Eu égard aux risques réels et aux complications certaines auxquels peuvent être confrontés les malades qui présentent des affections rénales et qui tiennent à tout prix à faire le jeûne du mois de ramadan, nous avons rencontré le professeur Ramdani, Chef de Service de Néphrologie, au CHU Casablanca. Eclairage sur les maladies rénales et ramadan. Professeur Ramdani que pouvez- vous nous dire au sujet du jeûne de Ramadan pour les patients atteints de maladies rénales ? Il convient tout d'abord de rappeler qu'environ un milliard de musulmans jeûnent chaque année pendant le mois de Ramadan. Ce rite consiste à s'abstenir de boire et de manger du lever au coucher du soleil. La durée de ce jeûne varie de 10 à 18 h et est fonction du lieu géographique et de la saison à laquelle il se déroule. Le changement brutal du mode de vie et la nécessité de se nourrir la nuit entraîne des modifications du comportement et de vigilance, des habitudes alimentaires et de l'équilibre alimentaire ainsi que des variations biologiques. Dans notre contexte marocain, ramadan et santé constituent un champ de recherche important. Malheureusement, très peu d'études ont été réalisées sur les bienfaits du jeûne ainsi que sur ses répercussions sur les maladies rénales. Et les patients atteints de Colique Néphrétique et de Lithiase Urinaire ? Un certain nombre d'études ont pu mettre en évidence des changements non négligeables : baisse significative du volume urinaire au cours de la matinée, mais surtout au cours de l'après-midi pendant le mois du ramadan, par rapport à la même période en dehors de ce mois. Ceci témoigne d'une adaptation, sous forme d'une rétention hydrique au cours de la journée de ramadan. Par ailleurs, le ramadan constitue un facteur favorisant la survenue de coliques néphrétiques chez les patients porteurs de lithiases rénales. Par conséquent et compte tenu de la restriction hydrique évidente au cours de la journée pendant le ramadan et de la baisse importante de la consommation d'eau par les jeûneurs, il est recommandé aux personnes ayant des lithiases rénales ou sujettes au développement de calculs rénaux de s'abstenir de jeûner. Chez les sujets ayant dans des antécédents de lithiases rénales éliminées et qui tiennent à jeûner, il est conseillé de boire abondamment au cours de la nuit. Cette recommandation devient plus évidente lorsque le ramadan coïncide avec une saison chaude comme c'est le cas en ce mois d'Août ou quand le sujet exerce une activité intense, pouvant accélérer la perte hydrique. Les patients atteints de Néphropathies ? Quel que soit le type de la néphropathie, glomérulaire, interstitielle, ou vasculaire, il est conseillé de ne pas jeûner lors de la phase aiguë de la maladie, par risque d'aggravation ou d'installation d'insuffisance rénale. Par contre, en phase de rémission ou d'entretien de la rémission, le jeûne est autorisé sous surveillance médicale mais également avec prise des médicaments lorsqu'il s'agit de Corticoïdes et en raison de leur biodisponibilité, le matin juste avant le début du jeûne (Shor) et non pas lors de la rupture du jeûne. Les patients atteints d'Insuffisance Rénale ? Chez le patient au stade avancé d'insuffisance rénale ou sous dialyse, il est recommandé de s'abstenir de jeûner, surtout si le patient est âgé, anémique, hypertendu, ou avec un risque cardio-vasculaire élevé. Aussi, certaines étiologies de l'insuffisance rénale imposent au malade de ne pas jeûner, par exemple le diabète de type 1 ou le diabète de type 2 insulino-nécessitant. Les patients polymédiqués ou avec une nécessité d'une prise fractionnée dans la journée doivent également s'abstenir de jeûner (exemple les patients insuffisants rénaux chroniques hypertendus nécessitant plusieurs familles de médicaments anti-hypertenseurs). De toute façon la décision de jeûner ou non sera discutée au cas par cas. Un avis néphrologique reste essentiel avant d'entreprendre une telle décision. Et pour les patients qui ont eu recours à une transplantation Rénale ? Chez les transplantés rénaux, l'autorisation du jeûne est en fonction du type de l'immunosuppression et du nombre de prises journalières. Chez les patients sous immunosuppresseurs à demi-vie longue telle l'Azathioprine et les Corticoïdes, qui peuvent être pris le soir au milieu du repas pour l'Azathioprine et tôt le matin avant le début du jeûne (Shor) pour les corticoïdes, le jeûne peut être autorisé. Cependant, un contrôle régulier de la fonction rénale les premiers jours est nécessaire surtout pour les patients dont les greffes datent entre 1 an et 2 ans. Par contre, il est recommandé aux patients sous Ciclosporine, Tacrolimus, Mycophénolate moefetil ou Rapamycine, de s'abstenir de jeûner, vu la nécessité de fractionnement des doses de ces médicaments, qui doivent être administrés à intervalle régulier de 12 heures pour une meilleure biodisponibilité (4,5). L'avis du néphrologue reste cependant nécessaire pour discuter au cas par cas une autorisation du jeûne. En conclusion je dirai qu'il n'existe malheureusement pas de règle générale concernant le jeûne du mois sacré de Ramadan chez les néphropathies, cependant, l'autorisation du jeûne doit être formulée par le néphrologue ou le médecin traitant en fonction de l'état clinique du patient, de la tolérance et des médicaments et leurs éventuelles adaptations. Il est nécessaire de procéder à des recherches de grande envergure pour établir des règles scientifiques sur ce sujet.