La publication la semaine dernière des statistiques sur l'état du marché du travail, faisant état de 4,3 millions de chômeurs en Espagne, a été la plus mauvaise nouvelle de 2011 aussi bien pour le gouvernement que pour les acteurs sociaux et l'ensemble de la société en Espagne. Ce sont plus de 68.000 nouveaux sans emploi qui étaient venus, en févier dernier, renforcer les rangs des demandeurs de travail devant les bureaux de recrutement. Ce ne sont pas seulement des immigrés mal qualifiés, des femmes sans formation professionnelle ou des personnes de plus de 45 ans qui aspirent à sortir des tourments du chômage. Désormais, ce phénomène touche également des jeunes licenciés qui comptent le taux de chômage le plus élevé en Europe dans leur catégorie et tranche d'âge. Ceux-ci souffrent principalement de trois grands problèmes. D'abord, ils sont confrontés, dés la fin de leur sortie de la faculté, de la difficulté d'accéder à un premier emploi qui est conforme à leur formation. Ensuite, ils souffrent du « déclassement » professionnel pour être forcés à exercer une activité de basse qualification. Enfin, ils sont classés, au plan salarial, à la catégorie de « milleriste » (mileurista), c's-à-dire qu'ils obligés à se soumettre à la loi de l'offre et de la demande du marché qui fixe leur premier salaire à 1.000 euros mensuels, soit 150% du Salaire Minimum Interprofessionnel General (SMIG). Face à cette situation, qui ferme devant eux toute possibilité d'épanouissement aux plans social et professionnel, de nombreux universitaires décident de reprendre le chemin emprunté par leurs grands-pères, dans les années 50 et 60, vers les marchés français, allemands ou belges. Depuis l'été dernier, des milliers de jeunes licenciés espagnols sont la cible d'une forte campagne d'explication des avantages d'émigrer vers l'Allemagne, comme alternative pour fuir un marché national saturé ou mal préparé pour les absorber. Ce souhait rejoint, en fait, une proposition du Chancelier allemand, Angela Merkel, qui avait exprimé le désir d'offrir des postes d'emploi aux jeunes espagnols, mieux payés et plus attractifs. Immédiatement, experts, chercheurs et politiques se sont mis à analyser le pour et le contre de cette offre et ses répercussions sur le marché espagnol. Pour certains, cette initiative va garantir aux jeunes licenciés espagnols l'amélioration de leur profil professionnel du fait qu'ils seront intégrés à des activités accommodées à leur formation, bénéficieront de salaires équitables et de la stabilité professionnelle. Pour d'autres, particulièrement les politiques, le marché espagnol va souffrir d'un manque de compétences à cause de la fuite de cerveaux qui seront mis au service de l'Allemagne après les grandes dépenses engagées pour assurer leur formation. Uniquement dans le domaine sanitaire, 56% des jeunes médecins ont émigré, selon le Conseil Général des Médecins espagnols (CGCOM). Pourtant, dans leurs discours, les politiques espagnols se flattent en assurant que l'Espagne a la chance actuellement d'avoir la génération des universitaires la mieux préparée de l'histoire du pays. Pourquoi les jeunes universitaires émigrent ? Les jeunes universitaires espagnols affirment être frustrés après avoir souffert pendant plusieurs années pour l'obtention d'une licence universitaire croyant qu'ils allaient, en optant pour les études universitaires, accéder aux meilleurs postes d'emploi qui récompenseront leurs efforts et sacrifices. A cause d'un marché qui passe par son pire moment, ils sont astreints à souffrir comme tout autre chômeur, nonobstant sa formation ou sa nationalité. Certains universitaires en chômage assurent avoir complété leur formation avec un master mais, pour subvenir à leurs besoins immédiats, acceptent des salaires très souvent inférieurs au SMIG (500 euros/mois pour un horaire de demi-journée) dans le seul objectif d'améliorer le Curriculum Vitae. L'analyse de certains rapports de conjoncture, élaborés par des organisations internationales, décrivent sur la base de données fiables, les causes du malaise de l'universitaire espagnol. Sont en réalité des causes structurelles en comparaison avec la situation des jeunes d'autres pays membres de l'Union Européenne ou de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE). S'agissant d'abord de la proportion des universitaires dans la population dans les pays de l'OCEE, 40% des espagnols de 25 à 34 ans ont une formation universitaire complète, soit un pourcentage légèrement supérieur à la moyenne. Cependant, l'Espagne est citée parmi les pays avec un haut taux de chômage dans la catégorie des jeunes âgés de 25 à 34 ans. Ce sont 28,1% des jeunes espagnols sans études qui sont recensés parmi les sans - emploi, selon une étude relative au deuxième trimestre de 2009 de l'Office Statistique de l'Union Européenne (Eurostat). Concernant les jeunes qui ont fini un cycle d'études moyennes, l'Espagne se situe à la tête de la liste de ces pays avec un taux de 18,8% de chômage (17% en Lettonie et Lituanie, par exemple). Elle compte aussi le taux le plus élevé de jeunes en chômage de 25 à 34 qui ont fini leurs études universitaires, qui est égal à 11,7%. Elle partage cette place avec la Grèce. Dans la variable salaires, plus de 40% des jeunes qui ont achevé leurs études supérieures, sont embauchés à des postes d'emploi inférieurs à leur catégorie professionnelle alors que la moyenne au sein de l'OCDE n'atteint pas 25%. C'est aussi, selon des données de l'OCDE et l'Eurostat, une génération d'universitaires mal payés au niveau européen (en compagnie avec celles de la Grèce et du Portugal). Cette situation revient au fait que c'est en Espagne où il existe le plus d'universitaires mal payés en comparaison avec leur homologues norvégiens, allemands, belges ou italiens. Les données de l'Eurostat, à titre de 2008, révèlent que les jeunes espagnols sont victimes aussi de la précarité des contrats puisque leur pays se situe à la tête de ceux de l'Union Européenne en nombre de jeunes de 15 à 29 ans qui exercent avec des contrats saisonniers de durée limitée. Une des principales conséquences de ces irrégularités qui entachent le marché du travail, affecte le bien-être des jeunes espagnols qui tardent d'abandonner le foyer familial. Les jeunes garçons décident de vivre indépendants de leurs parents à l'âge de 29 ans alors que les filles le décident à 28 ans. Les femmes allemandes le font une fois elles accomplissent les 24 ans et les hommes 25 ans. Les françaises le font à 23 ans et les hommes à 24 ans. De manière que les jeunes espagnols, faute d'accès à un emploi stable, se trouvent incapables de se soustraire de l'appui des parents et d'accéder à une vie indépendante. Le chômage, à ce niveau d'analyse, demeure le grand défi à relever par l'actuel gouvernement socialiste en Espagne. Dans ces conditions, la réinsertion des immigrés en quête d'un emploi sera encore plus difficile. Faute de perspectives immédiates, les sans - emploi espagnols seront amenés à disputer aux immigrés les emplois qu'ils boudaient jusqu'à présent.