités de réserves fonctionnelles pour faire face à des situations de stress ou de pathologie aigue. Cette situation d'équilibre précaire est appelée syndrome de fragilité Age très élevé, poly pathologie, déficits sensoriels, démences, dépression, dénutrition, sarcopénie, ostéopénie, chutes à répétition, iatrogénie, isolement, difficultés socio-économiques, sont autant de situations inhérentes au vieillissement En 2004, notre pays comptait 2,4 millions de personnes âgées de plus de 60 ans. Les projections pour 2030 estiment qu'ils seront plus de 5,8 millions dont l'âge dépassera 60 ans, et qu'à l'horizon 2050 les personnes âgées représenteront un quart des citoyens. Des données d'autant plus alarmantes qu'elles se heurtent à un double constat : l'absence de spécialisation en gériatrie sur le plan sanitaire se confronte aujourd'hui à une évolution de la société de moins en moins apte à assurer la prise en charge d'une personne âgée. Le drame des personnes âgées Notre société a tendance à se déstructurer, il est loin le temps ou on trouvait des familles nombreuses vivant sous un même toit qui abritait plusieurs générations. Des familles fortement soudées par des liens indéfectibles et où la personne âgée jouissait d'un très grand respect et faisait l'objet d'un grand intérêt de la part de tous les membres de la famille petits et grands. Cette image a tendance à se diluer dans la société actuelle qui est marquée par un individualisme grandissant imposé par la société de consommation dans laquelle nous vivons et où l'individualisme prend chaque jour une place de plus en plus grande. Les personnes âgées se retrouvent de plus en plus marginalisées, de plus en plus isolées, de plus en plus exclues, de plus en plus vulnérables. Quand une personne âgée sans ressources et dans l'incapacité de subvenir a ses besoins, dans bien des cas, elle se retrouve dans la rue. Les exemples foisonnent. Ces personnes fragiles, malades sont la plupart du temps amenées à l'hôpital par les soins de la protection civile. Sans aucun papier, aucune adresse fixe, ils sont pris en charge dans des services de médecine à défaut de services spécialisés beaucoup plus aptes pour répondre aux besoins d'une population aussi fragile que complexe. Il n'existe à l'heure actuelle aucun service de gériatrie digne de ce nom dans les hôpitaux qu'ils soient autonomes ou autres. Ce ne sont pas les quelques initiatives personnelles que l'on retrouve ici ou là qui pourront apporter les solutions idoines à un problème de société comme celui de la prise en charge des personnes âgées qui est le dernier souci de nos décideurs, comme si ces derniers allaient vivre éternellement jeunes et en bonne santé. Il faut se rendre à l'évidence : les jeunes d'aujourd'hui seront les vieux de demain, les actifs d'aujourd'hui seront les retraités de demain. Qu'ont-ils préparé pour leurs vieux jours ? Que veut dire, par exemple, l'allongement de l'espérance de vie, lorsqu'on vit avec une retraite de 600 DH qui a été relevé à 1.000 DH ? Que signifie augmenter les salaires des actifs et ignorer les retraités ? Ce sont là des formes de discrimination et d'exclusion que nul ne peut accepter et a fortiori ceux qui sont aux commandes de l'exécutif. Une éthique à construire Elle doit l'être autour des personnes les plus âgées, les plus vulnérables, les plus fragiles, les plus marginalisées, ceux qui n'ont plus rien à offrir, mais qui ont tellement à donner, c'est autour de ces personnes qu'il s'agit de construire une nouvelle éthique sociale dans une société où il faut le rappeler, les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses. Il nous faut donc dés à présent nous adapter aux réalités de vie des personnes âgées en particulier celles et ceux qui ont été abandonnés de tous sans ressources et chercher des réponses cohérentes pour combattre toutes les formes de pauvretés. On se doit de rester attentifs aux souffrances liées aux pauvretés relationnelles, aux réalités des discriminations et des formes d'exclusion. Il existe de réelles volontés prêtes à s'impliquer dans une mobilisation forte de l'opinion publique pour s'attaquer aux nouvelles formes d'isolement social pour peu que l'on mette à la disposition de ces gens des moyens à même de les aider à réaliser les objectifs assignés à une telle démarche. Placer la personne âgée au centre de nos préoccupations en répondant aux besoins spécifiques de chacun. Procéder à la création de centre de soins spécialisés (Gériatrie) au niveau des grandes villes. C'est une nécessité qui doit être prise très au sérieux, nous l'écrivons sur les colonnes de notre journal Al Bayane, et l'histoire retiendra que nous sommes constamment préoccupés par le sort qui est réservé aux personnes âgées. Permettre à chaque personne âgée qui est dans le besoin de pouvoir bénéficier d'une prise en charge médicale porteuses de valeurs humaines : respect, discrétion, amabilité, toutes valeurs qui touchent à la dignité de la personne. Etre à l'écoute des personnes âgées en situation de vulnérabilité et de précarité, prendre en compte tous ses besoins en matière de soutien, de confort moral, spirituel, psychologique et physique. Savoir les accueillir, les écouter, les encourager et surtout les accompagner aux différentes étapes de la vie jusqu'à la mort. Tels sont les fondements d'une société juste équitable, d'une société civilisée qui ne rejette pas ses vieux comme on se débarrasse d'un vieux meuble qui devient encombrant. C'est à méditer.