Extraordinaire attente dans laquelle se trouvent les acteurs partisans de la vie politique nationale. Si personne ne veut utiliser le terme de «crise», c'est sûrement faute de pouvoir proposer une solution. Comme le dicton le souligne, «celui qui n'a rien en sa possession, ne peut rien donner». Alors, on fait monter les enchères pour ne rien proposer. Quand certains parlent de souveraineté relative; d'autres, brandissent directement la menace d'un protectorat probable. Ainsi, les premiers préparent les mentalités pour faire encore payer aux pauvres les excès des riches ; et les autres veulent réanimer certaines mentalités pour retrouver une réactivité perdue par l'abus de l'usage et le non-respect de la parole donnée. Les deux approches, dans leur convergence à se servir et à asservir, ne constituent aucunement la solution. Car ils ne répondent pas à la réalité vécue par la très grande majorité de notre peuple, faisant abstraction de ses possibilités et de ses aspirations légitimes. Ici-bas, les pauvres, dont le nombre augmente, continuent à supporter les frais d'une politique économique qui veut s'intégrer dans le libre-échange planétaire sans prendre en considération les défis inhérents à la transformation de la société «moitié-moitié» dans le cadre d'un développement durable et prenant particulièrement en considération l'élimination des inégalités. Toutes les inégalités; celles entre les territoires, entre les individus, entre les genres et entre les classes sociales. L'Etat ne peut démissionner de l'organisation de la société et laisser les tenants du profit gérer l'ordre social par la privatisation, l'externalisation et la gestion déléguée. La marchandisation de ce qui constituait l'objet du «service public» dans le cadre de «l'intérêt général» soulève de nombreux problèmes. On ne veut pas se doubler d'un homme de loi chaque fois qu'un acte de la vie quotidienne est accompli ! Encore que la pénalisation à l'américaine nécessite son système juridique avec ses principes et ses pratiques. L'action de nos gouvernants est comme la marche de l'écrevisse : aller toujours de travers, se détourner à droite ou à gauche à chaque mouvement et s'arrêter en cours du chemin sans crier gare. Cela peut dérouter éventuellement les prédateurs de l'écrevisse, mais ne constitue nullement la bonne gouvernance dans la réalisation des objectifs nécessaires à la consolidation de l'Etat national démocratique et moderne. Car, cette démarche qui ne permet pas à la population dans son ensemble de partager «les fruits de la croissance» induit la non mobilisation et le désengagement au lieu de l'enthousiasme et de la participation. Les forces vives de la Nation doivent prendre en considération cette exigence et ne pas se laisser aller à une redéfinition perpétuelle des préliminaires du processus démocratique. L'examen critique de notre expérience s'impose pour éviter son inversion. C'est aussi à l'aune de la qualité et de la profondeur de cet effort de réflexion que la recomposition du champ politique national pourrait être utile afin de pallier à ses carences et effacer les effets induits par cette pause où tout semble figé. La clairvoyance des objectifs doit être franchement exprimée pour entraîner l'élan patriote apte à contrecarrer «le protectorat probable», quelle que soit sa nature. La préservation de notre intégrité territoriale, la délimitation de notre plateau continental et la reconnaissance de notre zone économique exclusive ne peuvent souffrir d'aucune relativité dans l'exercice de la souveraineté nationale. Un Etat, fort par sa démocratie et par sa position d'arbitre ;régulateur à tous les niveaux et dans tous les domaines : économique, politique, de sécurité, culturel et environnemental, ne peut être que souverain pour conduire son ouverture et réussir sa modernité. De par le fait d'une pratique démocratique saine et exempte de toute dérive, d'une gouvernance idoine permettant de transformer la société par le droit, l'égalité des chances, la répartition équitable des richesses et la justice, le Royaume du Maroc confortera sa position au niveau international pour réaliser son émergence dans le respect de sa souveraineté et de la légitimité de ses institutions. C'est ce choix qui détermine le succès de notre option de développement ; alors que le chant des sirènes des tenants du profit est déterminé par ce dernier sans aucun engagement envers la patrie. Car, entre l'érosion de la souveraineté nationale et le protectorat probable, seule la dénomination change alors qu'aucune ambigüité ne doit freiner la prospérité économique et la stabilité sociale de notre pays.