Pour Abdelhafid Oualalou, membre du Comité Central du PPS et secrétaire général au Centre d'étude et de recherche Aziz Belal (CERAB), certes il y'a eu quelques avancées en matière de santé au Maroc, néanmoins il reste énormément à faire pour arriver à la normalité et pourquoi pas à la réalité souhaitée par les Marocains en matière d'accès à la santé pour tous. Sur le volet social, Oualalou affirme que si le citoyen n'est pas mis au centre des intérêts de tous, la situation risque d'être chaotique dans le futur. Al Bayane : Que pensez-vous de la déclaration du bilan de la mi-parcours présentée par le premier ministre Abbas El Fassi ? A. Oualalou : Il est à remarquer que le volet social est toujours un point critique lors des différentes déclarations ou présentation des bilans des gouvernements. Ce qui est frappant c'est que la réalité démontre que le secteur social ne se porte pas bien en ce moment dans notre pays. Je tiens à noter que le conseil économique et social tarde à venir. Le Maroc reste le seul pays à ne pas avoir ce conseil consultatif, malgré qu'il ait été inscrit dans la constitution de 1992, il y a 18 ans de cela. Aussi, la déclaration de Abbas El Fassi n'a pas défini de calendrier précis pour ce qui est de la réalisation des projets sociaux. Pour nous, au sein du PPS, nous avons estimé que le bilan de Abbas El Fassi, n'est pas allé au fond des problèmes sociaux qui touchent directement le citoyen marocain. A savoir la cherté de la vie et la situation du système des retraites. Tout ceci nous pousse à nous accrocher davantage à notre pacte social concerté qui est l'objectif et un des thèmes du prochain congrès du PPS. - Justement, Vous venez de parler du système des retraites. Que pouvez-vous nous dire de la situation de ce secteur au Maroc ? Pour ce qui est des retraites, il existe une commission ministérielle qui travaille sur ce dossier. Il a été déposé plusieurs scénarios et solutions à ce dossier qui vit une réelle crise, et dans le cas où rien n'est fait, laisse prédire une catastrophe sociale imminente. J'estime que c'est choquant que la population bénéficiant du régime de retraites dans notre pays ne dépasse pas les 10%, alors que le nombre des personnes âgées au Maroc est estimé à quelque 3 millions de personnes. Au rythme avec lequel est traité ce dossier crucial, je crains le pire au niveau de la cohésion sociale au Maroc. Ajoutez à cela, que notre société n'est plus ce qu'elle était dans le passé et la pyramide des âges va en vieillissant. - Pour revenir au volet santé, beaucoup de Marocains se disent mécontents du niveau des services octroyés dans les hôpitaux du royaume. Que pouvez-vous nous dire à propos des services de santé dont devrait normalement bénéficier tout citoyen marocain ? Ce problème ne concerne pas uniquement les hôpitaux publics. Malgré les mesures entreprises dans la politique stratégique élaborée par le ministère de la santé et qui s'étale sur la période 2008-2012, en matière de gratuité des accouchements et des soins de maternité accessibles, en plus de l'établissement de la carte sanitaire, il reste encore beaucoup à réaliser par les responsables de la santé chez nous au Maroc. En clair, il faut œuvrer pour réaliser d'autres réformes plus profondes et qui concerneraient l'accès aux soins de manière équitable sans clientélisme, surtout l'accès aux médicaments pour les personnes souffrant de maladies chroniques, la mise à niveau des services de santé dans les zones rurales et enclavées, la régionalisation des services de santé par une nouvelle répartition des richesses dans le domaine de la santé publique, et une révision de la manière avec laquelle sont gérés nos hôpitaux. Je tiens à signaler que l'expérience du programme «Inaya» destiné aux artisans,et aux travailleurs dans les professions libérales, a été un échec total. Cette situation est due essentiellement à la mauvaise gestion. D'autre part, ce régime doit être élargi aux étudiants qui représentent aujourd'hui plus de 350.000 personnes. Le gouvernement El Fassi doit montrer plus de sérieux dans le règlement de ce dossier pour ne pas décevoir les partis politiques qui lui font confiance. - Comment peut-on redonner une bonne image aux hôpitaux et au personnel qui y travaille concernant la gestion ? Tous les rapports établis jusqu'à présent insistent énormément sur cette question et avouent qu'il existe un grand déficit en matière de gestion des hôpitaux marocains. Que ce soit pour ce qui est des ressources matérielles, financières ou des ressources humaines et leur répartition. Il faut revoir la chose de fond en comble sinon la situation risque de s'empirer à l'avenir ce qui ne servirait les intérêts de personnes. - Que pouvez-vous nous dire des médicaments et leurs accessibilités pour les marocains, surtout pour les plus modestes d'entre eux ? Pour ce qui est des médicaments, la ministre de la santé Yasmina Baddou avait elle-même déclaré que nous n'avons pas encore au Maroc une politique sociale des médicaments. A mon sens, il faut prévoir dans la prochaine loi de finance, prévoir la suppression de la TVA sur les médicaments. Actuellement le malade paye 7% de la TVA par rapport aux médicaments ? C'est tout à fait aberrant, vu le salaire moyen d'un employé marocain. Le reste est supporté par les mutuelles et les pharmaciens. Dans le Centre d'étude et de recherche Aziz Belal (CERAB), nous estimons que c'est anormal que la majorité des marocains n'aient pas accès à la couverture sociale. Malgré que l'AMO ait été instaurée depuis 2002, elle n'a pas encore été généralisé et seuls 20% des cartes ont été distribuées. Ajoutez à cela l'état lamentable des hôpitaux surtout dans la région de Béni Méllal et Fkih Bensaleh. -Qu'en est-il des médicaments génériques ? Il faut justement encourager la consommation des médicaments génériques dans notre pays du fait de leur prix bas par rapport aux médicaments classiques. Malheureusement la consommation de ce genre de médicaments ne dépasse pas chez nous les 25 %, alors qu'en France et en Allemagne les médicaments génériques sont vendus à plus de 65% de la population. - Selon-vous quelles sont les urgences sur lesquelles le gouvernement doit se pencher en priorité ? Pour nous au sein du PPS, nous estimons que le développement social et l'amélioration palpable de la vie quotidienne des millions de marocains, restent la priorité des priorités. Le citoyen doit sentir qu'il est capable de remplir son panier, bien éduquer et scolariser ses enfants, les soigner et se soigner lui-même. Sans cela, et malgré les chiffres optimistes pour ce qui est de l'économie nationale, aucun développement ne s'est fait dans notre pays. Le social est le mot magique, qui ouvrira les grandes portes au développement de notre pays. - Le premier ministre s'est dit satisfait des avancées considérables de son point de vue, en ce qui concerne l'amélioration du pouvoir d'achat des marocains et la hausse des salaires. Pensez-vous que les marocains sont satisfaits de ce gouvernement et est ce que le fossé entre riches et pauvres rétrécit ou au contraire s'élargit de plus en plus ? Malheureusement, bien que le gouvernement et les chiffres avancés en ce qui concerne la pauvreté et le chômage restent optimistes, la réalité perçue par le citoyen est autre. Les derniers chiffres du Haut Commissariat au Plan (HCP) démontrent que l'écart continue à se creuser entre riches et pauvres dans notre pays, surtout depuis 2006 jusqu'à aujourd'hui. Il faut une justice sociale sinon et quoi qu'on fasse et quoi qu'on dise, le citoyen restera insatisfait de son gouvernement, de ses décideurs et boudera les urnes encore une fois dans 2 ans. Je terminerai par dire que le gouvernement peut faire beaucoup mieux, il faut juste qu'il le veuille.