Zagora appelle à la reconnaissance de l'agriculture familiale oasienne Le débat sur l'agriculture oasienne a battu son plein à Zagora. Trois jours de réflexion sur les opportunités, les menaces et les enjeux de ce secteur ont débouché sur des recommandations pratiques et grandes lignes stratégiques pour faire de cette composante de l'agriculture un levier économique et un domaine prometteur pour la population, mais aussi et surtout avoir des retombées bénéfiques sur l'économie internationale. Placé sous le thème : «L'agriculture familiale oasienne : Opportunités et menaces», le forum international des oasis et du développement local, dans sa 3 édition tenue par l'association du Forum international des oasis de Zagora, du 18 au 21 décembre courant, est sorti avec son appel. Après avoir débattu et se pencher sur les différentes problématiques auxquelles est confronté ce domaine, les organisateurs ont exigé, d'abord, la reconnaissance formelle de l'agriculture familiale comme pilier fondamental des oasis, et en tant que modèle de développement durable et patrimoine économique, social et culturel. Ils ont également signalé, à l'occasion, le rôle primordial de l'agriculture familiale dans la préservation de l'agro-système oasien et ses bienfaits divers : moteur de l'économie locale, création d'emploi, garantie de la sécurité alimentaire locale, préservation de la biodiversité, source de valeurs et de savoir-faire dans la gestion durable des ressources naturelles, adaptation aux changements climatiques, ainsi que l'intégration des spécificités de l'agriculture familiale oasienne dans les politiques publiques de développement local et national, tout en assurant la synergie entre les différents plans d'action et la coordination entre les multiples acteurs concernés : pouvoirs publics, organisation paysannes, société civile, secteur privé, scientifiques... A cela s'ajoute l'appui de l'agriculture familiale, à travers des mesures discriminatoires positives pour l'amélioration des pratiques locales existantes et l'introduction des nouvelles techniques de gestion de ressources naturelles, notamment les techniques d'économie d'eau et d'agriculture écologique, la mise de l'accent sur la nécessité d'améliorer les revenus agricoles familiaux, de valoriser les productions locales, de développer des cultures à haute valeur ajoutée, d'œuvrer pour l'organisation des agriculteurs, appuyer la restructuration des filières de commercialisation sur la base des dynamiques locales, ainsi que l'instauration de programmes en faveur des jeunes agriculteurs, reconnaissant ainsi leur importance dans la garantie de la durabilité de l'agro-système oasien, la reconnaissance du rôle majeur de la femme oasienne dans le bon fonctionnement de l'unité familiale agricole et en tant que garante des valeurs oasiennes. En plus, ils ont indiqué, dans le même appel, sur l'importance capitale pour les agriculteurs familiaux d'accéder aux ressources naturelles notamment l'eau et l'accès aux différents types d'informations relatives à l'adaptation aux changements climatiques, aux aléas du marché, aux aides et subventions publiques et aux techniques écologiques et innovantes. Ils ont invité l'ensemble des acteurs du développement des territoires oasiens à davantage d'engagement en faveur des agricultures familiales oasiennes, en particulier et des oasis en général. Ont-ils précisé dans l'appel du forum. *** Collette Gaillard, représentante de l'association Slow food international «La production d'une alimentation saine et riche est possible au Maroc» Le vrai enjeu aujourd'hui est celui de la production d'une alimentation naturelle, saine et qui respecte l'environnement. La gestion de l'eau et les changements climatiques demeurent entre autres parmi les paris de l'agriculture de nos jours. Dans ce cadre, les associations doivent s'intervenir pour contribuer à la réalisation des objectifs majeurs de développement notamment de l'agriculture familiale. Al Bayane : Dans quel but avez-vous participé au Forum international des oasis et du développement durable ? Collette Gaillard : Pour moi, la problématique des oasis est un problème majeur et mondial. Je crois qu'on est tous impliqué pour se pencher là-dessus : les gens qui travaillent sur le terrain et qui agissent localement, ainsi que les gens qui font des recherches, et bien d'autres qui sont dans des postes de décision, les élus et les ministres... pour mettre toutes les énergies en communs afin résoudre ce problème. Avez-vous mené des actions en la matière au Maroc ? Je fais partie d'une association qui s'appelait Slow food international, qui a une antenne au Maroc avec une vingtaine de groupes locaux, notamment dans la région d'Errachidia, Ouarzazate et Zagora où nous envisageons de développer des groupes de réflexion et d'action. De l'autre, il y a des actions qui sont menées dans la vallée de Ziz concernant des problématiques de désertification, des actions en faveur de l'implantation de jardin dans les écoles et dans les communautés, et des actions pour faire connaitre les produits de qualité qui sont produits dans la région comme les dattes, le Safran, le henné. Donc nous sommes nombreux à travailler déjà sur ce sujet. A votre avis, Et en parallèle à ces actions que vous avez menées, peut-on assurer une autosuffisance alimentaire saine dans ces zones ? Je pense que c'est possible. Il faut simplement redonner aux populations rurales l'envie de re-cultiver leur propre denrée alimentaire, chose qui se faisait autrefois. Et pourquoi ne se fera plus aujourd'hui à condition que cela soit produit dans le respect de l'environnement avec des techniques qui économisent l'eau et régénèrent des sols vivants ? Certes, avec des techniques naturelles on peut arriver à produire une alimentation à la fois saine et riche et revenir à une société d'abondance. *** Jean-Baptiste Cheneval, coordinateur du RADDO «Profiter davantage de l'agriculture familiale oasienne» L'agriculture familiale est essentielle pour la sauvegarde des oasis. Elle est essentielle également pour développer les systèmes de gestions durables des ressources naturelles qui alimentent l'économie local , et participe ainsi à la sécurité alimentaire des régions oasiennes. Elle présente aussi une forme de résilience par rapport notamment aux changements climatiques, nous confie Jean-Baptiste Cheneval, coordinateur RADDO lors du forum international. Al Bayane : Quelles sont les actions que vous avez menées dans les régions oasiennes marocaines? Jean-Baptiste Cheneval : D'abord, je représente le RADDO (Réseau associatif du développement durable) des oasis, qui vise le développement durable du système oasien au Maghreb, au Tchad et au Niger. L'objectif est à la fois le renforcement de l'association en tant qu'acteur du développement local, et ce, à travers les formations , les échanges d'expériences, les voyages d'études dans l'idée de faire profiter les uns et les autres des expériences des différentes associations qui existent dans le milieu oasien et également de mener tout un travail de plaidoyer auprès des pouvoir publics locaux, nationaux et internationaux pour faire reconnaitre l'importance de ces agro-systèmes qui existent. En effet, c'est grâce à la main de l'homme que ces agricultures sont là. Nous essayons à travers nos actions de faire connaitre leur importance dans le développement des eaux arides et la préservation des ressources naturelles. En outre, nous sommes intervenus ici dans le cadre de ce forum international pour présenter l'agriculture familiale oasienne, c'est-à-dire cette agriculture qui investi l'agriculteur, sa femme et sa famille... pour montrer finalement en quoi cette agriculture familiale est essentielle à la sauvegarde des oasis, dans le sens qu'elle développe des systèmes permettant des techniques de gestion durables des ressources naturelles qui alimentent l'économie locale, participent à la sécurité alimentaire de la région et également présentent une forme de résilience par rapport notamment aux changements climatiques. On est intervenu pour cerner l'agriculture familiale oasienne et l'intégrer à l'ensemble des débats. Qu'en est-il en matière d'avancement de l'agriculture familiale oasienne dans ces régions ? Au niveau mondial, l'agriculture familiale est le premier employeur avec 40% de la population active dans le monde travaillant dans ce domaine. Elle est également le 1er fournisseur de donataires alimentaires, car 80% des ressources alimentaires mondiales sont fournies par l'agriculture familiale. En ce qui concerne les oasis, on distingue plusieurs types d'agricultures familiales. Je crois que s'intéresser à l'agriculture familiale, aujourd'hui, demande à revoir notre approche du développement agricole. On a longtemps pensé que le développement agricole passe par l'acquisition de tracteurs, des variétés de semences améliorées, l'utilisation de fertilisants... Mais il faut d'abord soutenir l'agriculture familiale, ce qui demande bien évidement une capacité d'analyser les besoins, connaitre les systèmes de leur fonctionnement pour pouvoir être plus prêts des attentes et des réalités de terrain dans le but de développer des techniques efficientes pour ces agricultures. Il s'agit aussi de relever d'autres enjeux concernant ces agricultures, notamment la capacité d'investissement, l'accès à l'eau et la valorisation des productions. *** Ahmed Chahid, président du Conseil Provincial du Tourisme de Zagora «La question de l'eau est au cœur de toutes les stratégies agricoles oasiennes» Le forum international des oasis et du développement local dans sa 3e édition a pris comme thématique : «l'agriculture familiale : opportunités et menaces». Le choix de cette thématique est entré dans la compagne internationale célébrant l'année internationale 2014 qui a été lancée comme année internationale de l'agriculture par l'ONU. Pourquoi le choix d'une telle thématique ? Ahmed Chahid, président du Conseil Provincial du Tourisme de Zagora, répond à cette question. «Quand on parle des zones oasiennes c'est effectivement la majorité des exploitations agricoles qui entre dans cette tendance. Ce sont bien évidement des exploitations familiales. De l'autre coté, on trouve le rôle des oasis dans l'écosystème aride, à savoir un écosystème fragile qui est en danger avec les changements climatiques. Il faut savoir que cette agriculture se base sur l'humain et les activités qui vont avec. En revanche, on trouve des changements au niveau économique, social, démographique qui ont un effet sur ces écosystèmes, car il y a déjà la sécheresse cyclique. Ce qu'il faut préciser c'est que les oasis ne sont pas des effets naturels, mais plutôt humains. Donc c'est l'homme qui est arrivé avec des pratiques durables, des expériences qu'il a vécues dans ces espaces, et qui est parvenu également à garantir la durabilité. En effet, les changements sociaux ont un impact sur les pratiques, à savoir qu'il y a une marginalisation de l'agriculture, l'exode, l'immigration vers les villes et le modernisme qui n'a pas été pas géré d'une manière stratégique. A cela s'ajoutent le fait que d'autres stratégies n'ont pas été pas mises en place, dont l'aménagement du territoire au niveau des politiques publiques dans ces régions. La question qui se pose est de savoir quelle agriculture on veut dans ces régions là ? On trouve une tendance vers l'agriculture de masse, ou productive, du côté du ministère de l'Agriculture. Mais dans le cadre du système oasien, il faut qu'il adopte une approche intégrée et cherche d'autres alternatives solidaires et durables pour alléger la pression sur les ressources naturelles, à savoir le tourisme solidaire, les mines, les énergies renouvelables. Il faut que l'approche écologique soit intégrée dans les subventions. L'autre problème qui constitue une entrave dans ce domaine est celui de l'accès au financement, notamment dans les terrains communautaires, l'extension avec des exploitations qui sont énormes. Bref, il faut se pencher également sur la question de l'eau qui est au cœur de la stratégie». Le débat sur l'agriculture oasienne a battu son plein à Zagora. Trois jours de réflexion sur les opportunités, les menaces et les enjeux de ce secteur ont débouché sur des recommandations pratiques et grandes lignes stratégiques