Vladimir Poutine a promis mardi la « victoire » dans la « guerre » en Ukraine qu'il estime orchestrée par l'Occident pour détruire la Russie, traçant un parallèle avec la Deuxième Guerre mondiale en célébrant les 78 ans de la défaite nazie. Mais le puissant chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, engagé depuis des mois dans la bataille de Bakhmout, a lancé à l'inverse sur Telegram une longue diatribe pour dénoncer l'incapacité des autorités russes à défaire l'Ukraine, accusant même la hiérarchie militaire de vouloir « tromper » le président russe. Plus d'un an après avoir lancé son armée à l'assaut de son voisin qu'il accuse de nazisme et après une série de cuisants échecs, M. Poutine s'efforce de présenter ce conflit comme voulu par les Occidentaux. « La civilisation est de nouveau à un tournant. Une guerre a été lancée contre notre patrie », a lancé le président russe depuis l'emblématique place Rouge à Moscou, devant des milliers de soldats, l'élite politique et une poignée de dirigeants de pays d'ex-URSS. Il a salué les forces russes, notamment les centaines de milliers de réservistes qu'il a mobilisés: « l'avenir de notre Etat, de notre peuple dépend de vous », a martelé le maître du Kremlin, accusant encore Américains et Européens d'utiliser l'Ukraine pour aboutir à la » chute et la destruction de notre pays ». « Pour la Russie, pour nos vaillantes forces armées, pour la victoire, hourra! », a-t-il lancé, avant que ne commence un défilé de milliers d'hommes et de blindés sous le soleil printanier. Cette cérémonie annuelle est censée exalter la puissance russe, alors que la victoire de 1945 occupe une place centrale dans l'identité et le nationalisme portés par M. Poutine. Mais, cette année, les commémorations interviennent alors que l'armée est plus que jamais enlisée dans sa campagne militaire, après avoir enregistré de lourdes pertes, tandis que se prépare une contre-offensive ukrainienne. Lundi, date à laquelle le monde occidental marque la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait promis à la Russie la défaite, « la même » que pour les Nazis. Rompant pour de bon avec la tradition soviétique du 9 mai, Kiev accueillait mardi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour la Journée de l'Europe. Sur le terrain, après 15 mois d'offensive, l'armée russe apparaît affaiblie par les pertes et les tensions entre l'état-major et les paramilitaires de Wagner. Elle reste empêtrée dans son combat pour la ville de Bakhmout, épicentre des combats dans l'Est depuis des mois. Le chef de Wagner a choisi la date hautement symbolique du 9 mai pour accuser la hiérarchie militaire d' »intrigue » et de ne pas avoir tenu sa promesse de livrer des munitions, ainsi que des unités de l'armée régulière de fuir le champ de bataille à Bakhmout. « Pourquoi l'Etat n'arrive-t-il pas à défendre le pays ? », a-t-il lancé, affirmant que ce qui est montré à la télévision russe ne reflète pas la réalité. « Si tout est fait pour tromper le commandant en chef (Vladimir Poutine), alors soit le commandant en chef vous déchirera le c.., soit ce sera le peuple russe qui sera furieux si la guerre est perdue », a-t-il insisté dans son habituel langage fleuri. Les commémorations du 9 mai se déroulent aussi sous protection renforcée du fait de la multiplication des attaques en territoire russe attribuées à Kiev par Moscou. Elles se produisent alors qu'une vaste contre-offensive ukrainienne semble imminente voire est peut-être déjà en cours. L'attaque la plus spectaculaire, même si elle a soulevé beaucoup de questions, a été une frappe présumée de deux drones contre le Kremlin la semaine dernière, que Moscou affirme avoir déjouée tout en la qualifiant de tentative d'assassinat de M. Poutine. L'Ukraine a démenti tout rôle dans cette opération, laissant entendre qu'il pouvait s'agir de l'initiative d'un mouvement rebelle russe ou d'une mise en scène du pouvoir. Il y a eu également des frappes contre des installations énergétiques russes, des sabotages de voies ferrées et de multiples tentatives ou assassinats de personnalités, comme celle qui a blessé samedi l'écrivain nationaliste Zakhar Prilépine. Résultat, des défilés et manifestations prévus dans plusieurs villes et régions russes ont été supprimés, notamment dans les régions frontalières de l'Ukraine et en Crimée annexée, les autorités avançant un risque « terroriste ». A Moscou, la traditionnelle marche du « Régiment des Immortels » qui rassemble des dizaines de milliers de Russes célébrant les vétérans de 1945 dans les rues de la capitale a été annulée. Le maître du Kremlin a peu de bonnes nouvelles du front. Ses troupes, qui combattent depuis l'été pour Bakhmout, à l'importance stratégique contestée et en grande partie détruite, ne l'ont toujours pas conquise face à une résistance ukrainienne acharnée. Les forces russes en contrôlent aujourd'hui la majeure partie, mais cette avancée s'est faite lentement et au prix de lourdes pertes. Parallèlement, Moscou poursuit ses bombardements sur l'Ukraine. Mardi, l'armée de l'air ukrainienne a affirmé avoir abattu 23 missiles de croisière russes sur les 25 missiles lancés pendant la nuit sur le pays. L'administration militaire de Kiev a dit avoir abattu une quinzaine de « cibles aériennes ennemies » autour de la capitale, sans signaler de victimes ni de dégâts importants. Des sirènes d'alerte ont également été déclenchées dans plusieurs régions ukrainiennes.