En initiative de la Ligue des Ecrivaines du Maroc, La Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc abrite actuellement l'exposition de l'artiste peintre et écrivaine marocaine Loubaba Laalej. Placée sous signe « De l'ombre à la lumière», cette exposition s'inscrit dans le cadre du Congrès constitutif de la Ligue des Ecrivaines d'Afrique présidée par Badia Radi. Le vernissage de cette a été rehaussé par la présence du ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la communication Mohamed Mehdi Bensaid, la ministre de la Solidarité, de l'Insertion sociale et de la Famille Aawatif Hayar ainsi que plusieurs personnalités du monde de la culture, la littérature et des médias. « Cette exposition intervient afin de contribuer à la promotion des revendications des femmes et à la mise en lumière de leur participation dans le processus de développement civilisationnel, angle souvent négligé en faveur des hommes», indique à cette occasion Loubaba Laalej. Nousexplorons dans le premier volet consacré aux «icônes de la plasticité au féminin» des immortelles qui ont marqué la mémoire collectives . Il s'agit de l'artiste Farida Kahlo, Camille Claudel, Niki de Saint Phalle, Sonia Delauney, Elisabeth Vigée Le Brun, Artemesia Gentileschi . On y découvre aussi les chefs-d'œuvre d'artistes arabes et marocaines à l'instar de la célèbre artiste irakienne Zaha Hadid, de l'algérienne Baya et des Marocaines Meriem Meziane, Chaïbia et Zahra Ziraoui. Loubaba a célébré également le parcours singulier des artistes contemporaines comme Cindy Sherman, Yayoi Kusama, Wanguechi Mutu, Shurentsetseg Sukhbat , Yahne Le Toumelin et Misa. Quant au second volet, Loubaba Laalej a célébré une anthologie des Dames du monde notamment «Balkis, message d'ascension», « La Vierge Marie », « Néfertiti, ma pharaonne », « Isis et Osiris et leur face caché », « Himiko, reine du Yamatal », «Zénobie, la fière», «Sapho, amoureuse des étoiles», «Sayyida al-Hurra, la brillante reine de Tétouan», « Zainab Nefzaouia », «Zarqa'al-Yamama ou le regard ressuscité», « Fatima al-Fihriya, la mystique au cœur de l'abondance », « Fatima Mernissi, devoir et compassion », ainsi que « Kimpa Vita , l'unificatrice » , « Maya Angelou, la femme phénoménale », « Anne Zingha, la protectrice ». Dans son livre « Les Dames du monde entre l'ombre et la lumière », Driss Kattir, l'écrivain et spécialiste en Esthétique, souligne : «L'artiste Loubaba Laalej a choisi de soulever la problématique de la situation de la femme dans le monde entre l'ombre et la lumière avec toutes ses références artistiques, politiques et historiques. Elle a travaillé sur son œuvre, avec la minutie et la rigueur d'un arsenal épistémologique profond et nous a offert une œuvre artistique qu'on peut lire d'une manière similaire à la manière taoïste, à savoir apprendre à trouver la voie qui mène à l'union et à l'harmonie parfaites entre l'homme et la nature». De son côté, la romancière, critique et spécialiste en analyse du discours Dr. Zhour Gourram a écrit au nom de la Ligue des Ecrivaines du Maroc : « Résider dans le tableau est un secret artistique que ne peuvent atteindre toutes les toiles, mais seules celles qui créent la délectation par une jouissance captivante. Lorsqu'on accède à une exposition de l'art plastique,l'on s'arrête longuement devant un tableau, oubliant le temps et le lieu, et l'on se laisse attirer sans rayer le temps par le questionnement, comme on en délaisserait un autre quand il ne nous emporte pas dans son temps et ainsi se perd la résidence en lui. Résider dans le tableau est un voyage dans le soi, avec comme gage l'intentionnalité de la création. Par la création, nous résidons en nous-même. La résidence en soi est le plus haut degré de la fusion avec soi, non par égoïsme ou par orgueil mais plutôt par une découverte qui renouvelle le sens en soi. Nous avons besoin de création, puisque la résidence en celle-ci est l'un des secrets de l'imagination. Cette dernière est la force de l'Homme pour faire face aux défis des contrats sociaux, ceux-là mêmes qui imposent leurs diktats à la femme et en font un simple objet qu'on se contente de regarder. Ou encore les défis de l'évolution technique et intellectuelle qui peuvent limiter l'étendue du rêve. Avec l'imagination, nous jouissons d'une grande capacité à supporter et à élargir ainsi l'horizon de l'espoir même si la réalité raye la sureté de l'Homme. Est-ce qu'on peut imaginer notre vie sans imagination ? On ne pose pas cette question parce que nous nous protégeons justement par l'imagination même dans la narration. Et que l'on demeure épris de narration n'a d'autre sens que d'être sous la protection de l'imagination. Chaque histoire que nous enfantons est un ensemble d'histoires inachevées, alors que le temps nous appelle à clôturer l'histoire et en jeter les clés. L'imagination est impressionnante et c'est pour cela qu'elle est terrifiante. Parce qu'en bref, elle est hypothétique. Et y résider n'est autre que s'écarter des diktats. Que signifie qu'une femme réside dans l'imaginaire ? Cette question perturbe les conventions car elle les met face à l'hypothétique. Que la femme réside dans l'imaginaire veut surtout dire qu'elle se transforme en langage, en symbole et en icône. Et c'est alors au monde d'attendre une possibilité ouverte sur l'émerveillement et la différence. Lorsqu'on réside dans les tableaux de la plasticienne et écrivaine Loubaba Laalej, nous voyageons en effet dans l'hypothétique créé par des femmes transformées grâce à la maîtrise artistique de Loubaba en icônes qui ont brisé les conventions et créé l'être en vision. Quand tu t'approches des tableaux de Loubaba, tu es sur le point d'y rester et de résider dans leur imagination. Et ce qui dompte l'imagination c'est que la femme, dans ces tableaux, prend la dimension du rêve ouvert sur l'envie du résident dans le tableau qui se transforme, lui aussi en symbole. L'imagination est l'envie du symbole et donc de l'hypothétique. Les tableaux de Loubaba gagnent la cause de la femme trahie par l'historicité et non par l'histoire quand on n'a pas archivé son acte ou quand on minimise ou dévalorise son œuvre ou encore quand la lecture s'approche de sa production avec des diktats de la mémoire culturelle et des conventions sociales, ce qui dénonce la monotonie de la mémoire et les restrictions des conventions. Que la lecture mémorise la femme comme simple sujet que l'on regarde, signifie ainsi que cette lecture a besoin de revoir la gestion de sa conscience. La femme semble être une icône dans les tableaux de Loubaba. Et c'est l'art qui fait son triomphe en la présentant comme un être actant plutôt[21] et non comme simple objet. Par son art plastique, Loubaba fait triompher les femmes créatrices. Elle recrée la création féminine non dans le sens de la limitation mais plutôt dans l'étendue de la conscience humaine. Ainsi, dans les tableaux de Loubaba, la femme est actant dans la captation de l'imagination, actant à fonder le symbole et actant à dompter le lecteur ou le spectateur pour le libérer des conséquences des diktats de la mémoire qui font que la regarder s'arrête au simple sens de « la femme/ l'objet », pour qu'elle demeure un jeu gagnant, une marchandise consommée et une conscience absentée au nom de la sacralité de la mémoire collective ». Et d'ajouter : « Les tableaux de Loubaba ne libèrent pas seulement la femme du silence de l'Histoire sur son acte symbolique, mais ils libèrent même celui ou celle qui y réside quand il est emporté par l'attirance de son art vers la catharsis qui le libère des conventions et des diktats et d'entrer dans l'expérience de l'écoute de l'émerveillement de la femme quand elle crée un hypothétique différent. Alors que je résidais dans les tableaux de Loubaba Laalej, il m'est venu à l'esprit l'ouvrage « Addour Al Manthour fi tabaqat Rabbat AlKhoudour » (Les perles éparpillées dans les degrés des maîtresses de l'engourdissement), écrit en 1891 par la pionnière de la pensée féminine Zaynab Faouaz , dans le but d'écrire l'histoire de l'œuvre féminine de toutes les civilisations et les ères et en matières de pensée et de philosophie, de création et de sagesse. Mais avant d'archiver l'œuvre de la femme, Zaynab a bien voulu archiver les articles et les études d'écrivaines arabes dont les idées ont constitué une force suggestive à l'ère de la renaissance arabe au XIXème siècle pour que l'historicité n'exclue pas leur œuvre.Entre Zaynab Faouaz et Loubaba Laalej, il y a un espace temporel, durant lequel la femme écrivaine et créatrice s'est toujours exprimée sur son projet historique de réécrire l'Histoire des femmes dans toutes les civilisations et les cultures par le langage de la création et de l'art, loin de tout régionalisme extrémiste et proche de tout ce qui est commun entre toutes les femmes du monde ». Native de Fès, Loubaba Laalej est une artiste peintre et écrivaine prolifique, membre de la Ligue des écrivaines du Maroc. En 2019, elle a obtenu un doctorat honorifique délivré par le Forum International des Beaux-arts (Fine Arts Forum International) à titre de reconnaissance. Elle a, à son actif, plusieurs publications sur son expérience créative : « Emergence fantastique », « Mes univers », « Matière aux sons multiples », « Abstraction et suggestion », « Femmes du monde : entre l'ombre et la lumière ». Parmi ses recueils de poésies (écrits et œuvres) : « Fragments », « Pensées vagabondes », « Icônes de la plasticité au féminin », « Mysticité et plasticité », « Melhoun et peinture », « Poésie et peinture », « Chuchotement du silence », « Musique et plasticité » (Tome I et Tome II), « Vivre avec soi », « Vivre ensemble », « Danse et plasticité » (Tome I et Tome II), « L'Amour et l'Art », « La Mort et l'Art », »Le Temps et l'Art », »La Route de lumière », « La Beauté et l'Art », « Voix intérieure », « La Vérité et l'Art »....Parmi ses livres en cours de publication (écrits et œuvres) figurent: « La Liberté et l'Art », « L'Imagination et l'Art », « La Mémoire et l'Art », « Le Bonheur et l'Art », « Le Rêve et l'Art », « Le Désert et l'Art », « Manifeste lyrique »…