Personne n'aurait pu croire qu'à l'heure où l'Italie vit la plus grave crise sanitaire de son histoire et que ses enfants, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, tombent par milliers, la Mafia, réputée pour être une organisation criminelle ayant pour habitude de détrousser les gens, viendrait au secours des plus démunis en leur offrant des produits alimentaires et qu'elle irait même jusqu'à leur octroyer des prêts «gratuits». Mais quelle mouche a donc piqué cette organisation et l'a poussé à agir de la sorte alors que, tout au long de son histoire, elle n'a jamais été reconnue d'utilité publique? Robert Saviano est un journaliste spécialisé dans l'histoire de la mafia, qui après avoir écrit « Gomorra », un ouvrage sur la «Camorra» napolitaine, avait reçu tellement de menaces qu'il vit actuellement à New York sous une protection policière très rapprochée. Ce dernier affirme aujourd'hui que c'est parce qu'elle est convaincue qu'à l'issue de cette pandémie, l'Italie va bénéficier d'un soutien financier de l'Union Européenne que la Mafia est en train de faire main basse sur toutes les entreprises en difficulté. Ainsi, au sortir de la crise du coronavirus, toutes celles-ci se retrouveront avec de nouveaux partenaires ayant des liens très étroits avec des groupes mafieux. Plus besoin donc pour ces derniers d'utiliser des armes à feu pour «vider les coffres» de ces différentes entreprises puisque, désormais, leurs conseillers financiers s'en chargeront de la manière la plus pacifique qui soit et qu'en contrepartie des services rendus à celles-ci, leurs patrons vont lui servir de prête-noms dans des contrats et/ou aider ses «agents» à obtenir des suffrages aux élections. Aussi, c'est pour tirer la sonnette d'alarme que, dans son édition de jeudi, le journal allemand «Die Welt» a mis en garde l'U.E. contre un octroi, à l'Italie, «sans limites (et) sans aucun contrôle» des fonds européens après la pandémie car «la mafia attend(rait) juste une nouvelle pluie d'argent de Bruxelles». Ces propos ont immédiatement soulevé l'ire de Luigi di Maio, le chef de la diplomatie italienne, qui les a jugés «honteux (et) inacceptables» au motif qu'ils appellent l'U.E. à ne point voler au secours de l'Italie en dépit du lourd tribut que la crise sanitaire mondiale du Covid-19 est en train de faire payer à ce pays. Même les journaux italiens dénoncent cette forte intrusion de la Mafia. Ainsi, «la Repubblica» affirme qu'après que la pandémie ait mis les gens dans le besoin, ceux-ci vont incontestablement se plier aux injonctions de la mafia car de même que «quand tu as faim, tu cherches du pain et tu ne regardes pas qui te le donne, quand tu as besoin d'un médicament, tu le paies sans regarder qui te le vend ; tu le veux et point final ». Giuseppe Pignatore, l'ancien procureur général de Rome qui a pris sa retraite en mai dernier a écrit, cette semaine dans les colonnes de «La Stampa», que dans le cadre du nouveau départ post-pandémie, la mafia ira d'abord chercher «l'expansion dans les secteurs où elle est traditionnellement présente» tels le bâtiment ou la gestion des ordures avant de chercher à financer de petits entrepreneurs ayant les «mains liés» puis, par la suite, «à s'infiltrer dans la réalisation des ouvrages et infrastructures nécessaires (…) financés par de très importants investissements publics ». Déjà fortement présente dans bien des sphères de la vie publique italienne, la Mafia serait-elle en train de profiter de cette crise pour s'ériger en interlocuteur incontournable après la pandémie ? Attendons pour voir…