La greffe d'organes et de tissus est à l'ordre du jour avec une prédominance très nette pour la greffe rénale et celle de la cornée. S'agissant de la greffe rénale, il y a lieu de rappeler que la première transplantation rénale a eu lieu en 1986 grâce a l'aide d'une équipe française. Ce n'est qu'en 1990 qu'une équipe marocaine a effectué la première greffe à partir d'un donneur vivant. En 2011, le nombre de greffes rénales réalisées au Maroc est estimé à 240. En 24 ans le bilan est dérisoire, mince, très mince. Aujourd'hui, à l'occasion de la journée mondiale du rein qui a été célébrée le 11 Mars 2012, la greffe d'organes et en particulier la greffe rénale est de nouveau à l'ordre du jour, tout en s'inscrivant dans ce cadre, elle ouvre la voie à un échange citoyen sur une question largement prioritaire dans notre pays parce qu'elle retient, de longue date, l'intérêt de tous : décideurs politiques, scientifiques, société civile et population large. En célébrant la 7ème Journée mondiale du rein le 11 Mars 2012, le Maroc a réitéré son adhésion totale et constante pour lutter contre les maladies rénales Depuis sa création en 2006, cette journée est célébrée chaque année par notre pays par le ministère de la Santé en partenariat avec la société marocaine de néphrologie pour sensibiliser le grand public et les autorités sanitaires sur les dangers des maladies rénales. C'est aussi l'occasion d'attirer l'attention des populations, des professionnels de santé et des décideurs politiques sur le fléau représenté par les maladies rénales, sur les possibilités actuelles de dépistage, de diagnostic et de traitement. L'objectif étant de stopper l'escalade croissante du nombre de patients souffrant d'insuffisance rénale chronique dont la prise en charge représente une véritable menace sur les budgets de santé. Les maladies rénales connaissent une escalade constante, elles sont chaque année de plus en plus nombreuses, elles toucheraient environ 1 million de marocains. Nombre d'entre eux souffrent d'une insuffisance rénale chronique. Près de 9000 patients sont actuellement dialysées avec une prévalence de 300 cas par million d'habitants. Parmi les 3000 voire 4000 nouveaux qui atteignent chaque année le stade terminal de l'insuffisance rénale chronique, seule une partie arrive à être prise en charge en dialyse. La majorité d'entre eux n'ont pas bénéficié à temps d'une prise en charge néphrologique, alors qu'un dépistage précoce aurait pu éviter à la maladie d'arriver au stade terminal de l'insuffisance rénale, puisqu'un traitement et un suivi adaptés, ainsi que le respect de règles hygiéno-diététiques peuvent notablement en ralentir la progression. La dialyse : une solution palliative Pour permettre de faire face à la grande demande de dialyse et pour que les malades n'aient plus à attendre pour bénéficier des séances de dialyse, le ministère de la Santé a sous traité depuis 2008 ce service auprès de certains centres de dialyses du secteur privé afin de répondre à la demande actuelle de dialyse, ce qui a permis à des patients indigents d'être traités. C'est un partenariat gagnant /gagnant entre public et privé qui démontre, si besoin est, que ces deux secteurs peuvent travailler ensemble pour l'intérêt des malades et partant, participer au développement de la médecine au Maroc. En 1987 seuls 370 malades étaient dialysés En 2006 ils étaient 5.000 à bénéficier de l'hémodialyse En 2011 ce sont 10.000 patients qui suivent la dialyse pour vivre Comme on peut le constater, la courbe est exponentielle, le nombre de malades ne cesse d'augmenter d'année en année, L'hémodialyse pour les insuffisants rénaux n'est qu'une solution palliative. Il faut rappeler que les centres d'hémodialyses dans notre pays qui sont au nombre de 170 (secteur public– privé et mutualiste) ne peuvent pas faire face à la demande actuelle et surtout celle à venir des malades qui nécessiteront des séances de dialyses L'investissement dans ce domaine est très lourd, le ministère de la santé ne pourra pas éternellement faire face à la dialyse car les moyens sont limités au moment ou les couts de prise en charge vont crescendo. Le nombre de nouveaux cas d'insuffisants rénaux chroniques est de 3.000, on devine aisément que des choix devront être opérer pour décider qui devra être dialyser ou pas. Ce douloureux choix qui pose un cas de conscience et d'éthique est une réalité avec laquelle il faudra faire dans les années à venir, d'ailleurs en Angleterre c'est un dilemme qui est vécu au quotidien. Greffe rénale : état des lieux Au Maroc, c'est en 1985 que la première greffe rénale a été réalisée en 2.000 c'est le début des greffes rénales au CHU Ibn Sinaa et en 2006, c'et le début de la greffe rénale à l'hôpital militaire Mohammed V à Rabat. Le nombre de greffes rénales réalisées au Maroc est estimé à plus de 240 greffes En 2010 c'est les premières greffes de rein à partir de personnes en état de mort encéphalique, cette date c'est aussi celle du début des greffes rénales à Marrakech et Fès Parallèlement à ces greffes rénales, il y a lieu de rappeler aussi les greffes de cornées réalisées au niveau de l'hôpital Cheikh Zaid depuis 2005 -2010 et qui ont atteint 1354 greffes. Au niveau des 04 CHU du Maroc, on relève aussi la réalisation de 149 greffes de cornées. Les premières greffes de cornées à partir de personnes en état de mort encéphalique (EME) date de Février 2011 au CHU Ibn Rochd (Casablanca). Greffe de la moelle chez 2 enfants présentant un déficit immunitaire en 2010 au CHU Ibn Rochd Casablanca Des contraintes physiques et économiques Les personnes en insuffisance rénale terminale doivent subir trois fois par semaine pendant quatre à six heures des séances d'hémodialyse pour filtrer leur sang avec un appareil qui remplace le travail des reins Ce traitement est lourd et pénible; il altère la qualité de vie des patients et les placent en situation de dépendance, les conduisant souvent à réduire, voire cesser leur activité professionnelle. L'hémodialyse est particulièrement préjudiciable pour les enfants, qui peuvent avoir des difficultés à suivre une scolarité normale et doivent suivre un régime alimentaire strict. En outre, la dialyse engendre des coûts énormes, les séances coutent prés de 10.000 DH/mois. Prés de 130.000 DH/an auxquels il faut ajouter les coûts inhérents aux examens, ceux relatifs aux médicaments. Les malades indigents, celles et ceux qui n'ont pas de couvertures médicales de type AMO ou une assurance maladie, ne peuvent pas faire face à toutes ces dépenses qui du reste ont ruiné bien des malades qui étaient fortunés. L'investissement dans ce domaine est très lourd, les centres existants ne peuvent pas faire face a la demande et nombreux sont les malades qui ne peuvent pas et qui ne pourront pas être pris en charge. D'autres alternatives à la dialyse doivent immédiatement être trouvées si l'on veut réellement faire face efficacement aux problèmes que posent aujourd'hui les maladies rénales et plus particulièrement l'insuffisance rénale chronique. L'handicap financier Cependant, malgré les avantages de la greffe d'organes, cette thérapeutique médico-chirurgicale est actuellement incapable de satisfaire la demande qui est de plus en plus croissante. Le problème de la greffe rénale est pluriel, aux contraintes juridiques qu'elle impose qui sont en réalité des garde-fous destinés à barrer la route au commerce du rein, la greffe du rein nécessite une implication et des décisions politiques courageuses, c'est ce qui explique qu'en matière de greffe rénale, notre pays accuse un retard énorme. Aux problèmes relatifs aux dons d'organes, il y a l'handicap financier, il faut débourser pas moins de 300.000 DH pour la greffe rénale, un prix rédhibitoire qui constitue à lui seul une impossibilité d'accès à ce type de traitement pour un grand nombre de malades atteints de maladie rénale chronique au stade terminale qui ne doivent leur survie que grâce à la dialyse. A ce coût, il faut ajouter les frais annexes (médicaments à prendre à vie, bilans de santé réguliers). Ce qui signifie que les personnes à revenus limités, les pauvres, sont exclus. Nécessité d'une réelle volonté politique La seule alternative reste la greffe rénale. Il est clair que l'heure n'est plus aux palabres, aux discussions, aux estimations, dans ce registre, nous avons perdu assez de temps, cela fait 20 ans que la greffe rénale retient l'attention, des réunions avec des experts nationaux et internationaux, il y en a eu des centaines, des milliers, des rapports, des projets, des conférences…. Le problème n'a pas pour autant été tranché, et contrairement à ce que disent certains pour justifier cette situation où la lenteur est flagrante, ou encore tout ce qui a pu être écrit tels la législation sur les prélèvements d'organes, la position de la religion, l'éthique et don d'organes…. Tous ces éléments ne sont en réalité que des prétextes pour expliquer la faiblesse de nos moyens pour mener à bien la greffe d'organes Nous avons les compétences humaines, nous avons les structures adaptées pour pratiquer les greffes rénales, mais on note une absence d'audace politique, d'imagination et de laxisme administratif. Nous devons franchir une nouvelle étape si nous voulons réellement asseoir sur des bases solides notre programme de greffes d'organes. La greffe d'organes, nous concerne tous, ce n'est pas l'affaire uniquement du ministère de la santé , du malade, de sa famille, du receveur, du donneur , la greffe d'organes nous interpelle en tant que citoyens avant toute chose et je pense qu'il faut oser aller plus loin dans un domaine si fortement lié à la vie. La greffe rénale permet de supprimer les contraintes de la dialyse. En outre, elle permet de rétablir la totalité des fonctions des reins (production hormonale, par exemple) alors que la dialyse est uniquement un instrument d'élimination des déchets et de maintien de l'homéostasie. De ce fait, la greffe augmente également l'espérance de vie des malades en insuffisance rénale terminale. Chez l'insuffisant rénal chronique, l'efficacité de cette thérapeutique a fait ses preuves tant sur le plan médical (restitution de la fonction rénale) que socioprofessionnel (réintégration du malade dans la vie socioprofessionnelle) et économique, coût moindre par rapport au coût des méthodes de suppléance de la fonction rénale par l'hémodialyse. La greffe rénale permet de sauver les malades d'une mort certaine et de leur procurer une bonne qualité de vie. C'est la raison pour laquelle les spécialistes, les médecins, les décideurs entendent donner à la greffe rénale la place qui lui revient. Le thème de la greffe d'organes a été justement au centre d'un long et fructueux débat organisé par la société marocaine de néphrologie à la faculté de médecine et de pharmacie , un débat qui a connu la participation d'imminentes personnalités , le ministre de la justice , des médecins , des juristes , des hommes politiques, la société civile... Ce débat a ouvert la voie à un échange citoyen sur une question largement prioritaire dans notre pays parce qu'elle retient, de longue date, l'intérêt de tous. Au terme des conférences qui ont été présentées à cette occasion par des intervenants dont les compétences sont unanimement connues et reconnues (Dr Ramzi, Pr Moutawwakil, Pr Ramdani...) un long et fructueux débat s'en est suivi, il ressort de ce débat que nul ne peut ignorer que le don d'organes, dans son processus de décision, dans les conditions qui l'entourent, dans les risques qu'il fait encourir, dans ses conséquences physiques et psychologiques, dans les problèmes sociétaux qu'il crée ou qu'il évite est générateur de beaucoup de questionnements, mais aussi et surtout d'espoirs grâce à toutes les avancées scientifiques et techniques que nous réalisons au Maroc et plus particulièrement dans le domaine de la greffe d'organes. C'est là une des raisons qui font que le Maroc avance peut être lentement mais sûrement dans un domaine aussi sensible, aussi délicat que celui de la greffe d'organes et on ne peut que nous en féliciter même si nous accusons un retard par rapport à d'autres pays où cette pratique est souvent entourée de pratiques honteuses, inacceptables, inhumaines. Nos praticiens, nos spécialistes, nos décideurs, nos juristes et tous les acteurs qui agissent de prés ou de loin dans le domaine de la greffe sont tous conscients de la responsabilité qui est la leur et ils savent mieux que quiconque que les progrès technologiques se conjuguent aux normes éthiques et juridiques, aux valeurs humaines, aux droits de l'homme et aux réalités sociales, économiques et culturelles. Pour finir, je voudrais juste insister sur un aspect fondamental, il s'agit du reportage TV que Medi 1 TV a diffusé le Dimanche 18 Mars à partir de 22 H et dont le thème était justement la greffe rénale. C'est un reportage d'une excellente facture qui vient nous rappeler que au – delà de la greffe, du don de vie, de l'altruisme, de la bonté et de la générosité dont est entouré le don d'organe , tel que vécu par cette mère qui a fait don de son rein à son fils pour qu'il puisse vivre , il y a malheureusement des dérapages , ce que je nommerais : «Les greffes de la honte». C'est courant dans certains pays où il existe une véritable mafia des organes, le cas de la jeune Fatimzohra qui a été greffée en Egypte par un chirurgien véreux et dont la greffe n'a pas été couronnée de succès pour des raisons d'incompétences professionnelles et qui malheureusement est décédée des suites de cette greffe doit nous inciter à rester très vigilent. Au Maroc le problème ne se pose pas, puisque les greffes sont réalisées au niveau des CHU, de l'hôpital Cheikh Zaid et de l'hôpital militaire, par ailleurs, toutes infraction a la loi en vigueur est passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans et d'une amende de 500.000 DH.