Monsieur le Ministre, Un décalage énorme existe entre le niveau des étudiants nouvellement inscrits dans nos établissements (particulièrement en Sciences) face aux exigences d'un enseignement universitaire accéléré et concentré dans le temps (imposé par le nouveau système semestriel), ce décalage ne cesse de s'agrandir en plus des difficultés croissantes que rencontrent les enseignants-chercheurs dans l'exercice de leurs fonctions. Malgré tous les efforts didactiques et pédagogiques consentis par les enseignants-chercheurs (polycopiés, cours très simplifiés et renforcés par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, tutorat, séances de révisions, conférences...), les résultats d'assimilation de cet enseignement par les étudiants restent très faibles... Je refuse personnellement, avec plusieurs de mes collègues, la revendication qui exige des enseignants une simplification du système d'évaluation permettant ainsi l'acquisition de certains modules par des étudiants non méritants. Avec ce type de complaisance, on risque de voir sortir de nos établissements des licenciés «analphabètes». Ce qui aurait des répercussions graves sur la valeur de nos diplômes et la crédibilité de notre université et de son corps enseignant. Monsieur le Ministre, force est de constater qu'on parle de ces étudiants qui arrivent à l'Université comme s'ils viennent d'un autre pays ou d'une autre planète ! ... Alors qu'ils sont formés dans des écoles et des lycées parfois situés à quelques mètres des établissements universitaires !... Il est temps, monsieur le Ministre, qu'on arrête de se jeter la balle et qu'on fasse tout notre possible pour mettre en phase l'enseignement public primaire et secondaire avec l'enseignement supérieur. A l'échelle de l'Université, je pense qu'il est temps de réformer la dernière réforme pédagogique. Nous étions tous d'accord que cette réforme était en réalité le début d'une série de réformes et d'ajustages. Les ajustages qui s'imposent doivent être faits en concertation étroite avec les enseignants-chercheurs et doivent être discutés par toutes les structures compétentes. Les moyens réservés aux travaux pratiques ( TP ) doivent être augmentés. Le système actuel des commandes de matériel et des produits doit être changé complètement. En effet, il est absurde de demander aux enseignants d'installer de nouveaux TP alors que pour recevoir le matériel ou l'équipement commandé, il faut souvent attendre au minimum six mois, un an et parfois même plus de deux ans … ! Le système des commandes par marchés est lourd et archaïque et ne convient pas du tout à un enseignement scientifique de qualité qui demande à être réajusté régulièrement. Je souhaiterais, monsieur le Ministre, finir ma lettre avec le point qui me tient le plus à cœur : le rôle décisif et indiscutable de la recherche scientifique pour protéger l'Université marocaine de la médiocrité. En effet, il est urgent d'installer dans notre pays une politique de recherche scientifique sérieuse, crédible et compétitive à l'échelle internationale accompagnée de moyens suffisants et dotée d'un système efficace et rapide de gestion administrative, scientifique et financière. La recherche scientifique est un excellent moyen pour instaurer dans nos universités les valeurs du travail et du mérite... Un des piliers de la réussite des universités dans le monde est l'esprit de compétitivité, de mérite, de persévérance et d'excellence. Monsieur le Ministre, le Royaume du Maroc a besoin d'urgence d'une grande révolution scientifique, révolution qui doit installer sur des bases saines dans notre pays une recherche scientifique de qualité et changer radicalement vers la modernité et l'excellence tout notre système éducatif. En espérant voir aboutir toutes ces requêtes dans un proche avenir, je vous prie, monsieur le Ministre, de croire à mes sentiments les plus respectueux. Marrakech le 28 Mars 2011 Ahmed HAMDAOUI Professeur à la Faculté des Sciences Semlalia. Université Cadi Ayyad.