Bouazza Kherrati, président de l'Association marocaine pour la protection du consommateur, est affirmatif « le marché marocain ne devrait pas connaître des problèmes d'approvisionnement durant le mois sacré du ramadan ». Il rappelle, cependant que le contrôle des produits alimentaires ne doit pas se limiter au mois du ramadan. Il devrait s'étendre au reste de l'année. Concernant les prix des aliments, il est obligatoire de les afficher, c'est estime-il une obligation légale devant assurer un maximum de transparence. Al Bayane : Selon-vous où en est l'approvisionnement du marché en produits alimentaires avec l'avènement du mois sacré du ramadan? B.Kherrati : Le marché marocain est bien approvisionné en denrées de base nécessaires aux besoins vitaux du consommateur national. C'est du moins ce qu'affirment les services compétents. Je pense que pour une fois, le gouvernement ne sera pas confronté aux difficultés qui apparaissent en pareille occurrence, dans la mesure où l'effet période estivale jouera pleinement et masquera les évolutions erratiques du marché. Estimez-vous que les opérations de contrôle se font dans les règles de l'art ? Parler de contrôle uniquement au mois de Ramadan, c'est « blasphémer » en quelque sorte. En effet, le Marocain consomme tous les jours et le contrôle devrait être quotidien et non conjoncturel. Bien sure en cette sainte occasion, il y a dérives de la part certains producteurs et vendeurs qui saisissent cette période de demande accrue des denrées alimentaires pour se faire des gains illicites. D'abord, ils jouent sur la qualité et font semblant d'en diminuer le prix. Les services de contrôle qui dépendent de plusieurs administrations essayent de se positionner dans ce dispositif de contrôle, chacun à sa manière dans un exercice d'exhibition de ses compétences. Ce sont des opérations médiatisées qui ne reflètent en aucun cas la réalité. Je m'explique : un consommateur lambda achète un jus quelconque d'un vendeur x . Le jus se trouve être un produit de contrebande dont la date de péremption est dépassée ou falsifiée. Alors quelle est la démarche à suivre pour réclamer son droit ? Bien sure le consommateur est perdant puisqu'il n'y en a aucune. Les produits de contrebande vendue au vu et au su de tout le monde, alors que les services de contrôle refusent de faire leur devoir sous prétexte que la marchandise incriminée a été saisie chez un vendeur ambulant. Autre exemple, nos ruelles sont jonchées de produits alimentaires préparés selon des procédures qui échappent à tout processus de contrôle, car tout le monde s'improvise en traiteur et offre des produits de consommation faits maison. Le commun des citoyens est évidement alléchés par ces offres de produits dont il ignore l'origine sous l'impact du jeûne. Le risque de se trouver arnaqué ou intoxiqué est très grand car l'origine des produits est inconnue, comme on vient de le souligner et les conditions de préparation et d'exposition sont souvent lamentables. En conclusion on pourrait dire qu'avant de contrôler, il y a lieu d'organiser les métiers et de sensibiliser le consommateur et le vendeur. L'Etat ne peut en aucun cas mettre un contrôleur derrière chaque commerçant. La philosophie du contrôle devrait changer et s'adapter aux différentes mutations du marché. En ce qui concerne les prix, comment œuvrez-vous pour protéger les droits des citoyens à accéder aux produits alimentaires à des prix raisonnables? Le prix est souvent défini par rapport à la qualité. Et parler de contrôle des prix pour les produits exemptes de subventions de l'Etat c'est leurrer le consommateur. En effet, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence ne rend obligatoire que l'affiche, le prix reste libre. Et on se trouve avec une loi « copier coller » non adaptée au marché marocain et notre association exige du gouvernement son amendement d'urgence. Quelles sont selon-vous les points noirs observés, qui entravant l'approvisionnement des marchés en produits alimentaires ? Le point noir est structurel. Car, à chaque mois de Ramadan, on nous sert la même chanson que celle des différents gouvernements. Il s'agit selon nous d'un disc rayé disséminant des discours désuets. Tant que le marché noir est florissant, le consommateur n'est point protégé et les instances de contrôle défaillantes. L'Etat doit prendre le taureau par les cornes et proposer un plan national de lutte contre le commerce informel à l'instance des programmes de la lutte contre l'habitat insalubre. Depuis septembre 2007, notre association a mis en place le Guichet conseil avec la coopération allemande. Ces espaces d'écoute ont enregistré plus de 3000 requêtes touchant plusieurs secteurs. Ces bureaux ouvert 5 jours sur 7 conseillent et soutiennent les consommateurs lésés. Les requêtes arrivent par différentes voies, direct ; mails, tel, fax… et une cellule de traitement suit l'évolution des doléances des consommateurs. Nous faisons devoir sans le soutien de l'Etat qui s'affaire, par ailleurs, à jouer à la politique de l'autruche à l'égard de l'intérêt qu'il devrait témoigner au rôle dynamique que jouent les associations de protection des consommateurs.