La première greffe rénale réalisée au Maroc à partir de donneur vivant, remonte à 1986. A ce jour, notre pays totalise avec succès 275 greffes rénales. C'est très peu, nous accusons un grand retard par rapport à des pays voisins comme la Tunisie ou l'Algérie. Par ailleurs, toutes ces greffes n'ont pu être possibles que grâce au don d'organes provenant de donneurs vivants apparentés (mère, frère, sœur, père). Le développement de ce type de greffe à partir de donneurs vivants qui a permis la réalisation d'un nombre restreint de transplantations rénales qui soit dit en passant ont rendu d'énormes services aux patients, ne peut perdurer sans son corollaire, l'activité de greffes à partir de donneurs décédés, reconnaissent les spécialistes. Cette étape vient d'être franchie avec succès puisque la première greffe de reins à partir d'une personne en état de mort encéphalique a été réalisée au CHU Ibn Rochd de Casablanca. Pour en savoir un peu plus sur cette grande première, nous avons rencontré le professeur Kettani, directeur de l'hôpital Ibn Rochd de Casablanca et le professeur Ramdani Younes, président du conseil consultatif de transplantation des organes et tissus. La toute première greffe de reins réalisée grâce au prélèvement d'organes sur une personne en état de mort encéphalique, vient d'être réalisée avec succès au centre hospitalier Ibn Rochd de Casablanca, le mercredi 1er septembre 2010. C'est à l'évidence une grande première médicale pour notre pays. Cette 1ère greffe de reins prélevés à partir d'une personne en état de mort encéphalique (EME) n'a été possible que grâce à plusieurs éléments qui constituent l'essence même de cette pratique. Il faut noter que le Maroc accuse un retard considérable dans la transplantation d'organes et de tissus aussi bien à partir de donneurs vivants que cadavériques. La situation en est même inquiétante, de l'avis des spécialistes, que ce soit pour les greffes de reins ou de cornées. Le problème ne réside pas, seulement, dans la faible adhésion des citoyens en ce qui concerne le don d'organes, en raison notamment d'un manque d'informations précises sur la question mais, aussi, et, beaucoup plus, dans le nombre très restreint de structures de santé qui sont en mesure de réaliser des greffes d'organes. En premier lieu, pour pratiquer ce genre de greffe, il y'a le respect strict des textes de loi, c'est ainsi que nous avons eu recours à la loi 16/98 qui a été promulguée en 1999, relative aux dons et transplantations d'organes et tissus. Cette loi protége le donneur, le receveur et le médecin quand cette loi est suivie dans son intégralité. Cette première greffe a demandé la formation de personnes spécialisées dans l'approche des familles pour leur expliquer la situation de la personne qui se trouve en état de mort encéphalique. Une mission difficile, astreignante, demandant beaucoup de tact, de savoir et de savoir-faire, car il s'agit de convaincre la famille pour qu'elle puisse donner son aval qui permet à l'équipe médicale d'effectuer le prélèvement des reins légalement et juridiquement. Cette lourde tâche, c'est le service de réanimation médicale de l'hôpital Ibn Rochd qui s'en charge. Ce service assure aussi la mission qui consiste à établir le diagnostic de la mort encéphalique. La majorité des cas sont des victimes d'accidents de la voie publique, des accidents malheureusement en recrudescence dans notre pays et qui causent la mort de 10 personnes chaque jour (plus de 4.000/an). Toutes ces personnes qui décèdent sont de potentiels donneurs d'organes, des organes qui peuvent sauver des milliers de patients qui attendent une éventuelle greffe rénale ou autres. S'agissant de la première greffe de reins dont le prélèvement a été effectué à partir d'une personne en état de mort encéphalique au centre hospitalier Ibn Rochd de Casablanca le mercredi 1er septembre 2010, il faut signaler que le prélèvement a été effectué sur un jeune homme qui a été victime d'un accident de la voie publique (AVP). Le temps qui s'est écoulé entre l'accident, le prélèvement et la greffe des reins n'a pas excédé 48 heures. Le prélèvement de ces deux reins a profité à deux jeunes malades atteints d'insuffisance rénale au stade terminal et qui étaient sous dialyse. La question du timing est très importante car c'est un facteur déterminant dans la réussite ou l'échec de ce genre de pratique. Pour cette première greffe, il y a lieu de rendre hommage aux équipes pluridisciplinaires composées de chirurgiens urologues, néphrologues, neurologues, neurochirurgiens, d'anesthésistes réanimateurs, de biologistes, le staff administratif, avec une mention toute particulière pour l'équipe des infirmiers, le précieux apport du service histologique et immunologique de l'institut Pasteur, la coordinatrice du prélèvement qui s'est mobilisée et qui n'a ménagé aucun effort pour assurer une réussite totale à cette grande première médicale marocaine…Au total, c'est une équipe de plus de 40 professionnels de santé qui a été mobilisée pour veiller à la réalisation de la première greffe rénale à partir d'une personne en état de mort encéphalique. Cette mobilisation à permis la réussite totale de cette grande première médicale dans notre pays et qui donne de grands espoirs aux insuffisants rénaux chroniques et, par extension, aux autres malades qui nécessitent la transplantation d'autres organes, surtout en ce mois béni de ramadan. Le début de l'intervention (prélèvement des reins) a commencé le mercredi 1er Septembre 2010 à 16 heures et a pris fin à 18 heures. La greffe qui a profité à deux malades, chacun ayant reçu un rein, a débuté le mercredi 1er septembre 2010 et s'est achevée le jeudi 2 Septembre 2010 à 5 heures du matin. Les deux patients sont dans un parfait état de santé, ils sont toujours hospitalisés à l'hôpital Ibn Rochd pour observation. Il y' a lieu d'être très optimiste, de regarder l'avenir de la greffe d'organes au Maroc avec sérénité. L'étape qui va suivre consistera à consolider cet acquis, ce qui permettra d'ouvrir d'autres perspectives de greffes d'organes et de tissus (foie, cœur, pancréas, poumons…) Bien sûr, il ne s'agit pas de brûler les étapes, d'aller vite en besogne. La pratique de cette activité doit être encadrée par toutes les bonnes pratiques du service public rendu aux citoyens, dans la plus grande transparence en ayant toujours présent à l'esprit les préalables de justice sociale et d'équité qui caractérisent le service public. Pour permettre aux uns et aux autres d'avoir des informations crédibles, justes et qui ne prêtent à aucune confusion, la direction du CHU Ibn Rochd compte organiser une conférence de presse dans les prochains jours, juste le temps pour les deux malades greffés, de bien récupérer. Rendez-vous est donc pris.