Parfois appelé encéphalomyélite myalgique, le syndrome de fatigue chronique est-il causé par un virus ? Les travaux publiés fin août dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) suggèrent un lien étroit entre cette pathologie énigmatique, longtemps considérée comme psychosomatique, et des rétrovirus de la famille des MLV (Murine Leukemia Virus) - responsables notamment de leucémies et de neuropathologies chez la souris. Menée par Harvey Alter (National Institutes of Health), cette nouvelle étude renforce les premiers travaux, publiés à l'automne 2009, suggérant une telle association. Cette maladie très handicapante, qui mêle une fatigue profonde et durable à des douleurs musculaires ou articulaires et des troubles cognitifs (confusion, perte de mémoire, etc.), toucherait environ un million de personnes aux Etats-Unis. La question de sa possible cause virale n'est cependant pas encore tranchée. "Pour l'heure, tout le monde s'accorde pour dire que la causalité entre les MLV et ce syndrome très handicapant n'est pas établie ", dit Marc Sitbon, spécialiste des rétrovirus oncogènes et directeur de recherche (Inserm) à l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (université de Montpellier/CNRS). En octobre 2009, des chercheurs américains, partiellement financés par une association de malades, avaient trouvé des séquences génétiques de XMRV (Xenotropic MLV-Related Virus) sur 67 % d'un échantillon de "fatigués chroniques". Le virus n'était que marginalement découvert chez les sujets sains. Résultats contradictoires Ces travaux ont soulevé un intérêt considérable. "Quatre équipes européennes ont cherché à établir ce lien et aucune n'a réussi", dit M. Sitbon. L'équipe de M. Alter, grand nom de la virologie, y est parvenue, ayant pris moult précautions expérimentales, saluées par la communauté scientifique. Comment interpréter ces résultats contradictoires ? "Je ne crois pas que cela soit dû à une divergence dans la définition des symptômes de la maladie de part et d'autre de l'Atlantique, avance M. Sitbon. Cela peut être alors dû à des problèmes techniques lors des expérimentations, ou au fait que le virus ait atteint certaines cohortes de patients et pas d'autres par des voies qui restent à déterminer." Une manière de trancher serait, dit en substance le chercheur, de montrer que les séquences génétiques virales détectées sont bel et bien intégrées à l'ADN du patient - caractéristique des rétrovirus. Voire, pourquoi pas, de mener un essai clinique sur des individus atteints de formes particulièrement débilitantes de la maladie, en testant l'efficacité d'antirétroviraux. Deux récentes études suggèrent que certaines molécules utilisées contre le VIH puissent être efficaces contre le XMRV. Stéphane Foucart