Entretien avec le réalisateur marocain,Tarik El Idrissi Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef «Sound of Berberia», road-movie musical signé par le réalisateur marocain Tarik El Idrissi, a été projeté, jeudi dernier, dans le cadre de la compétition officielle du long-métrage de fiction de la 23ème édition du festival national du film de Tanger. Cette œuvre cinématographique sur les rythmes amazighs, dont le son est le principal protagoniste, est le fruit d'un rêve de voyage musical en Afrique que le réalisateur a concrétisé par le biais du cinéma et de la fiction. Rencontre. Al Bayane : La sortie du film a été reportée plusieurs fois. Quelles en sont les raisons de ce report ? Est-il une question de financement ? Tarik El Idrissi : Ce sont en fait des raisons financières, notamment la postproduction qui nous a pris beaucoup de tempset d'efforts. En effet, quand je parle de la postproduction, c'est-à-dire l'archive. Surtout en ce qui concerne ses droits et sa gestion administrative. Sans oublier bien entendu les droits d'auteur de la musique parce que chaque chanson a un cas différent. A cela s'ajoute, la distribution et le confinement qui ont été également les raisons du report de la sortie du film. Le film est un road-movie musical, un genre un peu rare dans notre cinéma. Comment est venue l'idée de faire un film sur le son et la musique amazighs ? Il y a 20 ans déjà, quand je faisais mes études en Espagne, j'avais envie de réaliser ce voyage musical avec mon cousin. À l'époque c'était possible parce qu'il y avait un festival au nord de Tombouctou, au Mali, dédié à la musique touareg. Il faut dire que dans le temps, il y avait de la sécurité dans le Sahara et surtout sur les frontières. Mais après, des problèmes ont secoué les régions ; la révolte des touaregs contre le gouvernement malien et surtout le «printemps démocratique». En 2011 et 2012, il y a eu une métamorphose en se lançant dans l'écriture d'un scénario de fiction sur ce rêve qu'on n'a pas pu réaliser. C'est là où l'idée est née. Le film est certes en langue amazighe, mais son langage cinématographique est universel. Avez-vous au début cette intention d'en faire un film qui dépasse les frontières géographiques et linguistiques ? Oui. Certes, il y a quelque chose de personnel, mais le film, au-delà de la langue, est à la portée de tout le monde. J'ai voulu que les gens se concentrent beaucoup plus sur l'image et le son qui est le vrai protagoniste du film. Moi quand j'écoute de la musique, je ne m'intéresse pas aux paroles. J'ai voulu que le film soit ainsi. La musique et les sonorités amazighes sont mises en valeur dans votre film. Pouvez-vous en dire plus sur ce choix musical ? Beaucoup de gens ne connaissent pas la musique amazighe. L'idée, à vrai dire, c'est de mettre les amazighs sur la carte. Pour ce faire, on a recouru à la musique pour transmettre les lettres de noblesse de cette culture. Le film a réuni une belle brochette d'acteurs marocains, espagnols et égyptiens. Parlez-nous un peu de la gestion d'acteurs sur les plateaux du tournage. On a tourné à El Hoceima, Tlouat, Rabat et dans les régions de Zagora. Il y avait des acteurs de différentes nationalités, on a fait un travail d'adaptation des dialogues. On a vu des collaborations musicales dans le film où le son est associé à l'image. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Le scénario a été déjà écrit, et on savait déjà les chansons qui seront usées dans le film. Mais, on a fait nos propres chansons originales qui ont été réalisées en postproduction. Il y avait le terrorisme et les conflits qui ont été évoqués dans le film, mais, en contrepartie, il y a la musique qui réunit les peuples. Selon vous, comment l'art pourrait battre en brèche la violence et les discours extrémistes ? La musique est partout dans le mal comme dans le bien. Je ne pense pas qu'à travers la musique on peut battre la guerre, mais on pourrait faire un genre musical pour combattre la violence et l'extrémisme. Un dernier mot peut-être ? La procédure pour faire le film était très difficile, mais ce qui m'a choqué, c'est la distribution qui est monde complexe, pourri et superficiel où le cinéma amazigh n'a pas sa place. J'ai galéré pour diffuser mon film. Il faut défendre le produit national et le festival de Tanger pourrait jouer ce rôle important.