Mustapha El Alaoui Faris Professeur de neurologie Propos recueillis par Ghita AZZOUZI – MAP M. Mustapha El Alaoui Faris, professeur de neurologie et de neuropsychologie, président de l'Association Maroc Alzheimer et directeur du Centre Alzheimer de Rabat, a accordé un entretien à la MAP à l'occasion de la journée mondiale de la maladie d'Alzheimer. En voici la teneur : 1- Quelle est la prévalence des démences au Maroc et dans le monde ? Les démences sont la septième cause de décès parmi toutes les maladies et l'une des principales causes d'invalidité et de dépendance chez les personnes âgées dans le monde. Dans le monde, environ 55 millions de personnes sont atteintes de maladie d'Alzheimer et de démence, dont plus de 60% vivent dans des pays en développement. Comme la proportion de personnes âgées dans la population augmente dans presque tous les pays, ce nombre devrait atteindre 78 millions en 2030 et 139 millions en 2050, selon les calculs des chercheurs du Global Burden of Diseases établis en 2019. Au Maroc, le nombre des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de démence est estimé à 200.000 cas et les projections épidémiologiques donnent 280.000 cas en 2030 et 400.000 cas en 2050. 2- Quels sont les premiers signes de la maladie d'Alzheimer ? Faut-il s'inquiéter des trous de mémoire comme premiers signes de la maladie ? La maladie d'Alzheimer évolue en plusieurs stades qui peuvent s'étaler sur 10 ou 15 ans, à savoir: le stade prédémentiel ou prodromal, le stade 1: démence légère, le stade 2: démence modérée et le stade 3: démence sévère. Lors du stade prodromal, le malade ne présente que des troubles de mémoire avec des oublis des faits récents, mais il reste autonome pour les activités de la vie quotidienne. C'est à ce stade que le diagnostic doit être fait pour pouvoir ralentir l'évolution de la maladie. Au stade 1: démence légère, nous sommes face à des troubles cognitifs constitués de troubles de la mémoire mais aussi de troubles du langage, des difficultés à trouver les mots, ainsi que des troubles de raisonnement, de jugement et de l'orientation temporelle. On trouve aussi de l'indifférence, de la dépression et de l'apathie. Au stade 2: les troubles de la mémoire vont intéresser en plus des faits récents la mémoire ancienne et celle des connaissances générales. Le langage devient très réduit et la communication et la compréhension sont altérées. L'autonomie est perdue et le malade a besoin de quelqu'un pour s'habiller ou pour aller aux toilettes. Au stade 3: La détérioration intellectuelle est profonde, la communication avec le malade devient impossible. Il n'arrive plus à marcher et il est grabataire et incontinent. 3- Les jeunes peuvent-ils développer des formes précoces de la maladie ou ne concerne-t-elle que les personnes âgées ? 80% patients sont âgés de plus de 75 ans. La maladie peut atteindre des personnes âgées de moins de 65%, mais seulement avec un faible pourcentage dans 5% des cas. Dans ces cas, des troubles intellectuels peuvent apparaître avant les troubles du langage. Un facteur génétique (héréditaire) joue un rôle important chez ces malades. 4- Pourquoi les femmes sont-elles les plus touchées ? Au niveau mondial, les démences ont un impact disproportionné sur les femmes qui constituent 65% du total des décès dus à la maladie. En outre, les femmes fournissent la majorité des soins informels aux personnes atteintes de démence, représentant 70% des heures de soins. Les femmes sont plus atteintes de la maladie d'Alzheimer pour au moins deux raisons: elles vivent plus longtemps que les hommes et en raison de prédispositions biologiques hormonales. 5- Quels sont les traitements existants et les nouvelles pistes actuellement explorées ? Il y a deux types de médicaments spécifiques à la maladie d'Alzheimer, à savoir les inhibiteurs de la cholinestérase (Donépézil, Rivastigmine, Galantamine) qui sont utilisés dans les stades 1 et 2 de la maladie. Le deuxième médicament est la Mémantine qui est utilisé dans le stade 3. Il est important de signaler que l'effet de ce médicament reste modeste, il faut donc les associer et recourir à la prise en charge globale non-médicamenteuse, notamment la stimulation cognitive, la rééducation de la mémoire, du langage et de l'attention.