En 1964, Hassan al-Tourabi était déjà un membre actif de la révolte qui poussera le président Aboud à quitter le pouvoir. Ayant commencé sa carrière politique en intégrant les Frères musulmans, Hassan al-Tourabi se retrouve, après la chute d'Aboudi, à la tête du parti politique représentant la mouvance des Frères musulmans, le Front de la Charte islamique. Il sera arrêté en 1969 par le général Numeiri, qui prend le pouvoir la même année, mais réussira, au bout de six mois de prison, à s'enfuir en Libye. En 1979, il revient au Soudan et, grâce un à rapprochement avec les Frères musulmans, il est élu procureur général. En 1984, Numeiri, ayant rompu avec les Frères musulmans, impose l'état d'urgence en avril de la même année, avant d'être renversé en 1985. Hassan al-Tourabi s'attèle alors à la réorganisation de son parti, qu'il rebaptise Front islamique national. En avril 1986, se tiennent les élections législatives qui connaissent la participation de quarante partis politiques soudanais, mais, dans le sud du pays, en proie à la rébellion chrétienne de la SPLA, une douzaine de circonscriptions ne peuvent y participer. Le parti d'al-Tourabi, le Front islamique national, obtiendra 51 sièges, contre 63 pour l'Union démocratique et 99 pour l'Oumma de Sadeq al-Mahdi, qui arrive en tête des législatives. Tourabi est nommé ministre de la Justice, à l'issue des élections, et occupera en mai 1988 le poste de procureur général ; deux postes qu'il cumulera en 1998 avec celui de ministre des Affaires étrangères. En 1989, Omar el-Béchir arrive au pouvoir par coup d'Etat. Il demeurera cependant sous l'influence de Hassan al-Tourabi, qui, en 1992, lors d'un voyage à Ottawa, est attaqué au couteau par un émigré soudanais. Grièvement blessé, il tombe dans le coma et ne s'en remettra qu'après un suivi hospitalier de plusieurs semaines. Hassan al-Tourabi deviendra tour à tour président du Congrès islamique et chef du Congrès national, poste qu'il occupera après son élection à la présidence du Parlement en 1995. Mais ses démêlées avec El-Béchir, qu'il essaiera d'évincer en faisant voter une loi interdisant le cumul des mandats, conduiront à la dissolution du Parlement, faisant, du même coup, échouer son plan. Sa demande de boycott des élections présidentielles qui s'ensuivront sera la goutte d'eau de trop : al-Tourabi est démis de ses fonctions au sein du Congrès national ; précédent qui l'amènera alors à fonder un nouveau parti : le Congrès populaire. Il sera ensuite emprisonné en 2004 par el-Béchir pour tentative de coup d'Etat avorté en 2003. Il sera libéré en 2005 par el-Béchir, qui pour fêter ses 16 années de règne, libère tous les prisonniers politiques. Ses idées religieuses quelque peu révolutionnaires, concernant notamment le mariage des femmes musulmanes ave des juifs et des chrétiens - qu'al-Touarabi reconnaît comme licite – et l'organisation non séparée de la prière entre hommes et femmes, finiront par le faire accuser d'apostasie, par ses contradicteurs traditionnalistes, dont il décriait justement les idées «obsolètes». En somme, al-Tourabi aura été, malgré ses idées iconoclastes, une figure importante de la vie politique soudanaise, et la forte affluence de plus 3000 âmes à ses obsèques, ce samedi 5 mars 2016, reste une preuve et un témoignage indélébiles de la portée politique du personnage.