Les Etats-Unis et leurs alliés européens se sont montrés prudents samedi face à la crise en Russie, qui pourrait par ailleurs profiter à l'Ukraine en pleine offensive contre les forces russes, selon des experts. Lors de consultations lancées à la hâte, le président américain Joe Biden s'est entretenu par téléphone de la situation en Russie avec ses homologues français Emmanuel Macron, allemand Olaf Scholz et britannique Rishi Sunak, selon la Maison Blanche. Les quatre dirigeants ont « affirmé leur soutien inébranlable à l'Ukraine », mais se sont gardés de commenter directement la rébellion armée du chef du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, qui a ensuite fait une spectaculaire volte-face en disant à ses troupes d'arrêter leur marche sur Moscou. Au-delà de l'impact éventuel de la mutinerie sur la guerre en Ukraine, l'instabilité d'une puissance nucléaire soulève encore d'autres craintes. Un porte-parole de la Maison Blanche a précisé que le président Biden avait été tenu informé des « derniers développements » en Russie lors d'une réunion samedi matin avec sa hiérarchie politique et militaire. Des réunions similaires au plus haut niveau se sont déroulées également dans les capitales européennes. Auparavant, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a eu un premier échange de vues avec ses homologues des pays du G7 qui entendent rester « en étroite coordination », selon le département d'Etat. Et le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a fait de même avec ses homologues canadien, français, allemand, britannique et polonais, selon son porte-parole. Signe que les Etats-Unis prennent cette crise très au sérieux, le chef d'état-major interarmes, le général Mark Milley, a annulé un déplacement prévu en Israël et en Jordanie. La rébellion du chef du groupe Wagner a semé la confusion à Washington et dans des capitales européennes visiblement interloquées. Elle représente le défi le plus sérieux à ce jour porté au long règne du président russe Vladimir Poutine et ouvre la crise sécuritaire la plus grave de la Russie depuis son arrivée au pouvoir fin 1999. Une source militaire américaine a confié que les Etats-Unis se voulaient « prudents publiquement », ne souhaitant surtout pas offrir aux Russes l'occasion d'y être mêlé. La Russie avait elle mis en garde samedi les pays occidentaux contre toute tentative de « profiter » de la rébellion armée pour pousser leurs desseins « russophobes », assurant que la mutinerie n'empêcherait pas Moscou d' »atteindre ses objectifs » en Ukraine. La confusion qui règne en Russie pourrait jouer en faveur des Ukrainiens qui ont lancé récemment une offensive pour déloger les troupes russes qui occupent des parties de territoire dans le sud et l'est du pays. Le commandant en chef de l'armée ukrainienne Valery Zaloujny a assuré samedi au chef d'état-major américain que la contre-offensive ukrainienne « se déroule conformément aux plans », selon un communiqué. Le ministère ukrainien de la Défense a fait part de plusieurs offensives sur le front Est et revendiqué de nouvelles avancées. L'allié bélarusse de Moscou, qui a servi de médiateur entre Moscou et M. Prigojine, a qualifié samedi de « cadeau » fait à l'Occident la rébellion armée du groupe paramilitaire. Kiev a aussitôt emboîté le pas, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar, parlant d' »une fenêtre d'opportunité », tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky soulignait que cela démontrait « la faiblesse de la Russie ». Il en a aussi profité pour réclamer plus d'armes, dont les chasseurs F-16 et des missiles tactiques ATACMS d'une portée de plus de 300 km. Pour James Nixey, directeur du programme russe à Chatham House, « l'Ukraine tentera à juste titre de capitaliser ». « Cela va motiver les troupes sur le front, qui cherchent à percer les lignes » russes, ajoute-t-il en soulignant que l'Ukraine sera « reconnaissante » à Prigojine mais « pas pour très longtemps. Il peut être utile temporairement mais ce n'est pas un chevalier blanc ». « Le timing d'une guerre entre Poutine et Prigojine est parfait pour l'Ukraine », renchérit Orysia Lutsevych, également de Chatham House, selon qui cela pourrait « semer la confusion et de potentielles divisions au sein des forces russes en Ukraine ».