Depuis quelques années, la chirurgie esthétique est en pleine expansion au Maroc. Des injections de botox, à la liposuccion en passant par les implants mammaires, les liftings ou encore la rhinoplastie, plus de 20.000 opérations seraient pratiquées chaque année. Le point sur ces pratiques de plus en plus courantes. Depuis de très longues années, dans notre société très respectueuse des traditions, des us et coutumes, l'image du corps a toujours été enveloppée de tabous de «Hchouma». Les femmes portaient des Hayeks, Djellaba qui couvraient tout le corps. Il faut dire que l'espérance de vie était plus courte, que la qualité de vie était à peine acceptable. Les citoyens étaient préoccupés par des considérations telles que l'accessibilité à l'alimentation, aux soins, au logement, à l'éducation, au transport... Cette situation s'est améliorée. Nous vivons plus. Mieux encore, nos moyens se sont améliorés et les préoccupations des citoyens ont suivi. Jamais l'image du corps n'a fait l'objet d'un intérêt aussi grandissant qu'en ce moment. En effet, il ne faut pas être devin pour constater qu'aujourd'hui dans notre société, le corps occupe une place de plus en plus grande. Il est surmédiatisé dans les séries télévisées Turques, sud-américaines, les films indous et les émissions Arabe telles qu'Idoles ou The Voice très populaires au Maroc et regardées par des millions de personnes dont des jeunes via les chaînes satellitaires. Tous et toutes ne désirent qu'une seule chose, ressembler aux vedettes présentées dans ces émissions et tenir tête à la vieillesse. Conséquence de cette frénésie pour des corps parfaits, la chirurgie esthétique a le vent en poupe et connait dans notre pays un réel engouement. Ceci étant, la pratique chirurgicale attire jeunes et personnes âgées, surtout que les prix affichés sont de plus en plus accessibles. Environ 20 000 opérations de chirurgie esthétique sont pratiquées par an au Maroc par des hommes et des femmes. C'est ce que rapporte la Société marocaine de chirurgie plastique reconstructive et esthétique par la voix de son président. Ce chiffre ne représente certainement pas la situation exacte. Il reste bien en deçà de la réalité, car il ne prend certainement pas en compte les nombreuses opérations esthétiques et plastiques réalisées par des chirurgiens non spécialisés, mais qui les pratiquent parce qu'elles rapportent gros. S'agissant de la demande, les hommes choisissent de se refaire le nez (rhinoplastie), les paupières tombantes, des injections de Botox. Ils sont 25 à 30% d'hommes qui recourent à la chirurgie esthétique contre 70% de femmes. Pour répondre à cette demande de plus en plus importante, de nombreuses cliniques spécialisées dans la chirurgie esthétique ont vu le jour. Modernes, dotées de la très haute technologie, avec des compétences médicales reconnues à l'échelon national, régional voire international, ces cliniques offrent une large gamme de services et de prestations pour satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante et soucieuse de sa santé et de son bien-être physique et esthétique. Aujourd'hui, toutes les grandes villes marocaines comptent plusieurs plasticiens, qui réalisent dans des structures répondant aux standards internationaux des opérations chirurgicales esthétiques très appréciées. Les spécialistes de chirurgie esthétique marocains ont acquis une bonne réputation grâce a leur dextérité, leur savoir faire et aux résultats qu'ils obtiennent auprès de leur clientèle qui privilégie de plus en plus la destination Maroc pour la chirurgie esthétique. Intervention-prix : quel rapport ? Les prix des différentes interventions esthétiques ont connu une baisse de près de 50 %. A titre purement indicatif, une séance de Botox coûte à peu près 2.000 à 3500 dirhams avec des effets visibles sur plusieurs mois. La liposuccion consiste à aspirer le surplus de gras. Elle peut être pratiquée un peu partout sur le corps : genoux, culotte de cheval, ventre. En termes de coût, il faut compter plus 10 000 DH. La greffe de cheveux reste une opération pratiquée quasi-exclusivement sur les hommes. Elle consiste à retirer des cheveux d'une zone dite donneuse, située à l'arrière du crâne et à les implanter dans les zones dégarnies. Pour 8000 cheveux (largement suffisants pour recouvrir un crâne bien dégarni), comptez près de 50 000 DH. Le rajeunissement facial est une des opérations les plus répandues. Elle touche principalement les femmes qui y ont recours de plus en plus tôt, à partir de 30 ans. Pour un rajeunissement facial intégral, avec anesthésie, il faut plus de 40 000 DH. L'implant mammaire, qui constitue environ 30% des demandes des femmes, est une poche de silicone placée au niveau de la poitrine, qui permet d'augmenter la taille du bonnet. Une opération dont le prix commence à 25 000 DH. Idem pour une réduction mammaire. La rhinoplastie permet d'en finir avec un nez proéminent. Le coût de cette pratique, appelée plus simplement rabotage de nez et qui figure parmi les opérations les plus répandues, excède rarement 20 000 DH. Et l'éthique ? La chirurgie esthétique est un acte médical qui fait appel au respect des règles éthiques et déontologiques. Les praticiens respectueux de leur science, de leur art, se doivent d'agir toujours avec conscience et ne jamais céder à l'appât du gain aussi important soit-il. Pour le chirurgien esthéticien, tout acte doit être justifié. Il ne s'agit nullement de répondre par l'affirmative à toutes les demandes du client ou de céder pour satisfaire des désirs exagérés en termes d'interventions chirurgicales esthétiques. Un chirurgien plasticien, esthéticien qui respecte sa noble profession et qui est soucieux de sa renommée, placera toujours la sécurité et l'intérêt de son patient au rang de priorité. Il est certes vrai que la chirurgie esthétique a pour but d'améliorer l'apparence physique, que certaines interventions de chirurgie esthétique peuvent être bénéfiques pour certains et améliorer leur confiance et l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes, surtout pour celles et ceux victimes d'accidents, de cicatrices profondes provenant d'acné, de brûlures, de malformations à la naissance ou d'autres circonstances ayant provoqué des dommages importants au niveau de l'apparence physique, mais cela ne doit justifier en rien le désir de changer totalement d'apparence ou de visage. Dans ce cas de figure, nombreux sont les chirurgiens plasticiens – esthéticiens qui refusent catégoriquement de s'aventurer dans ces voies contraires à l'éthique médicale. Al Bayane : Pourquoi avez-vous choisi la spécialité de la chirurgie esthétique ? Docteur El Hassan Tazi : En réalité, c'est la chirurgie esthétique qui m'a choisi. Ce n'est pas moi qui l'ai choisi. Initialement, j'étais orienté en médecine interne. Mais la coïncidence a voulu que je me retrouve un jour dans un bloc opératoire pour faire la micro chirurgie et la chirurgie de la main avec deux chirurgiens. Ceux-ci étaient en fait responsables de la formation en chirurgie plastique. L'un d'eux m'a abordé et m'a dit «pourquoi ne vous inscrivez-vous pas dans cette discipline et dans cette formation ?» Quelque temps après, je suis allé à la faculté de médecine de Montpellier et je m'y suis inscrit. Quel regard portez–vous sur la chirurgie esthétique au Maroc ? La chirurgie esthétique a une présence au Maroc de plus de 50 ans et pratiquement, on peut dire que l'une des premières cliniques privées de chirurgie esthétique au monde a vu le jour ici à Casablanca. Il faut aussi dire et reconnaitre que nos anciens et nos aînés ont fait beaucoup de travail pour valoriser cette discipline. En outre, il ya des personnes extrêmement brillantes qui ont développé leurs savoirs en étudiant en Europe ainsi qu'aux Etats-Unis et qui ont ramené leurs savoirs au Maroc. Aujourd'hui, les plasticiens et les chirurgiens esthéticiens sont une référence. Ils représentent tous une image synonyme de qualité de performance. Je dirais aussi qu'il y a des praticiens marocains extrêmement brillants dans le domaine de la chirurgie esthétique qui aujourd'hui, sont reconnus aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis ainsi que dans les pays asiatiques. La chirurgie esthétique, en tant que spécialité à part entière, nécessite t-elle une formation, un cursus, un diplôme spécifique pour être exercée? La chirurgie esthétique est une discipline à part entière reconnue en tant que telle. C'est une discipline qui nécessite une formation. Celle-ci doit obligatoirement être universitaire, suivie dans des centres reconnus par les instances marocaines. Il y a une durée minimum de formation sans laquelle on n'est pas reconnu en tant que plasticien. En plus, la majorité des praticiens de ma génération ont servi près de deux années de services civiles obligatoires ou pour certains, le service militaire. Cette formation est classée parmi les meilleurs au monde. Les Marocains sont-ils demandeurs de chirurgie esthétique? La demande de chirurgie plastique et esthétique aussi bien chez les hommes que chez les femmes, est en constante évolution. Cette demande ne m'impressionne pas. Je ne la trouve pas surprenante, dans la mesure où la femme marocaine a toujours été jalouse de sa beauté et ce, depuis la nuit des temps. On sait par exemple que laaquar beldi, le swak, le Khoul ou encore le tatouage (lousham) ont toujours existé. Il en est de même pour el henna. On sait aussi qu'une femme qui va se marier fait l'objet de mille attentions. Elle est l'objet de tous les soins ; on l'embellit ; on la rend plus belle et donc embellir la femme est quelque chose qui rentre dans la culture marocaine depuis des millénaires. D'une manière générale, on peut dire que tout ce qui touche ou contribue à la beauté était toujours considéré comme un élément attractif aussi bien chez l'homme marocain que chez la femme marocaine. Quelles sont les interventions les plus courantes aujourd'hui ? En matière chirurgicale avant de rentrer dans les détails, la 1ère intervention la plus demandée aujourd'hui aussi bien au Maroc que dans le monde c'est la liposuccion. Et je vous informe en exclusivité, que j'ai l'honneur et la chance d'être Marocain, inventeur d'une méthode de liposuccion brevetée et déposée aux Etats-Unis. Donc, je connais de très près cette technologie et cette technique. J'ai eu le privilège de faire partie de plusieurs tables-rondes à travers le monde. J'ai été même nommé parmi les 10 experts de la liposuccion au niveau mondial. J'ai obtenu le prix de la meilleure communication scientifique européenne. J'ai été remercié plusieurs fois et félicité par l'association américaine de chirurgie plastique. J'ai enseigné aux Etats-Unis pendant une décennie, en Europe et en Asie. Donc, je dirais que l'intervention esthétique la plus courante et la plus demandée est la liposuccion. Bien sûr, il y a toute la chirurgie qui concerne l'embellissement du profil, la rhinoplastie, le lifting pour embellir et rajeunir le visage. Il y a la chirurgie des seins aussi bien pour augmenter ou diminuer leur volume. Il y a des liposuccions au niveau de la culotte de cheval. Aujourd'hui, il y a une nouvelle génération d'interventions esthétiques non invasives, c'est-à-dire qui ne touchent pas le bistouri. Ces méthodes prennent de l'ampleur comme la toxine Botulique, le peeling ou encore le laser, de même que la greffe des cheveux qui se fait sous anesthésie locale. La demande de chirurgie esthétique est devenue extrêmement variée. Tout ou presque tout est devenu possible ou presque et l'on peut reconstruire à peu près n'importe quelle partie du corps humain. La science étant très avancée, les résultats sont de plus en plus près de la perfection. Les prix sont-ils aujourd'hui à la portée de toutes les bourses ? J'attendais cette question. Oui bien sûr, tout tourne autour du prix. Je communique via ma page facebook et je reçois des dizaines de demandes de prix. Je dirais d'abord que le prix ne s'annoncent pas publiquement et c'est une atteinte à la vie privée des gens. Deuxièmement, cela ne rentre pas dans le cadre de l'éthique nationale et professionnelle. Les prix varient d'un praticien à l'autre, d'une clinique à l'autre et d'un patient à l'autre. Ceci étant, je dirais que les prix pratiqués au Maroc sont moins chers que ceux qui se pratiquent à Rio de Janeiro ou à New York et ce, dans les mêmes conditions de travail, les mêmes technologies. Pour schématiser, je dirais tout simplement que quand une patiente est vraiment dans le besoin d'augmenter ses seins, qui sont plus plats que ceux d'un homme, elle trouvera que dépenser l'argent pour cette opération est raisonnable. Aujourd'hui, on a constaté que de plus en plus de jeunes, de femmes et d'hommes n'hésitent plus à mettre de l'argent de côté pendant des années pour l'investir dans leurs corps. Qu'en est-il de l'éthique, de la morale, de la religion? La chirurgie esthétique ne touche ni la morale ni l'éthique encore moins l'estime ou le respect de la profession. Si on prend pour exemple concret Sidna Youssef, sa beauté impressionnait toutes les femmes qui se sont coupé la main. Donc la beauté est décrite dans le Coran. Elle est décrite avec ampleur. Ce n'est pas une beauté provocante qui a été donnée divinement à un prophète. On se rappelle bien du proverbe qui dit «ina allah jamil youhibou al jamal». Même au cours des époques plus anciennes, le culte de la beauté était très présent chez la femme. Il ne faut que se référer aux légendaires bains de lait de la reine Cléopâtre qui devait lui procurer beauté et jeunesse éternelle. Vous savez, quand on est en présence d'une personne belle, on rajeunit aussi. La femme marocaine est jalouse de sa beauté, jalouse des traditions, respectueuse de sa religion, honorée d'être Marocaine, Africaine, musulmane, Arabe. Nous avons notre propre type de beauté. Nous ne sommes pas obligés de ressembler à d'autres pays. Nous devons être ce que nous sommes tout en respectant notre éthique et notre religion. Je peux dire que si notre travail était contraire à l'éthique et ne respectait pas la religion, on ne l'autoriserait pas dans un pays musulman comme le Maroc. Notre spécialité respecte les fondements de la religion et l'intégrité de l'être humain. Tous les chirurgiens esthéticiens sont respectueux de l'éthique et nous sommes fiers d'exercer ce métier qui rend heureux beaucoup de femmes et beaucoup d'hommes. Il faut cependant choisir un chirurgien esthétique, membre d'une association ou d'un ordre professionnel.