Fairouz El Mouden C'est confirmé. 2022 est l'année de toutes les hausses. Le processus inflationniste prend des ampleurs démesurées et n'est pas prêt de s'estomper de sitôt. Le dernier Conseil de Bank AL Maghrib (BAM) s'est longuement arrêté sur les répercussions de la conjoncture internationales marquée par la persistance du renchérissement des produits énergétiques et alimentaires et les perturbations des chaînes d'approvisionnement. Les perspectives s'annoncent contraignantes notamment avec les effets néfastes de la sécheresse et laisses présager une nette décélération de la croissance combinée à une forte accélération de l'inflation de 6,3% portée essentiellement par la hausse des prix des produits alimentaires. Ainsi et à titre de prévention BAM a décidé de relever le taux directeur de 50 points de base pour passer de 1,5% à 2%. Une mesure qui suppose un retour rapide à des niveaux en ligne avec les objectifs de stabilité des prix. Les développements de la conjoncture économique mondiale marquée profondément par les effets de la pandémie et les implications de la guerre en Ukraine sur la hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques ont poussé l'inflation à des niveaux record perturbant les politiques monétaires des banques centrales et anticipant un sérieux ralentissement de l'économie mondiale. A l'échelle nationale, le Conseil de la Banque Centrale a observé une nette détérioration de l'environnement externe aggravé par nette décélération de la croissance et une forte accélération de l'inflation qui le pousse à réviser ses prévisions de fin du second trimestre et table désormais sur un niveau d'inflation nettement plus élevé en 2022, suivi d'un ralentissement moins marqué en 2023. Dans un communiqué, BAM annonce que pour prévenir tout « désancrage des anticipations d'inflation et assurer les conditions d'un retour rapide à des niveaux en ligne avec l'objectif de stabilité des prix, le Conseil a décidé de relever le taux directeur de 50 points de base à 2% tout en continuant à suivre de près la conjoncture économique, aux niveaux national et international, et en particulier l'évolution des pressions inflationnistes ». Les données statistiques précisent que l'inflation a poursuivi son accélération pour atteindre 8% en août après 7,7% en juillet, 6,3% en moyenne au deuxième trimestre et 4% au premier, tirée principalement par la hausse des prix des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants. En effet, le panier de référence de l'indice des prix à la consommation composé de 116 sections de biens et services a vu plus de 60,3% subir une augmentation de plus de 2% en août contre 42,2% en janvier. Cette tendance devrait s'accélérer à 6,3% sur l'ensemble de l'année, contre 1,4% en 2021, avant de revenir à 2,4% en 2023. Ainsi, le maintien des niveaux élevés de l'inflation a poussé les banques centrales à resserrer leurs politiques monétaires pour juguler les pressions inflationnistes et ce malgré les risques de récession dans plusieurs économies notamment avancées. Aussi, les gouvernements de nombreux pays ont mis en place des mesures diverses pour atténuer l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages et sur le coût de production des entreprises. Cela étant, un ralentissement de l'économie mondiale est prévu aussi bien en Europe qu'aux USA Croissance économique en net ralentissement A l'échelle nationale, la croissance économique devrait marquée, selon les projections de Bank Al-Maghrib, un net ralentissement en 2022 à 0,8%, attribuée à la baisse de 14,7% de la valeur ajoutée agricole et d'une décélération à 3,4% du rythme des activités non agricoles. En 2023, le taux de croissance se situerait à 3,6% en lien avec la hausse prévue de 11,9% de la valeur ajoutée agricole, sous l'hypothèse d'un retour à une production céréalière moyenne de 75 millions de quintaux. Les activités non agricoles continueraient en revanche de ralentir, leur rythme devant revenir à 2,5%. Il est aussi prévu une hausse des exportations de 34% en 2022, tirée essentiellement par les ventes du phosphate et dérivés qui atteindraient 144,5 milliards de dirhams et celles du secteur automobile qui se situeraient à près de 100 milliards. Au niveau des importations, BAM anticipe une progression de 34,5% en 2022, sous l'effet de l'alourdissement de la facture énergétique à 135,1 milliards de dirhams et de l'accroissement des achats des demi-produits à 167 milliards. De leurs côté, les recettes voyages connaitraient une nette amélioration à 79,8 milliards de dirhams cette année et se stabiliseraient à ce niveau en 2023 et les transferts des MRE devraient continuer de progresser pour totaliser près de 100 milliards de dirhams sur l'ensemble de l'année. Dans ces conditions, le déficit du compte courant se situerait à l'équivalent de 3,2% du PIB en 2022 avant de s'alléger à 1,9% en 2023. Le taux de couverture se situerai autour de 6 mois d'importations de biens et services et le déficit budgétaire devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, passer de 5,9% du PIB en 2021 à 5,5% en 2022 avant de s'atténuer à 5,0% en 2023. Inflation : des niveaux jamais enregistrés « L'inflation au niveau mondial continue d'évoluer à des niveaux très élevés jamais enregistrés depuis des décennies dans plusieurs pays. Aux Etats-Unis, après un pic à 9,1% au cours du mois de juin, elle ressortirait à 8,2% sur l'ensemble de cette année avant de revenir à 4% en 2023. Dans la zone euro, elle s'est située à 9,1% en août et devrait ressortir à 7,7% en moyenne en 2022 puis décélérerait tout au long de 2023 pour avoisiner 3,7% en moyenne. Dans les pays émergents, elle s'établirait en particulier à 7,3% en 2022 et à 6,0% en 2023 en Inde, alors qu'en Chine, elle resterait contenue à 2,5% et 2,7% respectivement ». Baisse de la croissance Ainsi, la croissance devrait décélérer à 1,6% en 2022 puis à 1,1% en 2023 aux Etats-Unis et à 3% puis à 0,7% dans la zone euro. Sur les marchés du travail, les taux de chômage resteraient bas cette année, avant de s'inscrire en hausse à partir de 2023, en particulier au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Dans les principaux pays émergents, la croissance devrait revenir à 3,4% en Chine en 2022 avant d'augmenter à 6,1% en 2023. En Inde, elle diminuerait à 6,6% puis à 6,5%, alors qu'en Russie, le PIB devrait connaître des contractions de 5,4% en 2022 et de 3,6% en 2023. Taux débiteurs, vers une stabilité Quant aux taux débiteurs, ils ont connu une quasi-stabilité au deuxième trimestre de 2022 recouvrant notamment un recul de 18 points de base pour les crédits à la consommation ainsi que des hausses de 29 pb pour ceux à l'équipement et de 30 pb pour les prêts immobiliers destinés aux entreprises. S'agissant du besoin de liquidité des banques, il se creuserait à 85,1 milliards de dirhams à fin 2022 et à 89,6 milliards à fin 2023. Concernant le crédit bancaire au secteur non financier, il devrait augmenter de 4% en 2022 et de 3,6% en 2023.