Nous assistons à des avancées spectaculaires de la médecine grâce à de nouveaux «médicaments miracles» permettant de traiter des maladies qui, il y a quelques décennies, ou même quelques années encore dans le cas du VIH/sida, étaient mortelles. Pour la Journée mondiale de la Santé 2011, l'OMS lance une campagne mondiale visant à préserver ces acquis pour les futures générations. La propagation mondiale de la résistance aux antimicrobiens, thème de cette journée, menace l'efficacité de nombreux médicaments utilisés aujourd'hui et risque de remettre en cause les progrès importants qui ont été accomplis contre les principaux agents infectieux mortels. Sous le thème «Lutter contre la résistance aux médicaments», l'OMS appelle à une action urgente et concertée des gouvernements, des professionnels de santé, de l'industrie, de la société civile et des patients en vue de ralentir le développement de la résistance aux médicaments, d'en limiter l'impact aujourd'hui et de préserver les progrès médicaux pour les générations futures. Le risque de perdre des médicaments miracles «Le message en cette Journée mondiale de la Santé est fort et clair. Le monde est sur le point de perdre ces médicaments miracles», a déclaré le Directeur général de l'OMS, le Dr Margaret Chan. «Si l'on ne prend pas d'urgence des mesures correctrices et protectrices, nous irons vers une ère post-antibiotiques, au cours de laquelle de nombreuses infections courantes ne pourront plus être soignées et recommenceront à tuer». Six recommandations pour vaincre la pharmacorésistance Aujourd'hui, l'OMS publie un ensemble de mesures qui définit les mesures que les gouvernements et leurs partenaires nationaux doivent prendre pour lutter contre la résistance aux médicaments. Les mesures recommandées par l'OMS sont les suivantes : - élaborer et mettre en œuvre un plan national complet doté d'un financement; - renforcer la surveillance et les moyens de laboratoire ; - assurer un accès ininterrompu aux médicaments essentiels de qualité vérifiée; - réglementer et promouvoir l'usage rationnel des médicaments; - renforcer la prévention des infections et la lutte contre celles-ci; - favoriser l'innovation et la recherche ainsi que la mise au point de nouveaux outils. La découverte et l'utilisation des médicaments antimicrobiens pour traiter des maladies comme la lèpre, la tuberculose, la gonococcie et la syphilis ont changé le cours de l'histoire médicale et humaine. Or à présent, ces découvertes et les générations de médicaments qui ont suivi sont en péril, car des niveaux élevés de résistance aux médicaments en menacent l'efficacité. La résistance aux médicaments est un phénomène biologique naturel à travers lequel les germes acquièrent une résistance aux médicaments censés les éliminer. Avec chaque nouvelle génération, le micro-organisme porteur du gène de résistance devient toujours plus dominant, jusqu'à ce que le médicament soit totalement inefficace. L'utilisation inappropriée des médicaments destinés à lutter contre l'infection – qu'il s'agisse d'une sous-utilisation, d'une sur utilisation ou d'une mauvaise utilisation – favorise l'émergence plus rapide de la résistance. Plusieurs maladies sont concernées L'année dernière, au moins 440 000 nouveaux cas de tuberculose multirésistante ont été décelés et des cas de tuberculose ultrarésistante ont été signalés dans 69 pays à ce jour. Le parasite responsable du paludisme acquiert une résistance même à la dernière génération de médicaments, et des souches de gonocoques et de Shigella résistantes limitent les options thérapeutiques. Des infections graves contractées à l'hôpital peuvent devenir mortelles en raison de la difficulté à les traiter et des souches pharmacorésistantes de germes pathogènes se propagent d'une région géographique à une autre dans notre monde interconnecté et globalisé. Une résistance aux médicaments antirétroviraux utilisés pour traiter les personnes vivant avec le VIH apparaît également. Des mesures à mettre en oeuvre rapidement Pour le Dr Chan, «En cette Journée mondiale de la Santé, l'OMS publie un ensemble de mesures qui devraient mettre rapidement chacun, en particulier les gouvernements et leurs systèmes de réglementation pharmaceutique sur la bonne voie, en les dotant de mesures adaptées. Les tendances sont claires et inquiétantes. Ne pas agir aujourd'hui c'est ne plus pouvoir se soigner demain. Au moment où le monde est frappé par de multiples calamités, nous ne pouvons permettre que la perte de médicaments essentiels – indispensables pour guérir des millions de personnes – soit à l'origine de la prochaine crise mondiale.» «Depuis dix ans, l'OMS a mis sur pied de nombreuses initiatives visant à mieux comprendre la résistance aux médicaments et à lutter contre celle-ci, en particulier en ce qui concerne certaines des maladies infectieuses les plus mortelles», a déclaré le Dr Mario Raviglione, Directeur du Département OMS Halte à la tuberculose, qui a dirigé les préparatifs de la Journée mondiale de la Santé 2011. «Ces mesures doivent aujourd'hui encore être renforcées et mises en œuvre d'urgence contre de nombreuses maladies et dans de nombreux secteurs. De nouvelles collaborations, sous l'égide des gouvernements travaillant main dans la main avec la société civile et les professionnels de santé, peuvent, si elles sont tenues de rendre compte, mettre un terme à la menace que constitue pour la santé publique la résistance aux médicaments.» Tout le monde peut agir Si les gouvernements doivent jouer un rôle directeur et élaborer des politiques nationales pour lutter contre la résistance aux médicaments, les professionnels de la santé, la société civile et d'autres groupes peuvent également apporter une contribution importante. Ainsi les médecins et les pharmaciens peuvent ne prescrire et ne délivrer que les médicaments nécessaires pour traiter le patient, plutôt que de prescrire ou de délivrer automatiquement les médicaments les plus récents ou les mieux connus. Les patients peuvent cesser d'exiger que les médecins leur prescrivent des antibiotiques alors qu'ils n'en ont pas besoin. Les professionnels de santé peuvent aider à réduire rapidement la propagation de l'infection dans les établissements de santé. La collaboration entre santé humaine et santé vétérinaire et professionnels de l'agriculture est également essentielle car l'utilisation des antibiotiques dans la production des animaux destinés à la consommation contribue à accroître la résistance aux médicaments. Près de la moitié de la production actuelle d'antibiotiques est utilisée dans l'agriculture pour favoriser la croissance et prévenir les maladies et pour traiter les animaux malades. Avec cette utilisation massive, les microbes résistants aux médicaments présents chez les animaux peuvent ensuite se retrouver chez l'homme. Un enjeu pour la recherche Les gouvernements et les partenaires doivent collaborer étroitement avec l'industrie pour encourager des investissements plus importants dans la recherche et le développement de nouveaux outils diagnostiques susceptibles d'aider à améliorer la prise de décision, ainsi que de médicaments appelés à remplacer ceux qui perdent de leur efficacité pour cause de résistance. À l'heure actuelle, les antibiotiques représentent moins de 5% des produits en cours de recherche-développement. Il importe donc de mettre en place des systèmes d'incitation novateurs pour encourager l'industrie à rechercher et à mettre au point de nouveaux médicaments antimicrobiens pour l'avenir.