La digitalisation des services publics accapare entièrement le débat public. Le Conseil économique, social, et environnemental (CESE) a consacré son focus, dans son rapport annuel de 2016, à cette grande question de la transformation digitale et à ses défis pour le Maroc. Le document, qui vient d'être publié, contient une panoplie de recommandations destinées à changer la donne dans la relation de l'Administration avec le citoyen. Ces recommandations pourraient servir de guide au gouvernement, qui vient de donner corps à une première mesure dans le chantier de la réforme de l'Administration en adoptant le décret sur les copies certifiées conformes aux légalisations de signature. Certaines concernent des mesures déjà promises par le chef du gouvernement comme la mise en place d'un référentiel commun, intégrant les principes d'efficience et de transparence. Parmi les propositions du CESE, la mise en place d'une instance de pilotage, placée sous l'autorité du chef du gouvernement. Sa mission sera de déployer la stratégie digitale de l'administration. Ce rôle pourrait être confié à l'agence du développement numérique, dont le projet de création a été adopté en août dernier par la Chambre des représentants. Cependant, l'instance présidée par Nizar Baraka insiste sur le fait que cette agence ne saurait jouer son rôle que si elle est dotée de prérogatives et de moyens nécessaires. Le Conseil veut en faire une superstructure, en lui confiant même le pouvoir de modifications législatives ou réglementaires comme cela est le cas dans d'autres pays. En effet, le CESE estime que les gains dus à la digitalisation justifient cette consécration. «Le numérique est non seulement un accélérateur puissant dans l'amélioration du service au citoyen, mais constitue également un moyen efficace de lutte contre la corruption et dans la réduction du pouvoir exorbitant de l'Administration», lit-on dans le document. Aujourd'hui encore, l'impact de la digitalisation de plusieurs services comme le paiement des impôts via Internet et la mise en place de l'Identifiant Commun de l'Entreprise reste limitée. Ces initiatives restent dispersées, et souvent limitées à des services «mono-administration». C'est le cas de la Carte d'Identité Nationale, pourtant biométrique et sécurisée, mais qui ne profite à aucune Administration autre que les départements de sécurité. A défaut d'utiliser cette carte, il serait nécessaire de développer un autre système d'identification de la population. Il s'agit de mettre de place un identifiant unique biométrique pour chaque citoyen. Ce projet est déjà dans le pipe puisque Saad Eddine El Othmani l'a annoncé en juillet dernier devant les conseillers. Toujours dans une perspective de simplification, le CESE suggère aux pouvoirs publics d'unifier le canal de paiement de tous les actes, à savoir les impôts, les taxes, les droits d'enregistrement et de timbre ou encore les amendes et pénalités. Le Conseil considère que de nombreux services assurés par l'Administration et les collectivités locales, et qui n'entrent pas dans le cœur de leurs missions fondamentales, comme la légalisation de signature, les certificats de vie et la perception des redevances gagneraient en efficacité si leur couverture était élargie à des prestataires de confiance tels que la poste, les banques, les notaires et les avocats agréés près de la Cour de cassation. Pour le Conseil, ces prestataires représentent un réseau beaucoup plus dense et donc plus facile d'accès que les structures spécialisées de l'Administration, notamment en milieu rural ou en périphérie des villes.Par ailleurs, le Conseil préconise le renforcement des attributions des institutions de médiations, en les dotant, en fonction de leur mission, d'un pouvoir d'investigation. Le Conseil vise surtout le CNDH, le Médiateur et l'Instance de probité, de prévention et de lutte Contre la corruption. Hajar Benezha Système de recours Le Conseil prône la mise en place de moyens de contrôle et de recours. Ainsi, les objectifs fixés par le programme 1 de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, devrait être activés et suivi, notamment en termes de moyens mis en place par les pouvoirs publics pour permettre à l'usager de s'informer de l'état d'avancement de la procédure qu'il a engagée. Les services publics doivent aussi lui notifier les raisons de la décision qu'ils ont prise, lui indiquer les possibilités de réclamation et les voies de recours dont il peut bénéficier. Les délais de réponse doivent être clairement définis ainsi que, le cas échéant, les sanctions, en cas de non-respect du droit et/ou d'abus. Un bureau de recours clairement signalisé, avec un personnel dédié, habilité à traiter les doléances et à prendre les décisions qui s'imposent, doit en conséquence être prévu sur les lieux même où les services sont délivrés.