Par Sami Zine Les pratiques anticoncurrentielles sont dommageables à l'efficacité à moyen terme de l'économie et aux revenus des consommateurs. Pour ces raisons, les entreprises associées dans une collusion pour fixer les prix devraient subir une sanction proportionnée à la hauteur du préjudice causé à la collectivité, une sanction exemplaire pour favoriser la dissuasion de commettre pareille pratique prohibée à l'avenir, et une sanction de réparation pour restituer les revenus volés aux victimes de l'entente. Or, des trois protagonistes : l'Etat, les entreprises responsables de la collusion et les consommateurs, ce sont ces derniers qui sont les moins bien protégés. Pire, ils se présentent comme les dindons de la farce, puisqu'ils ne retireront de cette saga «ni âne ni 7 francs» comme l'affirme avec humour l'adage populaire. En effet, en la matière et sur le plan strictement financier, le trésor public, telle une scie aiguisée en mouvement, sort toujours gagnant. Lorsque l'entente sur les prix vise leur augmentation, comme c'est le cas, les ressources fiscales de l'Etat gonflent du fait de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés consécutive à l'explosion du chiffre d'affaires. Lorsque l'autorité de la concurrence inflige des amendes pour sanctionner la pratique anticoncurrentielle, ces dernières sont versées dans l'escarcelle de l'Etat. Les sociétés sanctionnées, pour leur part, sont protégées légalement par le plafonnement de l'amende à 10% du chiffre d'affaires. Elles sont également protégées d'une éventuelle action de groupe des consommateurs devant la justice qui ne peuvent actionner ce levier pour réclamer le dédommagement des 8,2 milliards de dhs d'augmentation annuelle indue des prix. Elles disposent enfin de la possibilité d'ester en justice pour contester le taux décidé de l'amende, voire de la réalité même de la pratique collusoire. Les consommateurs qui sont les victimes directes de l'entente sur les prix ne sont pas concernés par l'amende décidée par le conseil de la concurrence qui rétribue les torts causés à la collectivité. Théoriquement, ils disposent de la possibilité du recours au civil pour demander un dédommagement pour le préjudice subi. Or, dans la pratique, cette option est impraticable à cause de la disproportion entre les faibles montants réclamés à titre individuel et les coûts d'accès à la justice et du risque potentiel d'une condamnation aux dépens en cas de perte du procès. L'actuelle saga autour de l'entente sur les prix des hydrocarbures et l'étendue des pertes subies par les consommateurs appellent, désormais, à franchir le Rubicon qui sépare la protection du consommateur du droit de la concurrence. La solution du recours collectif diligenté par une association de protection des consommateurs, à l'image de ce qui existe en Inde et en Thaïlande, permet de régler le problème. Elle présente l'avantage de réduire les coûts de justice, d'améliorer le rapport de force et de faire bénéficier les consommateurs des effets du jugement. C'est là une piste pour assurer la protection des intérêts économiques des consommateurs qui ne sont pas présentement pris en compte sur laquelle il faut travailler sérieusement pour renforcer leur poids, améliorer leur culture de la concurrence, les impliquer dans l'action contre les appétits que suscitent les pratiques anticoncurrentielles et éviter que des mouvements de boycott ne se déchaînent et installent des réponses discriminatoires à l'augmentation indue des prix, politiquement efficaces mais économiquement stupides.