Le président russe maintient ses exigences Un sommet qui acte les tensions sans vraiment les dégoupiller: Joe Biden a menacé Vladimir Poutine de « fortes sanctions » économiques s'il envahissait l'Ukraine, tandis que le président russe a exigé en vain des garanties sur un gel de l'expansion de l'Otan. L'entretien de deux heures a été « utile », à en croire le conseiller à la sécurité nationale américain Jake Sullivan, et « franc et professionnel », selon le Kremlin, un vocabulaire qui ne dégage pas une chaleur excessive. Joe Biden n'a pas fait de « promesses ni de concessions » face aux demandes de Vladimir Poutine, qui voudrait en particulier que l'Otan ferme sa porte à l'Ukraine, a assuré mardi M. Sullivan. Comme pour mieux illustrer la gravité des enjeux, le président américain a mené la réunion depuis la « Situation Room », cette salle de crise ultra-sécurisée de la Maison Blanche, d'où les Etats-Unis lancent leurs actions les plus sensibles. Le président russe, qui lui répondait depuis sa résidence de Sotchi, station balnéaire au bord de la mer Noire, a réclamé « des garanties juridiques sûres excluant un élargissement de l'Otan à l'Est », selon un communiqué du Kremlin. Voilà qui ressemble à un dialogue de sourd, alors que les Etats-Unis, l'Otan et Kiev accusent Moscou de masser des troupes à la frontière avec l'Ukraine en vue d'attaquer le pays. « Les soldats russes sont sur leur territoire, ils ne menacent personne, le président (Poutine) l'a dit », a toutefois assuré le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov. Pour Washington, le scénario rappelle pourtant furieusement 2014 et l'annexion russe de la péninsule de Crimée, puis le déclenchement dans l'Est ukrainien d'un conflit armé qui a fait plus de 13.000 morts. Mais « les choses que nous n'avons pas faites en 2014, nous sommes prêtes à les faire aujourd'hui », a dit Jake Sullivan. Washington promet, en cas d'attaque, d'augmenter son soutien militaire à l'Ukraine, de renforcer ses « capacités » auprès de ses alliés de l'Otan en Europe de l'Est, et, surtout, d'imposer des sanctions économiques bien plus dures que celles qui ont été empilées sur la Russie, sans grand effet, après 2014. Avares en détails, les Etats-Unis ont toutefois agité un chiffon rouge: celui du gazoduc « Nord Stream 2 », par lequel la Russie, très dépendante de ses exportations d'hydrocarbures, veut doubler ses livraisons de gaz naturel vers l'Allemagne. Notant que ce gazoduc n'est pas encore en fonctionnement, Jake Sullivan a asséné: « Si Vladimir Poutine veut que le futur Nord Stream 2 transporte du gaz, il ne prendra peut-être pas le risque d'envahir l'Ukraine ». Voilà donc un « levier » à la disposition des Occidentaux, a-t-il ajouté. A condition de coordonner méticuleusement toute sanction avec les Européens, et en particulier avec l'Allemagne, où débouche le fameux pipeline sous-marin. Joe Biden avait renoncé au printemps à bloquer le projet, justement pour préserver sa relation avec Berlin. Le président américain a d'ailleurs téléphoné, une fois son sommet virtuel fini, avec le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel, et les Premiers ministres italien Mario Draghi et britannique Boris Johnson. Tous ont répété leur attachement à « l'intégrité territoriale » de l'Ukraine et promis de rester « étroitement en contact », selon la Maison Blanche. Joe Biden appellera jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le président américain prend un luxe de précautions, face à des alliés échaudés entre autres par un retrait d'Afghanistan mené, selon eux, de manière trop unilatérale. Si l'on est loin de la relation « stable » et « prévisible » que Joe Biden disait jusqu'ici rechercher avec la Russie, Vladimir Poutine a toutefois proposé à son homologue américain de mettre fin à un contentieux annexe: celui des mesures de rétorsion visant les missions diplomatiques de leurs deux pays prises ces derniers mois. « La partie russe a proposé de faire table rase de toutes les restrictions accumulées concernant le fonctionnement des missions diplomatiques, ce qui pourrait permettre de normaliser d'autres aspects des relations bilatérales », a déclaré le Kremlin dans un communiqué. Vladimir Poutine et Joe Biden ont aussi évoqué mardi la cybersécurité et leur « travail commun sur des sujets régionaux tels que l'Iran », selon les Etats-Unis. Washington accuse Moscou de fermer les yeux sur des attaques majeures au « rançongiciel » (ransomware) contre des entreprises américaines cet été, opérées depuis son territoire.