Le Maroc célèbre le dimanche 12 juin la journée mondiale contre le travail des enfants à l'instar de la communauté internationale. Le travail des enfants en bas âge est un phénomène socioéconomique répandu dans plusieurs secteurs et touche des franges importantes de la société. En fait, dans notre pays, l'exploitation des petits enfants est un phénomène presque normal. Faire travailler un enfant, dans la conception de certains milieux sociaux, relève de la normale. Ces mêmes milieux avancent des explications d'ordre économique en arguant que dans les familles pauvres et nombreuses, surtout dans le milieu rural et les zones urbaines et périurbaines, les enfants constituent une source de revenu d'appoint. Saïd Raji, directeur exécutif de l'Observatoire National des Droits de l'enfant (ONDE), explique, dans une déclaration à Al Bayane, que le Maroc a fait de grands pas en avant pour faire face à ce phénomène. Le pays dispose dans ce domaine d'un plan d'action intégré regroupant les acteurs institutionnels, la société civile ainsi que les organismes internationaux spécialisés. En s'appuyant sur les chiffres du HCP, Raji souligne que depuis 1999 jusqu'au 2010, l'exploitation économique des enfants a enregistré une régression très significative, passant de 517.000 à 147.000, soit une baisse de 9,7%. Le directeur exécutif de l'ONDE note que le Maroc s'est déjà doté d'une stratégie nationale pour la protection des enfants, y compris dans le domaine de l'exploitation économique, et ce depuis 2001. Ainsi, plusieurs campagnes de sensibilisation ont été menées dans ce sens, grâce à la signature de conventions de partenariat avec les opérateurs concernés, comme c'était le cas à Marrakech et à Fès, où les professionnels de l'artisanat se sont engagés à respecter les droits des enfants. Said Raji met aussi l'accent sur le Plan d'action national pour l'enfance 2006-2015, dont l'objectif escompté est de valoriser la contribution de l'INDH à la création de sources de revenus alternatives au travail des enfants. Selon notre interlocuteur, l'ONDE présidée par SAR la princesse Lalla Meryem, constitue un cadre d'action stratégique pour la protection des droits de l'enfant, voire un mécanisme de coordination entre les divers départements gouvernementaux, le secteur privé et les acteurs associatifs. Pour lui, l'amélioration de l'environnement juridique, et ce par l'adoption du projet de loi sur le travail domestique, actuellement au sein du secrétariat général du gouvernement, va contribuer au renforcement de l'arsenal juridique. Mais, les mesures juridiques, à elles seules, sont insuffisant. «Il faut d'abord procéder au changement des mentalités », souligne-t-il. Outre le travail de sensibilisation et de proximité, Said Raji souligne l'importance de la socialisation par groupe de pair. Le parlement de l'enfant demeure dans ce sens un outil efficace, pour leur inculquer les principes de la citoyenneté et apprendre à se protéger par eux même contre l'exploitation. Sur un autre registre, force est de constater que la réalité de la situation des enfants demeure préoccupante. Les récentes données publiées par le HCP montre que le travail des enfants, ( de 7 ans à moins de 15) dans le milieu rural, reste plus élevé par rapport au milieu citadin, soit 134.000 contre 13.000 dans le milieu urbain. Toujours selon le HCP, le travail des enfants reste un phénomène principalement rural, plus de 9 enfants actifs occupés sur 10 (91,2%) résident dans les campagnes. Cette étude du HCP dresse le profil sociodémographique de ces enfants. Ainsi, près de 6 enfants actifs occupés sur 10 sont de sexe masculin, 56,6% en milieu rural et 87,1% en milieu urbain. 23,3% des enfants travaillent parallèlement à leur scolarité, 55,3% ont quitté l'école et 21,4% n'ont jamais fréquenté l'école. Des données qui doivent nous alarmer d'autant plus que le travail des enfants reste concentré dans certaines réputées pénibles. Ainsi, en milieu rural, ils sont 93,0% à travailler dans l'agriculture, forêt et pêche. En zones urbaines ce sont les activités de "services" avec 43,6% et l'"industrie y compris l'artisanat" avec 37,7%, sont les principaux secteurs employeurs des enfants. Selon le statut dans l'emploi, 9 enfants actifs occupés sur 10 en milieu rural travaillent en tant qu'aides familiales. En milieu urbain, 48,1% sont des apprentis, 27,8% des "aides familiales" et 20,9% des salariés. Ce constat montre l'ampleur de la tâche qui attend la communauté nationale afin de se donner les moyens de construire une société digne de ses enfants.