L'Association Afrique Culture Maroc (ACM) et le Collectif des travailleurs migrants au Maroc (CTMM) lèvent le voile sur les mauvaises conditions de travail des femmes domestiques migrantes au Maroc. Le 26 avril, les deux associations ont organisé à Rabat une journée de réflexion placée sous le thème «Accès à l'emploi des femmes migrantes: enjeux et réalités». L'occasion pour l'association de présenter des témoignages de travailleuses domestiques exploitées, en vue d'améliorer l'accès de ces femmes aux services sociaux de base et mettre fin à la traite humaine au Maroc. Au cours de cette journée, Leila Ouchani, chef de la division de la qualification et de l'intégration économique, au ministère délégué des Affaires de la Migration, a déclaré que le Maroc a adopté depuis 2013 une politique migratoire basée sur une approche humaniste, qui a été concrétisée en premier lieu par la campagne de régularisation de 2014 ayant permis de régulariser plus de 25.000 migrants. Cette campagne a été suivie par la deuxième phase d'intégration des personnes en situation régulière au Maroc. Selon la représentante du ministère délégué des Affaires de la migration, le Maroc a mis en œuvre plusieurs programmes dans les domaines de l'éducation, la santé, la formation professionnelle et l'emploi... pour faciliter l'intégration des migrants au sein de la société marocaine. Des avancées ont été enregistrées, notamment en matière d'emploi par la suppression de la préférence nationale pour les migrants régularisés en 2014, l'ouverture de la recherche de l'emploi au niveau des agences de l'Anapec. «Ces efforts qui ont été déployés ne sont pas suffisants. Il reste encore beaucoup à faire, notamment au niveau du renforcement du dispositif d'accueil, d'accompagnement, d'orientation et le suivi en matière d'accès à l'emploi», a-t-elle conclu. Anne Simon, chargée de programme de coopération sur la migration de l'Union Européenne, a souligné que les femmes représentent aujourd'hui la moitié de la population totale des migrants internationaux dans le monde. Elle a mis en avant les efforts de l'Union Européenne pour le renforcement organisationnel des travailleuses domestiques migrantes pour un accès aux services sociaux de base et la fin de la traite humaine, à travers le projet «Droits des migrants en Action», financé par l'Union européenne en partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la croix rouge et du croissant rouge. «L'originalité de ce projet est de combiner les actions d'assistance classique aux femmes migrantes en situation de travail domestique, soutien social, accès à la santé, formation sur les droits, appui juridique...», a t-elle ajouté. Dans le cadre de ce programme, trois subventions ont été accordées à des associations au Maroc dont l'association Afrique culture Maroc, a-t-elle affirmé. «Ce projet a montré à quel point les associations de migrants peuvent apporter une valeur ajoutée à la société marocaine. Les autorités marocaines en sont conscientes. Elles ont immédiatement aidé les associations de migrants en leur permettant de s'enregistrer dès l'annonce de la nouvelle politique migratoire», a-t-elle fait savoir. Si des efforts sont déployés pour garantir les droits des travailleuses domestiques migrantes au Maroc, il y'a un manque de chiffres en la matière au Maroc pouvant permettre de prendre des décisions éclairées, a indiqué pour sa part Dominique Tieu To, vice-présidente de l'association Afrique culture Maroc. «Conscient de l'enjeu du travail domestique, le Maroc a adopté la loi contre la traite et celle du travail domestique. Des avancées que nous saluons. Notre souhait et de vulgariser ces lois afin que ces femmes jouissent des conditions de travail et puissent accéder aux services sociaux de base», a-t-elle déclaré. Seulement 6% de travailleuses domestiques migrantes gagnent plus de 2500 DHS D'après une enquête menée par l'ACM et dont les résultats préliminaires ont été présentés par Hocine Romaric Ngbatala, chef du projet DMA de l'association, les travailleuses domestiques migrantes au Maroc gagnent des salaires faibles. En effet, seules 5,91% sur un total de 380 femmes interviewées dans le cadre de l'enquête, obtiendraient un salaire de plus de 2500 Dhs. 27,56% d'entre ces femmes auraient des salaires inférieures à 1000 DHS.45, 28 % gagneraient entre 1000 et 1500 DHS et 21,26% entre 1600 et 2500 DHS. En matière d'horaires de travail, l'enquête souligne que 53 % de ces femmes travaillent des heures supplémentaires forcées sans être rémunérées. En matière de situation administrative, il apparait selon ladite étude que 62,88% de ces femmes ont une situation régulière, 35,23% sont en situation irrégulière et 1,89% sont en cours de régularisation. L'étude menée à Kénitra, Rabat, Casablanca, Marrakech, et Tanger révèle également que 39,22% des travailleuses domestiques migrantes sont ivoiriennes, 23,28% des Congolaises, 12,07% des maliennes, 6,03% des Guinéennes, 4,74% des Camerounaises. «Nous tirons la sonnette d'alarme sur les droits des travailleuses domestiques et réitérons notre volonté de sensibiliser l'opinion publique nationale sur la situation de ces femmes pour que le travail domestique soit reconnu comme un travail à part entière», a déclaré le chef du projet DMA. Mettre fin au rôle des intermédiaires Les intervenants au débat sur l'«Accès à l'emploi des femmes migrantes : enjeux et réalités» ont émis plusieurs recommandations en vue d'améliorer l'accès de ces femmes à un travail digne. Ils ont plaidé pour que l'Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences (ANAPEC) devienne le seul et unique intermédiaire entre les travailleurs et les employeurs, dans la perspective de mettre fin au rôle des intermédiaires. «Nous ne pourrons pas lutter contre l'exploitation des travailleurs domestiques sans combattre le rôle de l'intermédiaire, acteur majeur de la traite», a déclaré l'association. Les intervenants ont par ailleurs appelé à étendre les protections législatives existantes au travail domestique, à faire un travail de sensibilisation auprès des travailleurs et des employeurs pour lutter contre la confiscation des documents d'identité, assurer un temps de travail maximum autorisé, mettre en place un contrat-type et exiger un salaire minimum obligatoire.