Des décideurs politiques et experts africains ont assuré, mercredi à Marrakech, que l'adaptation du continent aux changements climatiques et sa sécurité alimentaire sont tributaires de l'intégration du «savoir climatique» et des technologies modernes dans le développement de l'agriculture. Réunis dans le cadre de la 4eme Conférence internationale sur le changement climatique et le développement (CCDA-IV), ils ont plaidé pour une coopération étroite et une synergie d'efforts pour faire de la question des changements climatiques et les fonds internationaux consentis par les pays développés pour y faire face, une opportunité de développer le secteur de l'agriculture, optimiser son rendement et exploiter les énormes ressources du continent où seulement 25% des terres arables sont cultivées. Pour que l'Afrique puisse s'assurer son autosuffisance alimentaire, les intervenants à ce conclave ont convenu qu'il faudrait investir davantage sur la recherche en changements climatiques, en biotechnologie et développement en innovation, en plus de rendre la technologie accessible et abordable pour les agriculteurs du continent avec un accès facile aux financements. Intervenant à l'ouverture de cette rencontre tenue sous le thème «L'Afrique peut maintenant assurer son autosuffisance alimentaire: du savoir à l'action», le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), Abdalla Hamdok, a souligné l'importance de l'agriculture en Afrique qui représente près de 30% des revenus nationaux des pays africains et emploie 70% de la population. Les changements climatiques, avec une hausse de la température de 2 à 3 degrés Celsius, pourraient aggraver le déficit alimentaire actuel et empêcher la majorité des pays africains d'atteindre le premier des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui consiste à réduire la pauvreté et éradiquer la faim d'ici 2015, a-t-il relevé. Les décideurs africains doivent adopter des feuilles de route pour le développement de l'agriculture, a-t-il conseillé, précisant que l'autosuffisance alimentaire exige des actions concrètes pour l'introduction des technologies, l'industrialisation de l'agriculture, l'amélioration de la compétitivité et de la productivité, la promotion de l'investissement privé dans le secteur, et le renforcement de la logistique et des circuits de commercialisation. La représentante résidente de la Banque africaine de développement (BAD) au Maroc, Mme Yecine Fal, a souligné, pour sa part, que les changements climatiques sont responsables d'une baisse de 20% de la production agricole en Afrique et de la dégradation des sols dont 37% des superficies sont menacées par la désertification. Evoquant la question du financement, la responsable a assuré la disposition de l'établissement financier panafricain à accompagner les projets d'innovation et de développement de l'agriculture, annonçant, à cet égard, que le fonds de la BAD pour les changements climatiques est opérationnel depuis août dernier. Dans un discours lu en son nom, la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma a souligné que la conférence intervient au lendemain du sommet mondial sur le climat à New York où les pays développés se sont engagés à mobiliser 200 milliards de dollars pour lutter contre les effets des changements climatiques. Elle a appelé les pays africains à saisir cette opportunité pour s'assurer l'objectif stratégique de la sécurité alimentaire du continent, plaidant pour des actions ciblant la trilogie centrale «eau-énergie-agriculture» et une coopération interafricaine pour la promotion du savoir et des connaissances en matière des changements climatiques, le suivi des programmes de valorisation du secteur agricole et la gestion optimale des ressources en eau. Pour sa part, Hakima El Haite, ministre déléguée chargée de l'Environnement, a affirmé que le continent africain, qui comptera 2 milliards d'habitants à l'horizon 2050, est particulièrement affecté par les changements climatiques avec la dégradation des sols, l'érosion et la sécheresse qui menace de provoquer une migration massive d'une population estimée à 250 millions d'habitants. L'Afrique peut très bien relever le défi et assurer son autosuffisance alimentaire, compte tenu de l'énorme potentiel en ressources naturelles du continent et sa dynamique économique remarquable avec des taux de croissance allant de 5 à 7%. Après 20 ans de discussions sur les changements climatiques, plusieurs pays développés assument désormais leurs responsabilités et d'importants fonds ont été annoncés à l'occasion du sommet mondial sur le climat à New York pour accompagner la lutte contre les effets de ce phénomène, particulièrement en Afrique où 70% de la population vit de l'agriculture qui représente 16 à 30 % du PIB des pays du continent. Evoquant l'expérience du Maroc, Mme El Haite a souligné que le Royaume a fait preuve, depuis des décennies, d'une stratégie anticipative avec la politique de mobilisation des ressources en eau (130 grands barrages, 100 ouvrages collinaires et l'aménagement des bassins versants), et plus récemment avec des programmes de valorisation du secteur agricole, dont le Plan Maroc Vert, en plus de la loi sur l'intégration de la dimension durabilité et changements climatiques à tout projet de développement. Pour s'assurer de l'efficacité des programmes de développement de l'agriculture, la ministre a plaidé pour une approche décentralisée de la gestion du territoire. «Au vu des spécificités de chaque régions, tout programme de développement n'est pas nécessairement transposable mais assurément adaptable», a-t-elle argumenté. Elle a, en outre, insisté sur l'importance de la coopération entre pays africains et une coordination des vues et des actions pour relever les défis des changements climatiques et en faire un motif pour développer une agriculture moderne et performante capable d'accompagner le développement démographique de l'Afrique. Organisée dans le cadre d'une collaboration tripartite de la Commission de l'Union Africaine (CUA), la Banque Africaine de développement (BAD) et la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), la Conférence a pour objectif de fournir une plate-forme pour débattre de la manière dont l'Afrique peut faire usage du savoir climatique pour transformer les systèmes de production agricole afin d'assurer son autosuffisance alimentaire et améliorer le bien-être socioéconomique de ses habitants de façon durable. Les décideurs politiques, universitaires, chercheurs et praticiens qui participent à cette rencontre, vont partager les connaissances sur les meilleures approches d'intégrer les opportunités de la lutte contre les changements climatiques dans les politiques, stratégies, planifications et pratiques en Afrique.