AG de l'INTERPOL à Marrakech, une reconnaissance internationale de la contribution du Maroc à la sécurité mondiale (Président)    Dakhla : Le CIRPES signe quatre MoU avec des institutions africaines pour lutter contre le recrutement d'enfants soldats    Le Réseau des parlementaires africains lance la Déclaration de Laâyoune    Le Ministre de l'Enseignement Supérieur Rencontre l'Ambassadrice Chinoise pour Renforcer la Coopération Académique    Maroc : Le Comité provisoire de gestion de la presse porte plainte contre El Mahdaoui    Inflation : Hausse de l'IPC de 0,1% en octobre (HCP)    Un avion à destination de Marrakech atterrit en urgence à Séville    Maroc - Etats-Unis : Les forces marines concluent un entraînement à Al Hoceïma    Morocco announces final squad for Arab Cup 2025 in Qatar    Mondial féminin de futsal : Le Maroc rate son entrée en lice contre l'Argentine    Mondial U17 : Le Maroc quitte la compétition après sa défaite face au Brésil    Rap and slam contest in Morocco empowers youth to combat digital violence    Un randonneur italien meurt dans une chute en montagne lors d'une randonnée solidaire au Maroc    Art contemporain : À Casablanca, une exposition met en lumière des artistes émergents    L'UE réaffirme sa non-reconnaissance de la pseudo "rasd"    Agadir: Zakia Driouich visite des unités industrielles halieutiques et deux chantiers navals Souss-Massa    CNSS. Un mois pour déposer les certificats de scolarité non vérifiés    Violences au Nigeria : le Kwara ferme ses écoles après une attaque mortelle    Catalogne : entretiens maroco-espagnols pour renforcer la coopération bilatérale    Centres de diagnostic d'Akdital : Un projet mort-né !    Ligue 1: Première apparition de Pogba avec Monaco après 26 mois d'absence    L'architecte Rachid Mihfad actualisera les plans d'aménagement interne de sept ports    Revue de presse de ce vendredi 21 novembre 2025    RDC: 89 civils tués par les rebelles ADF en une semaine dans l'Est    Climat : ces initiatives du Maroc à la COP30    JSI Riyad 25 / Jeudi : trois nouvelles médailles mais une place perdue au tableau du classement    1⁄4 de finale CDM U17 /Jour J pour '' Maroc–Brésil'' : Horaire ? Chaînes ?    Edito. Une sacrée soirée    CAF Awards 2025 : razzia marocaine !    Banques : Le déficit de liquidité se creuse à 137,7 MMDH    France : Un chef du renseignement nie tout lien entre LFI et islamistes mais pointe l'ultradroite    Olive : le Maroc adopte la Déclaration de Cordoue    A Ceuta, Pedro Sánchez appelle à renforcer la coopération avec le Maroc    Marruecos: La SGTM presenta su oferta pública en la bolsa de Casablanca    Grippe aviaire : premier foyer dans un élevage de poulets dans l'Ouest français    Températures prévues pour samedi 22 novembre 2025    Expo : «Les origines de la vie» ou le Big Bang du vivant    Forum Africa Logistics : une nouvelle plateforme pour la connectivité du continent    Mr. ID dévoile ASKI, une immersion artistique au cœur des musiques du Sud marocain    Le Bloc-Notes de Hassan Alaoui    L'armée pakistanaise annonce avoir tué 23 insurgés à la frontière afghane    Près d'une femme sur trois a subi des violences conjugales ou sexuelles dans sa vie, selon l'OMS    Indice mondial du savoir 2025 : le Maroc face au défi du capital intellectuel    Rabat accueille la 12e édition du Festival Visa for Music    « Santa Claus, le lutin et le bonhomme de neige » : un spectacle féerique pour toute la famille au cœur du pôle Nord    Patrimoine : le caftan marocain en route vers l'UNESCO    Attaques jihadistes. Alerte maximale au Nigeria    Be Magazine : Rabat se fait une place méritée dans les grandes tendances du voyage    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Leçons d'Antoine de Saint-Exupéry
Publié dans Albayane le 19 - 04 - 2020

Terre des hommes s'ouvre d'emblée sur cette phrase liminaire : «La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste». Elle résume en substance l'enseignement que Saint-Exupéry veut donner à ses lecteurs. Pour ce pilote-écrivain, les hommes rencontrent leur grandeur, découvrent leur puissance, mesurent leur courage aussi physique que moral à l'aune des écueils que leur oppose sans cesse la nature.
Depuis son appareil, Saint-Exupéry nous livre sa philosophie de la condition humaine. Les dangers que lui-même a encourus dans les cieux et sur les montagnes, l'aventure qu'il a vécue dans le désert – cette «écorce nue de la planète», les orages et les tempêtes qu'il a affrontés, toutes ces épreuves lui ont appris la vérité sur l'homme. Cette créature vulnérable sait, à tout moment, se surpasser, aller au-delà de ses forces-limites, tirer profit de ses capacités exceptionnelles, marquer une victoire sur la nature hostile, se sentir plus solidaire avec les autres, donner l'exemple de camaraderie aux temps d'adversité. En ce sens, le geste dirait-on peut-être mieux la geste du pilote fait écho à ceux/celles de l'agriculteur, du menuisier, de l'instituteur, du poète.
Tous, à quelques exceptions près, veulent arracher à la terre sa vérité universelle, ses secrets enfouis, en recourant, chacun, à son propre outil. C'est l'avion pour l'un ; ce sont la charrue, le rabot, le livre, le mot pour les autres. Chacun d'eux cherche cette vérité dans les éléments naturels ; qui dans le ciel, qui dans la terre, qui dans l'eau, qui dans le feu. Ils ont le même dessein : servir l'homme et non point l'asservir. Gageure non moins difficile en ceci qu'ils doivent ruser chaque jour avec les forces de la nature, s'y opposer constamment. Toujours est-il qu'«au-delà de l'outil, et à travers lui, c'est la vieille nature que nous retrouvons, celle du jardinier, du navigateur ou du poète».
L'homme, comme l'exprime métaphoriquement Saint-Exupéry dans le même livre, «laissait, sous sa rude écorce, percer l'ange qui avait vaincu le dragon». Pour en saisir le sens, il est judicieux d'associer cette conception de l'homme aux conditions pénibles où Saint-Exupéry a commencé sa carrière de pilote de ligne chez Latécoère. C'était en 1926. Dans l'entre-deux-guerres, il faut le rappeler, les vols pouvaient se changer incontinent en voyage ultime.
La mort menaçait les aviateurs, surtout si l'on sait que les avions qu'ils pilotaient à cette époque étaient moins performants qu'aujourd'hui, que leurs moteurs n'offraient aucune sécurité, que les pannes étaient fréquentes. Toute traversée était un saut dans l'inconnaissable, une ligne de partage entre le réel et l'irréel, une frontière entre l'être et le néant. A l'occasion de chaque mission, les aviateurs ont appris à regarder la mort bien en face. De surplus, ils se doivent de la braver et de tenter l'impossible. S'ils réussissent souvent à s'en sortir, il leur arrive parfois d'échouer.
C'est le cas du pilote l'écrivain qui s'est écrasé dans les côtes marocaines dans la nuit du 31 juillet 1929. Toutefois, les périls recommencés n'ont pas empêché Mermoz et Guillaumet – pionniers de l'aviation et camarades de l'auteur – de continuer d'assurer avec courage la liaison entre Toulouse et Dakar, d'acheminer leurs courriers à travers l'Atlantique, de «les porter à travers mille embûches comme un trésor sous le manteau». (Courrier sud)
A son tour, Saint-Exupéry, tout conscient de ces risques, n'affiche aucune hésitation. Seulement, il se laisse envahir d'un mélange de sentiments contradictoires et inextricables: «J'allais être à mon tour, dit-il dans Terre des hommes, dès l'aube, responsable d'une charge de passagers, responsable du courrier d'Afrique.
Mais j'éprouvais aussi une grande humilité. Je me sentais mal préparé. L'Espagne était pauvre en refuges; je craignais, en face de la panne menaçante, de ne pas savoir où chercher l'accueil d'un champ de secours». Responsabilité, modestie, crainte en disent long sur la gravité de la nouvelle mission qu'il compte assumer avec détermination. Plus qu'une mission, c'est du devoir qu'il s'agit ici, du sacrifice qu'il honore avec abnégation. Devoir et sacrifice qui le poussent à être d'abord pilote de ligne, puis ensuite pilote de guerre. De l'aéropostale à l'aviation militaire, des vols postaux aux vols guerriers, du baptême de l'air au baptême du feu, nous assistons, chez Saint-Exupéry, à la même virilité, à la même témérité, à la même assurance, à la même lucidité.
Dans Pilote de guerre, il écrit succinctement que «chacun est responsable de tous». Une noble finalité semble présider à cette responsabilité : être au service des hommes. Cela n'est pas du tout une mince affaire, car, en tant que pilote de ligne, Saint-Exupéry s'offre volontairement de porter à un homme la lettre d'amour qu'une femme lui a écrite du bout du monde ; cela n'est pas non plus une simple tâche, car, en tant que pilote de guerre, il se doit de mourir pour défendre sa patrie. Dans les deux cas, sur ses vols repose le salut de l'homme et de la patrie, et sa vie, subséquemment, y est tout le temps mise en équation, en jeu, en danger. Sa fin tragique en fait écho. Saint-Exupéry s'abîme dans la Méditerranée, après que son avion de reconnaissance a été criblé au feu par un chasseur allemand.
Depuis le 31 juillet 1944, date de sa disparition, son corps, ou à tout le moins ses restes, n'a pas été retrouvé. Saint-Exupéry est l'écrivain sans sépulture, le pilote sans dépouille.
Les risques liés à sa carrière de pilote lui ont appris, sans doute, beaucoup de choses sur la vie et la mort, sur lui-même et les hommes, au lieu des livres «qui ne lui ont offert qu'une préparation théorique à l'existence». (Paul Webster, Saint-Exupéry. Vie et mort du petit prince) Sans nier ce que les livres ont réellement apporté à sa vie d'homme, Saint-Exupéry cherche plutôt la vérité du côté de l'action, du vol et de l'aventure. «J'étais, dit-il, un guerrier menacé : que m'importaient ces cristaux miroitants destinés aux fêtes du soir, ces abat-jour de lampes, ces livres. Déjà je baignais dans l'embrun, je mordais déjà, pilote de ligne, à la pulpe amère des nuits de vol». (Terre des hommes) Celles-ci lui ont enseigné ainsi la façon dont il peut vaincre l'épouvante, surmonter le sentiment de perte au cœur des ténèbres dangereuses, aimer davantage la vie et ses secrets au contact du néant.
Chaque fois qu'il prend les commandes de son avion, le pilote se heurte aux éléments de la nature, leur livre un combat héroïque, en découvre des significations inédites. Il «dispute son courrier à trois divinités élémentaires, la montagne, la mer et l'orage». Victorieux ou vaincu, il s'érige en héros ou en martyr, retourne à la vie ou rencontre la mort, rejoint ses camarades ou les quitte définitivement.
Du reste, dans ce métier à risques, la plus grande leçon que Saint-Exupéry apprise concerne cette fois l'amitié. «Telle est, écrit-il, la morale que Mermoz et d'autres nous ont enseignée. La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir les hommes : il n'est qu'un luxe véritable, et c'est celui des relations humaines». Il s'agit de l'amitié qui cimente les liens par-delà l'intérêt, qui ne s'achète guère par l'argent, qui est difficile à reconstruire après la perte d'un camarade. Elle se renoue davantage au gré des rencontres intermittentes ici et là, des dangers fréquentés, des joies et des épreuves vécues en communauté, des paroles et des récits échangés, des rires et des pleurs partagés. Don de soi et don réciproque, l'amitié se situe aux antipodes de l'égoïsme et de l'incurie, du fatalisme et de la lâcheté.
Elle enseigne à chaque pilote que «l'on appartient à la même communauté» sans distinction de sang ni de classe, que l'on est une conscience qui s'enrichit par la découverte d'autres consciences, que l'on est des hommes qui se partagent la même terre, que l'on est lié d'amour l'un à l'autre. Aussi, édifie-t-elle le village universel où chaque être humain s'accomplit en travaillant, aidant les autres, devenant responsable. Car «être homme, c'est précisément être responsable (…), c'est se sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.