Qu'une soirée de télévision, basée sur des variétés largement répandues dans le marché des loisirs, mette en émoi une large frange de l'opinion publique a de quoi interpeller nos chercheurs en sociologie de masse si ce n'est bien au-delà, du côté des psychanalystes, pour interroger notre psychologie collective. La réaction à la soirée de Jennifer Lopez est, pour le moins qu'on puisse dire, disproportionnée eu égard la nature du spectacle en soi, qui n'est pas inédit du point de vue de sa forme dans notre paysage culturel, eu égard aussi à la joie et au plaisir qu'il a suscités chez d'autres franges de la population marocaine qui ont suivi en masse le show de la star américaine, soit directement en assistant au concert, soit via sa retransmission télévisée. Que cela pousse des formations politiques à mobiliser leurs troupes et à affuter leurs armes contre une danseuse, contre un festival et contre une chaîne, cela dénote de l'existence d'un malaise certain au sein de notre espace public et parmi nos élites. Il y a du Shakespeare dans l'air quand il fait dire à l'un de ses personnages : «Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark».